Les traités transatlantiques de libre-échange : Une perspective européenne

Deuxième partie (2/3)

, par Rainer Geiger

Les traités transatlantiques de libre-échange : Une perspective européenne
Les mouvements Stop TAFTA rivalisent d’ingéniosité pour mettre en scène les négociations opaques des traités entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Ici, une manifestation à Berlin mettant en scène les négociateurs. - Stop TTIP / Die Auslöser

Depuis septembre dernier, le Mouvement européen Paris Sud a mis en place des groupes de travail dans le but d’effectuer des recherches sur différentes thématiques concernant les politiques menées par l’Union européenne. Un de ces groupes s’est penché sur les accords transatlantiques de libre-échange, le CETA et le TTIP, et livre son analyse dans les colonnes du Taurillon. Dans un deuxième temps, il convient d’analyser les enjeux des traités.

Le projet transatlantique présente un défi de taille pour l’acquis communautaire et les perspectives de l’Union européenne, dans une ambiance politique de plus en plus tendue.

Les avantages d’un tel partenariat

Pour promouvoir le projet, la Commission s’appuie sur des chiffres avancés par des études « indépendantes » qu’elle a elle-même diligentées. Elle a notamment fait état d’un rapport du Center for Economic Policy Research, selon lequel le TTIP dégagerait pour l’Union européenne un gain annuel de 120 milliards d’euros, ce qui équivaudrait pour chaque consommateur européen à un bénéfice de 500 euros par an. Ces chiffres sont le résultat de modèles économiques et d’hypothèses très loin des réalités, car ils sont basés sur une suppression totale de toutes les barrières réglementaires et négligent totalement les coûts que pourraient comporter une telle libéralisation, par exemple en termes de déplacements d’emplois et de dommages à l’environnement. Ils ont aussi été contredits par des certaines autres études qui prévoient un effet quasiment nul ou même négatif, selon les hypothèses retenues.

Il reste cependant que des accords transatlantiques de grande envergure refléteraient une stratégie géopolitique qui permettrait aux partenaires de consolider leur position face à la concurrence des pays tiers, notamment celle des économies émergentes. En facilitant les échanges dans des domaines-clefs comme la suppression des droits de douanes dans l’agriculture et les services, les accords pourraient créer des bénéfices mutuels importants.

Sur le plan de l’harmonisation des normes, une évaluation commune au sein d’un comité de coopération réglementaire pourrait être bénéfique, en réduisant les obstacles non justifiés par un intérêt général impératif.

Faiblesses

Ce qui apparaît ici comme un avantage pourrait constituer une faiblesse dans une autre perspective. Les accords projetés renforceront la tendance de fragmentation du commerce mondial par zones régionales de préférence.

On a beaucoup fait état d’une convergence d’intérêts au sein d’un groupe transatlantique, mais on peut se demander s’il existe vraiment des valeurs communes pour l’harmonisation des règlements et des normes dans des domaines comme l’énergie, la sécurité alimentaire, les politiques sociales et environnementales ? Les normes existantes ne seraient-elles pas tirées vers le bas ?

Pour en donner quelques exemples tels le principe de précaution, cher aux systèmes européens qui n’est pas reconnu aux Etats-Unis. De vastes divergences existent pour les normes sanitaires et environnementales, pour l’élevage des animaux d’abattage, pour l’utilisation de pesticides et OGM entre autres. Comment harmoniser des différences si profondes ? Comment préserver l’espace régulateur fondamental de chaque partenaire dans un tel accord ?

Des opportunités à saisir ?

Dans un certain nombre de domaines, il existe néanmoins des possibilités d’éliminer les normes désuètes et de se mettre d’accord sur les exigences de sécurité de produits, comme c’était également le cas dans le cadre du marché unique communautaire. La confrontation d’idées et les résultats des recherches au sein d’un comité de réglementation pourraient être bénéfiques, dans la perspective de l’harmonisation graduelle, en commençant par la reconnaissance mutuelle des normes.

Les industries européennes, notamment dans le secteur automobile, pourraient aussi bénéficier de la suppression totale des droits de douane.

Même si le chapitre sur la protection des investissements n’est pas strictement nécessaire, il pourrait servir à clarifier des concepts restés vagues dans la plupart des traités bilatéraux d’investissement, notamment la notion de « traitement juste et équitable » et les mesures constituant une expropriation. Ce chapitre pourrait également voir la recherche d’un équilibre entre le droit et la responsabilité des investisseurs et l’affirmation de l’espace réglementaire, indispensable aux Etats.

Les membres de ce groupe de réflexion sont Rainer Geiger, Benjamin Ancel, Marie-Thérèse Cade, Jean-Paul Doguet, Jean-Claude Houdoin.

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