Apprendre à innover, à tenter de nouvelles expériences ou à réaliser ses envies de manière indépendante… ce sont à ces thématiques que les jeunes européens devraient être davantage initiés selon une proposition de résolution adoptée par le Parlement européen le 19 janvier [1]. Le rapport porté par l’eurodéputée italienne Barbara Matera (PPE) insiste sur la responsabilité des États à créer dans le cadre des études et de la formation un contexte favorable à l’entreprenariat, et en particulier à l’entreprenariat des femmes. « Il faut qu’une culture d’entreprise soit instillée dans l’esprit des jeunes », a-t-elle affirmé en séance plénière. Dans ce but, le texte invite les États à développer dans les écoles et les universités des programmes formant les jeunes femmes aux aspects techniques et juridiques de la création d’entreprise qui les pousserait aussi davantage vers des filières rémunératrices.
La responsable du centre entrepreneurial de l’EM Strasbourg [2], Juliane Santoni, abonde dans ce sens. L’initiation des jeunes à ces questions devrait se faire dès le plus jeune âge : « L’éducation parentale est primordiale. Il y a encore une dualité dans la façon dont on élève les garçons et les filles. Les qualités pour l’entrepreneuriat sont perçues comme masculines alors qu’elles permettent à chacun d’être constructif, résilient et d’imaginer de nouveaux business modèles. Ces compétences sont utiles dans tous les corps de métiers. »
Pour permettre aux États d’instaurer l’égalité dans tous les secteurs d’activité, le rapport de Barbara Matera donne un certain nombre de pistes, de la subvention aux « mesures incitatives » sur la représentation, et insiste particulièrement sur l’éducation des jeunes filles à la prise de risques. « Il faudrait s’appuyer sur des exemples de femmes chef d’entreprise pour que l’entrepreneuriat des femmes entre dans la normalité », avance Juliane Santoni.
L’entrepreneuriat dans toutes les disciplines
Depuis quelques années, la France mène de plusieurs initiatives dans ce sens. Instituée en 2013, la Semaine de sensibilisation des jeunes à l’entrepreneuriat féminin donne la possibilité à des femmes d’échanger avec les élèves. À cette occasion l’an dernier, 410 entrepreneures ont partagé leur expérience dans 200 établissements scolaires [3]. Par ailleurs dans l’enseignement supérieur, 29 pôles Pépite [4] permettent depuis 2014 aux étudiants et aux jeunes diplômés d’acquérir le statut d’étudiant-entrepreneur pour mener à bien leur projet. « En Alsace, 80 jeunes y participent cette année », détaille la chef de projet Hassania Sebti. L’objectif recherché est de dispenser un enseignement à l’entrepreneuriat dans toutes les disciplines grâce à des nouvelles maquettes de formation pour 2018. Des ateliers sont régulièrement organisés dans les écoles, comme au centre entrepreneurial de l’EM Strasbourg qui a inauguré une imprimante 3D pour développer la créativité des participants.
Pourtant, les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Le gouvernement français avait annoncé en 2013 vouloir atteindre le nombre de 40% de femmes chefs d’entreprise en 2017 – il n’est encore que de 32% aujourd’hui. En Europe en 2012, seuls 31% des entrepreneurs (10,3 millions) étaient des femmes. L’eurodéputée Barbara Matera rappelle que « si l’entrepreneuriat est une priorité politique depuis le lancement du traité de Lisbonne, l’Union européenne reste encore à la traîne, avec un taux d’activité entrepreneuriale de 12 % dans l’UE, contre 27 % en Chine et 21 % aux États-Unis en 2009 ».
Une solution pour renouer avec la croissance
À tous les niveaux décisionnels le constat est le même : « Il faut promouvoir cet esprit d’entreprise car c’est de cette façon que l’UE pourra renouer avec la croissance », affirme Ruža Tomašić, membre croate des Conservateurs et Réformistes européens. Selon une étude de la Commission européenne [5], le PIB européen augmenterait de 9 milliards d’euros par an si les femmes représentaient la moitié du secteur du numérique. « Initier les jeunes à l’entrepreneuriat ne peut que favoriser le développement économique », confirme Hassania Sebti. Plusieurs études récentes ont en effet mis en évidence une corrélation entre la présence de femmes dirigeantes et les performances économiques des entreprises [6].
Pour permettre aux femmes de développer leurs projets, Barbara Matera appelle les autorités à faciliter l’accès au financement, deuxième axe fort du rapport. Le Parlement européen demande ainsi aux États membres d’élaborer des cartes des aides consacrées au soutien à l’entrepreneuriat des femmes et de collaborer avec les milieux financiers afin de s’assurer du respect de l’égalité des sexes en ce qui concerne l’accès aux financements des travailleurs indépendants et des PME. Du point de vue salarial, une étude de l’OCDE révèle que « les femmes installées à leur compte ont un revenu inférieur de 30 à 40 % à celui des hommes dans la même situation » [7]. « Sans soutien financier, il est impossible de mener à bien un projet, et aujourd’hui, les dispositifs pour bénéficier d’un accompagnement ne sont pas clairs », souligne Hassania Sebti, qui a remarqué que les jeunes entrepreneurs participent à des concours principalement pour l’aspect financier. Le rapport rappelle l’existence de l’instrument européen de microfinancement Progress [8], qui permet aux personnes rencontrant des difficultés d’accéder à des prêts de moins de 25 000 euros via des organismes de microcrédit.
Pour compléter cette politique volontariste, la Commission européenne prévoit de lancer une plateforme en ligne proposant aux femmes désireuses de lancer leur entreprise des formations, des parrainages et un portail d’informations sur les financements possibles.
Taux de femmes dans le total des entrepreneurs en 2012 [9].
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