Macron doit regarder plus loin que l’Allemagne

, par Thierry Sciari

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Macron doit regarder plus loin que l'Allemagne
CC Flickr / European Parliament

En misant sur un rapprochement avec Berlin, Emmanuel Macron offre des perspectives nouvelles à l’Union européenne, mais semble oublier que cette dernière ne se pense pas qu’à deux.

Il devait faire souffler un vent de nouveauté sur l’Europe, il n’a pas failli à sa mission. Emmanuel Macron, pour sa première réunion bruxelloise aux côtés de ses 27 homologues européens les 22 et 23 juin derniers, est apparu déterminé et plein de promesses. Brandissant notamment celle d’une « Europe qui protège », le nouveau président français a fait preuve d’un sens de l’initiative développé, désireux de recueillir un large soutien autour de la table de négociations.

Toutefois, une voix au sein de ce quorum semble lui importer plus que les autres : celle de l’Allemagne, incarnée, jusqu’aux prochaines élections fin septembre, par la chancelière Angela Merkel. Dès son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a tenu à accorder les violons parisiens et berlinois, afin que les deux capitales apparaissent unies sur chacun des sujets évoqués durant le Conseil européen - de la défense à la sécurité, en passant par le climat. Les deux n’ont rien inventé : en leur temps, François Mitterrand et Helmut Kohl prônaient déjà cette méthode.

Les 26 sur la rive

Le mariage politique d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron dépasse de loin le stade de l’unité de façade. Au contraire, il semble être de première importance pour le « new boy », qui n’a de cesse de clamer que « quand la France et l’Allemagne ne sont pas d’accord, l’Union européenne n’avance pas ». Angela Merkel, pour sa part, rassurée par les multiples déclarations hexagonales promettant des réformes en France, semble se satisfaire et se réjouir de cette symbiose hors pair. Elle trouve en Emmanuel Macron la volonté de fer, l’oreille attentive et la vivacité qui manquaient à François Hollande.

L’objectif d’Emmanuel Macron est de réformer l’Union européenne. Pour l’atteindre, les planètes semblent alignées. En effet, il prend place au sein du Conseil des 28 chefs d’Etat et de gouvernement alors que l’Union européenne retrouve des couleurs. La crise des réfugiés, bien que pas entièrement résolue, n’atteint plus aujourd’hui les proportions dramatiques d’hier. Le Brexit, qui devait sonner la fin de l’Union européenne, semble, contre toute attente, la vivifier. L’arrivée du trublion Trump sur la scène internationale a fait renaître de ses cendres le projet de défense européenne. La croissance est à nouveau au rendez-vous. Les conditions sont ainsi réunies pour que l’Union européenne puisse avancer vers plus d’intégration, procéder à son auto-critique puis aux ajustements nécessaires en étant plus à l’écoute de ses citoyens.

Et pour réussir sa mission, Emmanuel Macron a choisi l’alliance avec l’Allemagne. Il ne fait aucun doute que dans le contexte actuel, le couple franco-allemand peut jouer un rôle moteur crucial. Plus encore, une impulsion est tout à fait nécessaire. Mais en affichant une si bonne entente, aussi bienvenue soit-elle, Angela Merkel et Emmanuel Macron prennent un risque majeur : celui de mener la barque européenne en laissant les 26 autres sur la rive.

« Pas besoin de bulldogs »

Ainsi Xavier Bettel, le Premier ministre luxembourgeois, n’a-t-il pas hésité à commenter, quelques jours après le Conseil européen du début de l’été : « Nous n’avons pas besoin de bulldogs qui disent aux autres quoi faire. Nous n’avons pas besoin d’un comité de direction de pays qui décident pour tous les autres. Nous n’avons pas besoin d’un « CEO » et d’un « CFO » au sein du Conseil qui imposeraient aux autres ce qu’eux veulent. » Il s’est toutefois empressé d’ajouter : « Emmanuel Macron et Angela Merkel ne semblent pas s’engager sur cette voie et font preuve de beaucoup de respect pour les autres. »

Et si l’erreur d’Emmanuel Macron était quand même de tout miser sur son partenaire allemand ? La conférence de presse commune avec Angela Merkel, largement suivie à l’issue de la rencontre, a donné l’impression d’une Europe à 28 réduite à la voix de deux pays. Quant à la réunion qu’il a tenue, en marge du Conseil, avec le groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie) sur le thème des travailleurs détachés, elle n’a pas suffi à lever ce reproche déjà vivace : le président français n’en a que pour l’Allemagne ! A lui de se débarrasser de ses œillères au plus vite et d’élargir son horizon. Il risque sinon de briser rapidement les espoirs des partisans du renouveau qu’il incarne.

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