Marine Le Pen à la tête de « l’Europe des nations »

, par Hervé Moritz

Marine Le Pen à la tête de « l'Europe des nations »
Marine Le Pen parvient à créer un groupe politique au Parlement européen. - Rémi Noyon

Après un an de tractations dans les couloirs du Parlement européen, Marine Le Pen a réussi a constitué hier un groupe au Parlement européen, lui ouvrant de nouvelles perspectives dans sa croisade contre Bruxelles.

La genèse d’un groupe parlementaire nationaliste et europhobe

Hier, Marine Le Pen a annoncé lors d’une conférence de presse la création d’un groupe parlementaire nommé « Europe des nations et des libertés » au Parlement européen. Elle le présidera avec le néerlandais Marcel de Graaff, membre du Parti de la liberté de son allié Geert Wilders. Malgré de nombreuses tentatives depuis les élections européennes de mai 2014, la baronne de l’extrême droite française n’était pas parvenue à constituer son groupe politique antieuropéen au Parlement de Strasbourg. Le dernier groupe parlementaire européen du FN datait de 2007. En juin 2014, c’était son rival europhobe, Nigel Farage, qui doublait Marine Le Pen en créant le groupe « Europe de la liberté et de la démocratie directe » (ELDD).

Grâce au ralliement de deux eurodéputés polonais du KNP et de la britannique ex-UKIP Janice Atkinson, Marine Le Pen réunit l’ensemble des conditions nécessaires à la création d’un groupe. En effet, pour constituer un groupe au Parlement européen, il faut réunir au moins 25 élus de sept nationalités différentes (d’un quart des Etats membres). Ainsi, le Front National a réussi à rassembler 36 élus, dont 20 députés frontistes. Parmi les alliés déjà acquis à la cause du parti d’extrême droite français, cinq députés italiens de la Ligue du Nord, trois du Parti pour la liberté du néerlandais Geert Wilders, quatre du FPÖ autrichien, et Gerold Annemans du parti séparatiste belge Vlaams Belang.

La dédiabolisation porte-t-elle ses fruits ?

Si la création de ce groupe intervient cette semaine, ce n’est pas par hasard. En effet, les déboires français du Front National ont permis l’éviction du patriarche du parti Jean-Marie Le Pen, et la mise à l’écart de ses alliés. Après de nouveaux propos antisémites et racistes, qui ont heurté les alliés européens de sa fille, Jean-Marie Le Pen ne peut plus s’exprimer au nom du parti qu’il a créé. Par cette exclusion et cette saga familiale, Marine Le Pen alimente son entreprise de dédiabolisation en se coupant de branches extrêmes historiques du Front National. C’est grâce à l’éviction de Jean-Marie Le Pen, et de son lieutenant Bruno Gollnisch, que le groupe a pu se créer.

Il faut dire que la création du groupe « Europe des nations et des libertés » profite également de la perte de vitesse du leader europhobe Nigel Farage. Présidant le groupe « Europe de la liberté et de la démocratie directe » (ELDD), il en refusait l’accès aux élus FN qualifiant le parti d’ouvertement « antisémite ». Ce groupe demeure pourtant instable et la relative défaite de UKIP aux élections britanniques le mois dernier a profondément affaibli Nigel Farage. Ainsi, l’orateur britannique va perdre de son aura au profit de Marine Le Pen, qui s’octroie une tribune plus grande, grâce à la coprésidence de ce groupe parlementaire européen.

Le groupe des infréquentables ?

Cependant, les alliés de Marine Le Pen sont loin d’être tout blanc. Au-delà des idées racistes et antisémites qui circulent au sein du Front National, le Parti pour la liberté comme son allié français et italien, la Ligue du Nord, affiche un discours islamophobe et anti-immigration. Geert Wilders, son président, est connu pour ses propos comparant le Coran à un « Mein Kampf islamique », livre qu’il veut interdire aux Pays-Bas.

Le FPÖ, le Parti de la liberté autrichien, fondé en 1955 par d’anciens nazis, fait aussi son retour sur la scène européenne grâce à ce groupe. Son groupe compte quatre députés issus de cette formation fondée en 1955 par d’anciens nazis. Son ancien leader, Jörg Haider, s’affichait ouvertement comme un antisémite notoire. Aujourd’hui, le parti prône l’interdiction de l’immigration en provenance des pays musulmans et veut réserver la protection sociale aux seuls Autrichiens.

Parmi les nouveaux, Marine Le Pen a réussi à convaincre deux députés du parti polonais KNP, qui défend le rétablissement de la peine de mort et l’interdiction de l’avortement. Dernier chaînon clé de cette alliance europhobe, Janice Atkinson, exclue du parti britannique UKIP en mars dernier pour une affaire de fausses factures qui pèse sur l’un de ses assistants. De nouveaux alliés qui sont loin d’être irréprochables.

Un groupe à tout prix : Pour quoi faire ?

Si la création d’un groupe politique au Parlement européen doit se faire sur la base « affinités politiques » entre ses membres, il faut dire que ce groupe est d’abord une formidable manne financière. Les partis qui y participent pourront recevoir des subventions de l’institution. Ainsi le FN pourrait recevoir 20 à 30 millions d’euros en cinq ans. De quoi stabiliser les finances fragiles du parti. Cependant, ce groupe n’est pas uniquement une formation pécuniaire.

Ce groupe va permettre à ces forces nationalistes disparates d’exister au Parlement européen, tant en commission qu’en plénière. Marginalisés en tant que non-inscrits, ils le demeureront s’ils font cavalier seuls puisqu’avec leurs 36 membres, il demeure le plus petit groupe au Parlement européen. Cependant, des alliances sur certains votes avec les deux autres partis eurosceptiques ou europhobes, l’ELDD de Nigel Farage et les Conservateurs et Réformistes européens, pourraient peser plus lors des votes. De plus, Marine Le Pen a le vent en poupe après cette annonce et grâce à son entreprise de dédiabolisation. Le groupe a déjà annoncé vouloir détruire la zone euro.

Elle pourrait bien devenir une figure plus prégnante de l’opposition souverainiste et nationaliste au Parlement européen, effaçant quelque peu son rival Nigel Farage. L’affirmation de cette position au Parlement lui permettra sans doute de se défendre plus facilement à Strasbourg des accusations portées à l’encontre du parti sur l’usage des enveloppes parlementaires pour financer les instances et les cadres du parti qui travaille à Paris et non sur les affaires européennes.

Cependant, le peu d’intérêt que montrent certains représentants de ces partis pour le travail parlementaire européen risque de casser cette dynamique. Ce groupe restera marginal car ses membres ont démontré à de nombreuses reprises leur inaction au Parlement. A présent qu’elle possède un groupe, nulle excuse pour Marine Le Pen lorsqu’elle sera questionnée sur son travail de parlementaire européen. Elle haranguait précédemment ses collègues en session et ceux qui l’accusent de ne pas remplir son rôle d’eurodéputée. Elle rétorquait que sans groupe parlementaire, elle ne pouvait peser et œuvrer pleinement au Parlement européen, notamment en siégeant en commission, en rédigeant des rapports ou en déposant des amendements. Nulle excuse à présent, que les europhobes se mettent au travail.

Vos commentaires
  • Le 17 juin 2015 à 21:20, par El gaucho francés En réponse à : Marine Le Pen à la tête de « l’Europe des nations »

    Tout d’abord, sur le terme « europhobe », le wikitionnaire donne : Qui craint que le projet politique européen ne menace sa culture (par une intégration plus poussée), son bien-être matériel (en appliquant le principe redistributif de solidarité envers les pays les plus pauvres), etc. (Par extension) Hostile au projet politique européen.

    La première définition est psychiatrisante (d’où la racine -phobe). Je trouve que c’est une façon d’éviter tout débat avec un argument ad hominem. En effet, personne n’a de « phobie » de la construction européenne. La deuxième définition ne l’est pas mais ne correspond pas au FN. En effet, le Fn veut « renégocier les traités » (projet de 2012 : http://www.frontnational.com/pdf/Programme.pdf) => il n’est pas hostile. De façon plus claire : http://www.upr.fr/wp-content/uploads/11024766_10153203761202612_5273282625407098222_n.jpg

    Ensuite, je trouve que cette histoire remet en cause plus le Parlement européen : il n’est pas normal que le premier parti aux européennes ait mis un an pour avoir un groupe et que les financements soient aussi importants et surtout répartis de façon si discriminatoire. Et dire que la commission veut que l’on fasse des économies...

    Sur le terme nationaliste (, il est, lui aussi impropre. En effet, l’extrême-droite est traditionnellement contre la souveraineté nationale, lui préférant la souveraineté de droit divin ou un pouvoir autoritaire. Les définitions que j’ai trouvé sur Internet divergeant et ne me convenant pas, je le définis par : « idéologie qui prône la domination ou la conquête des autres nations » Selon cette définition, le FN ne correspond pas à du nationalisme. Si vous avez une autre définition, donnez-la-moi

  • Le 17 juin 2015 à 23:36, par Alexandre Marin En réponse à : Marine Le Pen à la tête de « l’Europe des nations »

    « il n’est pas normal que le premier parti aux européennes ait mis un an pour avoir un groupe et que les financements soient aussi importants et surtout répartis de façon si discriminatoire. Et dire que la commission veut que l’on fasse des économies... »

    Le FN était le premier parti aux Européennes en France, pas dans les autres pays d’Europe. Il n’a pas eu de groupe car il n’est pas parvenu à s’entendre avec d’autres formations politiques. Il n’y a donc aucune injustice à ce qu’il n’ait pas eu de groupe jusque-là.

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