Missak Manouchian entre au Panthéon

, par Antonios Tashejian, Julia Berrier

Toutes les versions de cet article : [English] [français]

Missak Manouchian entre au Panthéon

Mort Pour la France

Le 21 février 1944, 22 membres de la Résistance furent fusillés au Mont-Valérien dans les faubourgs de Paris, par l’Allemagne nazie à travers sa collaboration avec le régime de Vichy. 80 ans plus tard jour pour jour, la France a décidé d’octroyer le plus grand honneur possible à un être humain par l’Etat, un enterrement au Panthéon à Paris pour Missak Manouchian et sa compagne Mélinée. Manouchian était à la tête du groupe connu sous le nom des Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), cela de 1943 jusqu’à sa mort. Le FTP-MOI était le « détachement immigré » de la Résistance intérieure française communiste.

Manouchian était Arménien. Il devient aujourd’hui le premier étranger à entrer au Panthéon. Né en 1906 dans l’Empire ottoman, le jeune Manouchian fut témoin de la mort de ses deux parents pendant le génocide arménien. Dans les années 1920, il entra dans un Orphelinat Arménien au Liban, alors osus mandat français. Depuis là, il traça son chemin vers la France métropolitaine où il s’installa finalement en septembre 1924. Il vécut d’abord à Marseille avant de partir pour Paris où il candidata deux fois pour être naturalisé citoyen français, mais ses deux candidatures se sont vues rejetées. Il fut donc tué apatride.

Manouchian était un poète et traducteur qui traduisait en Arménien les œuvres d’Hugo, de Rimbaud ou de Verlaine, entre autres. Il était un ardent communiste depuis 1934. Ses opinions politiques antifascistes étaient la principale raison de son enrôlement dans la Résistance française.

La Patrie reconnaissante

Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement  », écrivait-il dans sa dernière lettre à sa femme Mélinée.

Le Président Macron a annoncé que Manouchian serait enterré au Panthéon exactement 80 ans après son assassinat. La cérémonie se déroula donc le 21 février 2024.

Pendant les deux semaines précédant l’événement, dans toute la France, musées, centres culturels et médias ont honoré sa mémoire et celle de ses camaradese. Par exemple, le Mémorial de la Shoah à Paris tient actuellement une exposition sur Manouchian et les autres « étrangers dans la Résistance  » .

La cérémonie commença dans la Rue Soufflot qui menait à l’entrée du Panthéon. Nommée d’après le principal architecte de cette grande et imposante structure, Jacques-Germain Soufflot, la rue était remplie de gens de toutes sortes défiant la pluie, le vent et le froid pour honorer un homme qui s’était battu pour le droit de vivre dans une France libre, dans le respect et la dignité.

Couverts du drapeau français, les deux cercueils montèrent la Rue Soufflot sur les épaules des membres de la Légion étrangère au son du duduk, un instrument de musique arménien, et sur les chansons Ils sont tombés de Charles Aznavour, L’affiche rouge de Léo Ferré, Grunk de Gomidas, et d’autres chansons révolutionnaires françaises. La Légion étrangère marqua trois arrêts symboliques pour la survie de Manouchian au génocide arménien(1), son choix de venir en France et de commencer une meilleure vie pour lui-même(2), ses activités à la tête de la faction immigrée de la Résistance intérieure communiste et sa mort (3). Des extraits de poèmes et de lettres de Manouchian furent également lues au public.

Une fois à l’intérieur de l’édifice majestueux qu’est le Panthéon, Emmanuel Macron donna un discours poignant en présence du Premier ministre, des ministres, des ambassadeurs et même du Premier ministre arménien Niko Pashinyan et sa femme. Il évoqua la vie des vingt-trois combattants de la Résistance et s’écria à la fin «  Missak Manouchian […] et la France, reconnaissante, vous accueille. »

Un extrait de la dernière lettre de Missak Manouchian à Mélinée :
 
[...] Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la liberté et de la paix de demain. [...] Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous ! [...]

Cette commémoration ne doit pas être célébrée seulement en France mais aussi à travers l’Europe. Manouchian était un immigrant apatride, un orphelin du génocide arménien, un travailleur de la classe ouvrière, un poète, un traducteur, un ardent antifasciste et communiste qui croyait en la liberté et la dignité pour tous. Il est mort pour la France, mais c’est l’Europe entière qui doit désormais honorer sa mémoire.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom