Le contexte de la décision de la CJUE
La décision de la CJUE a été motivée par le cas d’un jeune Guinéen, nommé TQ par la Cour pour protéger son identité, arrivé au Pays-Bas en 2017. En juin 2017, alors âgé d’un peu plus de 15 ans, TQ dépose une demande de permis de séjour à durée limitée, au titre du droit d’asile, auprès des services de l’immigration néerlandais. À ces derniers, il explique être arrivé en Europe suite au décès de sa tante avec qui il vivait en Sierra Leone et raconte avoir été victime à Amsterdam de traite des êtres humains et d’exploitation sexuelle, en raison de quoi il souffrirait désormais de troubles psychiatriques sérieux. Malgré tout, en mars 2018, la demande d’asile de ce jeune MNA est refusée, ce qui conformément au droit néerlandais vaut décision de retour.
Aux Pays-Bas, les décisions de retour dépendent de l’âge du mineur au moment de l’introduction de la demande d’asile. Le renvoi d’un mineur de moins de 15 ans dans son pays d’origine est conditionné à la réalisation d’une enquête devant assurer l’existence de conditions d’accueil adéquates dans l’Etat de retour. En revanche, au-delà de 15 ans, ce qui est le cas de TQ, la décision d’expulsion ne requiert rien de cela. Selon la CJUE, « les autorités néerlandaises semblent attendre que les mineurs en question atteignent l’âge de 18 ans pour ensuite mettre en œuvre la décision de retour », en attendant, leur séjour n’est pas régularisé mais « toléré ». Une fois la majorité atteinte, faute d’avoir obtenu un permis de séjour, ils sont contraints de quitter le territoire européen, qu’importe leur passé de MNA.
Protéger l’intérêt supérieur de l’enfant
Ainsi débouté du droit d’asile, TQ a formé en 2019 un recours auprès du tribunal de La Haye en faisant valoir qu’il ne savait pas où résident ses parents et en assurant qu’il serait incapable de les reconnaître en cas de retour. Le tribunal de La Haye a alors sollicité la CJUE pour interpréter la conformité de la réglementation néerlandaise au droit de l’Union.
En matière de refoulement des migrants, l’Union européenne est régie par une directive dite « directive retour », adoptée en 2008 et qui traite des normes et procédures que doivent suivre les Etats membres pour expulser des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. Concernant les MNA, elle souligne que conformément à la Convention de 1989, l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours primer dans les décisions. De fait, les mineurs isolés doivent systématiquement avoir droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat dans lequel ils se trouvent.
Le verdict inédit de la CJUE
Ainsi, à Luxembourg, la Cour a jugé que toute décision de retour d’un mineur isolé doit être précédée d’une enquête approfondie sur les conditions d’accueil dans l’Etat de retour et ce quel que soit l’âge du MNA. Les Pays-Bas, en refusant aux mineurs de plus de 15 ans ce préalable, contreviennent aux droits de l’Union européenne et de la Convention internationale des droits de l’enfant. De plus, la Cour a rappelé le devoir de loyauté des Etats qui, contrairement à la pratique néerlandaise, ne peuvent à la fois débouter un MNA du droit d’asile et le « tolérer » sur le territoire national jusqu’à sa majorité afin de l’expulser plus facilement par la suite. En effet, les juges estiment que si la demande d’asile a été refusée, c’est parce que la sécurité du mineur doit pouvoir être prouvée dans son pays d’origine et que par conséquent, l’Etat est tenu de l’y reconduire « dans les meilleurs délais ». L’objectif de cette décision européenne est donc de réduire l’incertitude de la situation du mineur, incertitude qui porte préjudice à ses droits et à son avenir.
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