Double vote pour des Moldaves désarçonnés
En politique, il faut toujours avoir un coup d’avance sur son adversaire. Ensuite, il faut réussir à contrer plus que nécessaire les potentiels coups de ses opposants en anticipant et avançant ses pions plus rapidement que l’autre partie. C’est sans doute ce qu’a tenté de faire, avec son référendum, Maia Sandu, qui brigue à travers son parti de centre droit, le « PAS » (« Parti action et solidarité ») un second mandat présidentiel.
Arrivée en tête devant le « PSRM » (« Parti des socialistes de la république de Moldavie »), parti accusé d’être pro-russe et de son candidat Alexandr Stoianoglo, homme-lige de l’ancien président Igor Dodon, Sandu a conforté sa position avec un peu plus de 42% des voix. Une première victoire, certes, avant le second tour des élections prévu le dimanche 3 novembre mais à mettre en perspective pour une dirigeante qualifiée de pro-européenne.
En effet, dans une ambition d’inscrire dans la Constitution moldave, une question était posée aux électeurs : « Êtes-vous favorable à une réforme constitutionnelle en vue de l’adhésion de la République de Moldavie à l’Union européenne ? ».
Dès lors, si le résultat a été serré jusqu’au bout, avec le oui qui l’emporte (50,38% contre 49,62% pour le non), c’est une victoire à la Pyrrhus pour Maia Sandu.
Un référendum sur fonds d’ingérences russes contre volonté d’intégrer l’UE
Dans ces conditions, la Moldavie, petit pays d’un peu moins de trois millions d’habitants et encastrée entre la Roumanie et l’Ukraine, fait figure de nouveau point d’ancrage pour un autre pays de la région. Un voisin indirect mais accusé de manœuvrer pour déstabiliser le pays et pour lequel la présidente, en personne, affirme qu’une « attaque sans précédent contre la démocratie » a été commise. La Russie de Vladimir Poutine, engluée dans sa guerre contre l’Ukraine depuis plus de deux ans, est donc ciblée par la Moldavie dans le résultat à travers des ingérences.
Créer le chaos et le développer pour diviser une population, une vieille recette alimentée par la corruption mais surtout dénoncée par Sandu et ses partisans qui tiennent pour responsables des « entités criminelles » ayant acheté des voix. Une manière comme une autre de cibler le Kremlin, même indirectement. Ce référendum matérialise donc les oppositions entre, d’un côté, une partie de la population voulant se rapprocher de l’Union européenne avec une politique encouragée par une présidente qui en a fait son cheval de bataille. Soutenue par les dirigeants de l’UE alors que de l’autre côté de la barrière, les velléités de rapprochement européen sont mal vues, notamment par la Russie. Autant occupée sur le front ukrainien militairement que politiquement sur le devenir de ses anciens satellites. Et dont la hantise est que ces pays rejoignent, par ricochet, l’OTAN et deviennent des bases avancées de l’organisation face à la Russie.
Une présidence en danger ou une volonté de mettre un coup d’arrêt au « PAS » ?
Les analystes indiquent que Maia Sandu a fragilisé sa position à travers son référendum et l’ombre tutélaire de la Russie et ses affidés s’est davantage accrue sur la Moldavie. Le pari moldave s’est en quelque sorte retourné contre lui mais cela va-t-il avoir une influence sur le résultat du second tour dans une dizaine de jours ? Difficile à dire mais avec une base solide, Sandu peut capitaliser son avance mais cela démontre surtout que le pays semble être profondément divisé sur la marche à suivre.
Être européen et tenter de se raccrocher au wagon de l’Union européenne afin de continuer son développement ? Ou bien, tenter de ne pas faire de vagues et ne pas mettre ses œufs dans le même panier vis-à-vis de la Russie. Equation difficile et insoluble d’autant que ce vote est à mettre en perspective entre des régions urbanisées davantage tournées vers les avantages que pourraient leur procurer une éventuelle adhésion à l’UE. Face à des zones rurales réputées être plus conservatrices.
La Transnistrie, inconnue de l’équation politique moldave
Ce vote marque donc un coup d’arrêt à la marche en avant du « PAS » dont il faudra tenir compte à l’avenir. D’autant plus que la question de la Transnistrie n’est pas tranchée. Bande terre située à l’est du pays et coincée entre la Moldavie et l’Ukraine, elle cristallise les ambitions des séparatistes de la région, pro-russes. Ces derniers ayant même formulé une demande de protection à la Russie, « menacés » par l’Ukraine. Une autre épine au pied du pouvoir moldave et dont l’histoire rappelle quelque peu le Donbass.
L’histoire a démontré par le passé que les référendums sont toujours à double tranchant. En voulant aller plus vite et mettre en lien la présidence et sa volonté d’adhésion à l’Union européenne, la Moldavie a creusé un fossé dans sa population. Entre partisans de la présidence souhaitant une poursuite de la politique entreprise depuis quatre ans. Et ceux qui craignent un avenir européen gravé dans le marbre sur fond de tensions avec la Russie. Le second tour de la présidentielle doit donc être vu comme une occasion pour Maia Sandu de rebondir avec cet échec personnel.
Il en va de sa crédibilité sur la scène nationale, auprès des chancelleries européennes mais également face à Moscou. Si d’aventure, le candidat de l’opposition l’emportait, quel serait le visage du pays ? En politique comme aux échecs, l’important est la capacité d’abstraction, le fait de simplifier un concept pour avancer. Pour Maia Sandu, il en va de son avenir immédiat. Son objectif est donc, dans les jours à venir, de tenter de se relever de cet échec. Pour remettre la Moldavie sur le chemin européen.
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