Un universitaire spécialisé dans les questions environnementales et de gestion de la biodiversité
Les ONG de défense de la biodiversité marine et de l’environnement peuvent se féliciter de voir débarquer Kóstas Kadís dans le collège des commissaires. Titulaire d’un doctorat de biologie de l’université d’Athènes, le Chypriote a fait de l’environnement l’un des fers de lance de sa carrière professionnelle. Il a notamment créé en 2005 une unité de recherche sur la conservation de la nature à l’université privée Frederick, à Nicosie, et a présidé le Comité technique chypriote grec pour l’environnement entre 2008 et 2014.
Il s’est par la suite lancé en politique sous l’étiquette indépendante en étant plusieurs fois ministre dans le gouvernement chypriote de centre-droit : ministre de la Santé entre 2007 et 2008, ministre de l’Éducation et la culture entre 2014 et 2018 et enfin ministre de l’Agriculture, du développement rural et de l’environnement de 2018 à 2023. C’est fort d’un bagage universitaire et politique solide qu’il embarque pour la première fois dans la bulle européenne.
Le portefeuille de la pêche et des océans découplé de celui de l’environnement
Sous la mandature 2019-2024, la pêche et les océans étaient inclus dans le portefeuille de l’environnement, confié au lituanien Virginijus Sinkevičius. Dans la nouvelle composition du collège des commissaires, la pêche et les océans deviennent un portefeuille à part de celui de l’environnement. Son ancien titulaire, Virginijus Sinkevičius, s’est réjoui qu’il ait été scindé en deux : “Cela faisait trop de travail pour une seule personne” (Contexte). Malgré ce découplage, Kóstas Kadís sera amené à travailler étroitement avec sa collègue suédoise, Jessika Roswall, commissaire désignée à l’environnement, sur les sujets de la biodiversité dès lors que ceux-ci s’étendront aux écosystèmes marins.
À ce portefeuille est rattachée la direction générale des Affaires maritimes et de la pêche (DG MARE). Kóstas Kadís est placé sous l’autorité du vice-président exécutif chargé de la cohésion et des réformes, poste occupé par l’italien Raffaele Fitto (CRE), au même titre que ses collègues Christophe Hansen (Luxembourg/PPE) en charge de l’agriculture et Apostolos Tzitzikostas (Grèce/PPE) en charge des transports.
Ses deux missions principales : soutenir une filière de la pêche européenne en difficulté et présenter un “Pacte européen pour les océans”
Le portefeuille du commissaire chypriote peut se diviser en deux grandes politiques complémentaires : la pêche d’un côté, les affaires maritimes de l’autre. Son ordre de mission se résume à concilier les deux, avec les objectifs de développement de “l’économie bleue” et de préservation des océans et des zones côtières “résilients et sains”. Un objectif loin d’être aisé, et dont la réponse européenne devrait reposer sur la construction et la mise en œuvre d’un “Pacte européen pour les océans”.
Ce “Pacte européen pour les océans” est une promesse de campagne d’Ursula Von der Leyen faite en juillet dernier dans ses orientations politiques pour briguer un second mandat à la présidence de la Commission européenne. Ce pacte devrait avoir pour objectif d’assurer la cohérence entre tous les domaines politiques liés aux océans. Outre les objectifs économiques et environnementaux, le paquet législatif est censé inclure un programme global pour la connaissance, l’innovation et l’investissement dans le domaine marin (“Stratégie de l’UE en matière de recherche et d’innovation dans le domaine des océans”). Car des réponses urgentes sont nécessaires tant la situation est alarmante : le réchauffement des eaux marines a doublé en l’espace de 20 ans, dépassant à certains endroits, et c’est le cas en mer Méditerranée, la limite des +2°C fixée par les Accords de Paris en 2015. Avec la tenue de la Conférence des Nations unies sur l’Océan à Nice en juin 2025, Kóstas Kadís pourrait avoir pour rôle de coordonner une position européenne commune et ambitieuse des Etats membres pour faire bouger les lignes.
Autre dossier primordial, celui de la pêche en Europe qui est en difficulté face à la raréfaction des ressources halieutiques, la prise en compte des objectifs environnementaux et de préservation de la biodiversité marine, mais aussi la baisse à venir des quotas de pêche dans les eaux britanniques dans le cadre de l’accord de retrait du Royaume-Uni. Face à ce constat d’une filière fragile, les défis sont importants pour le commissaire désigné chypriote. D’une part, sur le plan budgétaire, les négociations pour le prochain cadre financier pluriannuel européen 2028-2034 débuteront dès 2025, et cela, dans un contexte de fragilité budgétaire des Etats membres. Le Chypriote devra trouver les arguments nécessaires pour défendre un budget ambitieux pour le FEAMPA (fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture). D’autre part, il se devra aussi de mener un dialogue et une stratégie avec le Royaume-Uni et les pêcheurs européens, car les licences de pêche partagées entre l’UE et le Royaume-Uni, qui permettent aux pêcheurs européens de pêcher dans les eaux britanniques et inversement, expirent en 2026. Pomme de discorde importante lors des négociations du retrait britannique de l’UE, les négociations pour que les pêcheurs européens puissent pêcher en eaux britanniques risquent d’être âpres et pourraient fragiliser encore un peu plus une filière déjà en difficulté.
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