Les listes transnationales en théorie et en pratique : faire campagne

, par Juuso Järviniemi, Traduit par Lorène Weber, Traduit par Loris Birkemeyer

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Les listes transnationales en théorie et en pratique : faire campagne
Barrack Obama prononçant un discours à l’université du Caire en 2009. © White House // Chuck Kennedy

L’article précédent traitant des listes transnationales développait les types de candidats qui se présenteraient aux élections européennes sur la circonscription électorale européenne, si elle venait à être créée. Il suggérait que des politiciens typiquement européens devraient se présenter, tandis que des politiciens essentiellement connus dans leurs Etats membres respectifs devraient s’en tenir aux circonscriptions nationales et régionales traditionnelles. Cependant, il faut également noter qu’il n’y a actuellement pas assez de personnalités politiques identifiées à travers l’Europe pour remplir les listes de candidats des partis. En fonction de la taille de la circonscription, il pourrait ainsi ne même pas y avoir suffisamment de candidats pour occuper tous les sièges. L’article concluait en affirmant que des candidats relativement inconnus, menant de vraies campagnes typiquement européennes, représenteraient une belle success story, non seulement pour les partis mais aussi pour le système.

Les partis nationaux comme vecteurs de campagnes transnationales

Cela pourrait être plus facile à dire qu’à faire. L’article précédent évoquait qu’une présence engagée sur les réseaux sociaux constituait un atout pour le candidat. Mais à moins d’être Guy Verhofstadt, il vous faudra d’abord travailler d’arrache-pied pour vous construire une audience à laquelle vous pourrez faire passer votre message. Idem pour les apparitions publiques. Même en parlant parfaitement le Portugais et en ayant un message politique novateur, si seulement vingt personnes viennent vous écouter, le voyage depuis Timișoara ne vaut certainement pas le coup.

Les lois générales de la politique s’appliquent. On peut s’attendre à ce que les candidats les plus connus bénéficient de ressources et de fonds plus importants pour leur campagne, à la fois issus de donations privées et des fonds du parti. L’exposition médiatique européenne est avant tout utile pour atteindre les "élites académiques" qui lisent Politico Europe pendant leur temps libre, mais cela aussi serait plus facilement atteignable par des personnalités politiques connues. Si la circonscription européenne avait une taille réduite, cela permettrait aux partis de ne pas se soucier de ce que leurs candidats moins connus aient des difficultés à se faire connaître du public [1].

Avec une sphère européenne relativement absente, et étant donné le faible rôle de partis au niveau européen, la machine des partis nationaux pourrait, au moins au début, jouer un rôle important dans la promotion des candidats. Les candidats européens pourraient être inclus dans les prospectus des partis nationaux, et invités à des meetings en tant qu’invités internationaux. Ajoutez à cela des formats de campagne plus innovants, cela aurait pour effet de rapprocher des partis nationaux et européens, et de forcer les partis nationaux à indiquer suffisamment en avance avec quel groupe ils prévoient de siéger au Parlement.

Une question intéressante à se poser est celle de la relation entretenue lors des élections par les partis nationaux et européens. Les partis nationaux peuvent mieux atteindre le public, mais d’un autre côté, le niveau européen doit être fortement impliqué dans la sélection des candidats. Un manque de cohésion interne au parti pourrait se traduire par une faible promotion des candidats européens au niveau local, ce qui pourrait nuire au parti. On est en droit se demander si de telles différences peuvent être tolérées en toutes circonstances, et si ce n’est pas le cas, quels seraient les effets pratiques des tensions.

D’un autre côté, le niveau européen pourrait être appelé à mener des campagnes de terrain dans des endroits où le parti n’est pas représenté au niveau national à proprement parler. Le Brexit fait du Royaume-Uni un exemple quelque peu malheureux, mais étant donné l’absence de parti national affilié au PPE [2] dans le pays, on devrait envisager comment se serait passée la campagne transnationale du PPE en Grande-Bretagne à l’élection de 2014, s’il y avait eu une circonscription européenne. Les ressources au niveau européen sont limitées, et les partis nationaux ne sont pas forcément enclins à dépenser dans des campagnes menées au-delà des frontières de leur pays. Les listes transnationales offriraient toute la place à l’imagination et à l’innovation, et beaucoup à étudier pour les politologues.

La barrière de la langue

Comme souligné plus tôt, connaître plusieurs langues constituerait un avantage pour un candidat en Europe, qui manque encore d’une lingua franca propre. Même si l’image mentale d’un prospectus de Matteo Salvini [3], avec des citations traduites en Finnois, peut en faire grimacer certains, cela pourrait marcher. Cependant, un meeting où le public et l’intervenant ne peuvent pas bien se comprendre serait pour le moins inconfortable. En effet, un précédent article soulignait l’importance d’une langue commune pour une véritable démocratie européenne, précisément pour cette raison (bien qu’en référence au système du Spitzenkandidaten).

Avec le temps, et alors qu’une proportion toujours plus large d’Européens a grandi dans un monde connecté et anglophone, le politicien de Timișoara pourrait peut-être atteindre son électorat en anglais. Mais comme l’observait Nelson Mandela, connaître les langues maternelles des électeurs peut être essentiel pour provoquer une réaction émotionnelle, comme le devrait un véritable politicien. Que vous le vouliez ou non, la barrière de la langue demeurera probablement un élément qui pimente la politique européenne transnationale, y compris les élections dans la circonscription européenne si elle vient à être créée.

Notes

[1Par exemple, avec une circonscription de 25 sièges, le groupe « Europe des Nations et des Libertés » n’aurait probablement qu’un ou deux sièges, et cela ne leur poser donc pas de problème si Marine le Pen est leur seule membre à être connue à l’échelle européenne. Alors qu’avec 73 sièges, ils prétendraient à davantage de sièges et seraient davantage incités à faire connaître d’autres figures politiques de l’ENL

[2Note de la traductrice : Parti Populaire Européen (PPE), groupe politique de droite et centre-droit au Parlement européen. A titre d’exemple, les eurodéputés français du PPE sont issus du parti politique Les Républicains.

[3Note de la traductrice : eurodéputé italien depuis 2009, groupe politique « Europe des nations et des libertés » (groupe co-présidé par Marine Le Pen).

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