Le Taurillon : Pourquoi la célébration du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, est-elle importante pour vous ?
Mariya Gabriel : La journée internationale de la femme est doublement importante :
- d’abord parce que c’est en réalité un jour pour nous rappeler les efforts et les initiatives qu’il faut prendre chaque jour, tous les autres jours de l’année pour mieux faire respecter les droits des femmes et faire progresser l’égalité hommes-femmes dans l’Union européenne et dans le monde ;
- et d’autre part, parce que c’est une occasion de toucher un grand nombre de citoyens européens, de sensibiliser et d’informer encore davantage sur la question des droits des femmes.
Au Parlement européen, l’édition 2014 de la journée internationale de la femme est consacrée à la Prévention de la violence à l’égard des femmes. Une grande campagne de sensibilisation a accompagné la réunion interparlementaire visant à échanger les meilleures pratiques entre les États membres pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Nous souhaitons faire prendre conscience que la violence à l’égard des femmes prend de nombreuses formes, et ce n’est pas qu’un problème pour les femmes : c’est un problème pour tous, y compris pour les hommes, c’est un défi pour tous.
Le Taurillon : Quels sont les grands sujets où les droits des femmes sont encore très en retard dans l’UE ?
Mariya Gabriel : Comme je le disais, les droits des femmes ne sont pas respectés dans l’Union européenne, quand 33% des femmes ont déjà subi des violences sexuelles ou physiques (Rapport de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux publié cette semaine). C’est un défi majeur et il est important de le rappeler.
Par ailleurs, là où les droits des femmes sont très en retard, c’est dans le monde du travail. Que ce soit les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, qui, à travail égal, s’élèvent encore en moyenne à 16,2% dans l’UE, ou encore les inégalités dans l’accès aux postes de décisions économiques, ou dans la conciliation de la vie professionnelle et la vie familiale, il y a d’énormes progrès à faire. Les femmes sont encore trop souvent discriminées parce qu’elles sont des femmes et ne sont pas jugées sur leurs compétences. Il faut une approche globale pour y répondre, qui prennent en compte les liens entre ces différents paramètres. Il faut des mesures législatives comme la proposition de directive ’Women on Boards’, et non-législatives basées sur des incitations aux entreprises par exemple, et en trame de fond, mettre fin aux stéréotypes de genre. On peut mentionner aussi la participation des femmes à la prise de décision politique. Des progrès ont été accomplis dans les dernières années mais il faut continuer, et les prochaines élections européennes sont une très bonne occasion de le faire....
Le Taurillon : Comment le Parlement européen peut-il influer pour faire progresser ces droits ?
Mariya Gabriel : D’abord, le Parlement européen est co-législateur pour les dispositions législatives européennes qui se basent sur la politique pour la non-discrimination : c’est le cas de la proposition de directive européenne dites « Women on Boards ». Le Parlement européen a clairement exprimé son soutien à cette proposition en apportant aussi certaines améliorations dont l’accent sur des procédures transparentes d’élection ou de nomination des administrateurs non-exécutifs dans les conseils d’administration.
Ensuite, le Parlement européen, en particulier la commission pour les droits de la femme et l’égalité des genres travaillent sans relâche pour faire progresser les droits des femmes dans l’UE. Nous adoptons régulièrement des rapports d’initiative, qui, bien que n’ayant pas d’impact juridiquement contraignant, ils constituent des outils clés pour attirer l’attention de la Commission européenne ou des États membres sur des problématiques précises et aussi continuer à sensibiliser les citoyens à l’égalité hommes-femmes. En 2012 et 2013 nous avons notamment adopté deux résolutions pour demander à la Commission de proposer une révision de nos mesures européennes pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
La commission FEMM rend aussi des avis et des ’gendermainstreaming amendments’ sur le travail des autres commissions. Ceci permet d’intégrer les droits des femmes dans toutes les politiques de l’Union européenne - y compris la politique extérieure - du moins dans l’élaboration des politiques. Il est vrai que le rôle du Parlement européen est limité ensuite dans la mise en œuvre, mais nous travaillons aussi à attirer l’attention des États membres pour qu’ils fassent le même travail, notamment dans la mise en œuvre des politiques structurelles (fonds structurels).
Le Taurillon : Le Parlement européen est globalement très favorable à ces combats. Comment expliquez-vous cela ?
Mariya Gabriel : Il est vrai que le Parlement européen est très favorable à ces combats et s’est en réalité, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, érigé en défenseur de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cela est vrai aussi pour les droits des femmes.
Je pense que cela s’explique par la fonction du Parlement européen et sa composition. Malgré une présence des femmes relative en son sein (seulement 30% de femmes), cette institution rassemble une très grande diversité de parcours, de profils et représente directement les intérêts des citoyens européens, dont plus de 50% sont des femmes. Et rappelons aussi que c’est une institution politique, peut-être moins technique ou administrative que les autres, qui prend donc des positions résolument engagées sur les questions des Droits de l’Homme dont font partie les droits des femmes.
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