OPINION. Les élections présidentielles aux Etats-Unis doivent donner le signal du décollage pour l’Union européenne.

, par Louis Ritter

OPINION. Les élections présidentielles aux Etats-Unis doivent donner le signal du décollage pour l'Union européenne.

Ursula von der Leyen avait annoncé que la Commission européenne et les institutions de l’UE étaient prêtes à répondre au scénario, désormais bien réel, d’une réélection de Donald Trump à la présidence de la première puissance mondiale. L’UE garde bien en mémoire la violence du premier mandat de Trump qui est allé jusqu’à remettre en question les plus anciennes alliances entre le Vieux Continent et le pays de l’Oncle Sam. Bis repetita. Le retour du républicain à la Maison Blanche fait donc craindre un tremblement de terre encore plus violent que le précédent. Ne serait-ce donc pas le temps du décollage pour l’Union européenne ?

Ce mercredi 6 novembre, l’Europe apprenait la victoire du candidat Donald Trump, déjà élu en 2016, à la présidence des Etats-Unis d’Amérique. Comme une atmosphère de déjà-vu. A ceci près que les pays européens ont déjà vécu l’expérience d’être confrontés à ce personnage par le passé. Et les résultats de ce face-à-face avaient été plus que négatifs. Absence de volonté de coopération avec l’Europe, retrait de l’accord de Paris sur le climat, de l’accord sur le nucléaire iranien - dont certains pays européens étaient parties prenantes - , remise en question de l’efficacité et de la bonne santé de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), fragilisation des piliers du système international ; les pots furent nombreux à se briser.

Cette expérience encore fraîche dans leurs mémoires, les Européens constatent donc que la porte est ouverte à un nouveau face-à-face avec Trump dans un contexte particulièrement instable pour eux. La situation intérieure est perturbée par une montée inexorable des partis d’extrême-droite et de droite radicale qui, élection après élection, s’insèrent dans de plus en plus de gouvernements, voire en prennent le contrôle. Des partis euro-sceptiques, dont certains défendaient naguère la sortie de leur pays de l’ensemble communautaire. Les quelques scrutins d’espoir laissent également un goût amer.

En Moldavie, pays candidat à l’intégration à l’Union européenne, un référendum a permis à la population de s’exprimer sur l’inscription dans la Constitution de l’objectif d’adhésion à l’UE. Le “oui” l’a emporté de justesse avec 50% des voix et de sérieuses allégations d’ingérence russe dans le processus. En Géorgie, les élections législatives, scrutin-sondage pour évaluer l’envie de la population de rejoindre l’UE, ont donné le parti au pouvoir depuis 2012 et pro-russe, Rêve Géorgien, victorieux. Là aussi avec l’empreinte marquée de Moscou, d’après les observateurs internationaux présents sur place.

Des résultats électoraux ressentis au sein même du Parlement européen dont les élections en juin 2024 ont marqué un changement profond du rapport de force entre les groupes politiques. La nouvelle législature européenne s’est en outre ouverte sur un fracassant rapport sur la compétitivité européenne, rendu par Mario Draghi, ancien président de la Banque Centrale Européenne (BCE) et ancien président du Conseil italien. Il a donné le ton sur les immenses lacunes que l’UE doit encore combler pour espérer concurrencer équitablement les puissances chinoise et américaine.

Sur le front extérieur, la guerre en Ukraine s’éternise et la situation ne semble pas vouloir évoluer à l’avantage de l’un des deux camps. Les espoirs fondés dans la grande contre-offensive ukrainienne de juin 2023 et dans l’opération surprise dans la région de Koursk par les forces ukrainiennes ont été déçus. Les résultats n’ont pas été ceux attendus. Les Européens ont du mal à coordonner une aide commune car les 27 ne sont pas d’accord sur la nature et sur l’obligation du soutien à apporter à l’Ukraine. Qui plus est sous une présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne, dont le Premier ministre Viktor Orban, est proche du président russe, Vladimir Poutine. Les élections états-uniennes étaient fortement attendues par les responsables politiques européens sur ce terrain.

A vrai dire, le choix du nouveau locataire de la Maison Blanche était attendu sur à peu près tous les fronts. D’une part, l’UE pouvait y voir le signe de l’assurance que la page Trump pourrait définitivement se tourner et espérer une coopération calme et constructive avec son partenaire outre-Atlantique. La prochaine administration américaine allait d’autre part redistribuer les cartes du soutien à l’Ukraine, de la progression dans la transition climatique, de la poursuite ou de la montée en puissance de la guerre économique entre les deux ensembles. Sur tous ces fronts, l’Europe doit maintenant s’attendre à une période difficile, bien plus difficile que durant le précédent mandat de Trump.

"L’UE est prête à relever les défis du monde et à défendre ses valeurs, avec tous ses partenaires et alliés. Et ce, quel que soit le résultat des élections ici ou là", déclarait un diplomate européen au média Euronews. Une affirmation qu’il serait opportun de pouvoir appliquer, tant les perspectives des relations UE-Etats-Unis sont incertaines. D’autant qu’elle ne date pas d’hier. En effet, durant le premier mandat de Donald Trump, entre 2016 et 2020, un certain nombre de dirigeants européens s’étaient mis à déclarer publiquement le constat de l’effritement de leur confiance dans le leader du monde libre.

Regarder le passé pour anticiper l’avenir

A commencer par la doyenne de la diplomatie internationale de l’époque, la chancelière Angela Merkel. Elle qui dirigeait un pays profondément atlantiste, parce que sa sécurité dépendait essentiellement des Etats-Unis, avait été culbutée par l’attitude de l’homme d’affaires devenu président lors d’un sommet du G7 en mai 2017. Dans un discours marquant à Munich, elle avait alors déclaré : “Le temps où nous pouvions pleinement compter sur les autres est révolu. J’ai pu le constater ces derniers jours.” Avant d’ajouter, “Nous, Européens, devons vraiment prendre notre destin en main !”

L’actuel Premier Ministre polonais, Donald Tusk, alors président du Conseil européen, s’était à son tour alarmé de l’effritement du système international à la suite d’un autre sommet du G7 au Canada, en 2018. Il accusait les Etats-Unis d’en être à l’origine, dans une charge extraordinaire contre le président Donald Trump. “Nous ne pouvons être indépendants qu’ensemble” conclut-il dans une lettre ouverte adressée aux 27. Cette intervention venait précisément après une discussion difficile entre les dirigeants du G7 sur le communiqué final du sommet. L’ensemble des dirigeants en avait été profondément choqué.

Des discours qui reviennent aujourd’hui dans les esprits après l’annonce de la victoire du candidat républicain, notamment dans celui du président français, Emmanuel Macron. Un mandat Trump épisode 2 ne devrait-il donc pas constituer le décollage tant attendu de l’UE ? Personne ne devrait douter de l’intention de Trump d’appliquer le programme pour lequel il a été élu. Son triomphe sur tous les points (nombre de voix, résultats à la Chambre et au Sénat) le convaincra d’autant plus qu’il a raison. Avec, on le sait, des résultats catastrophiques pour l’Europe.

L’UE pourrait ainsi incarner une alternative capable et réelle au vide que Trump ne manquera pas de provoquer. Elle doit donc se réveiller, et sauter un pas décisif dans son modèle politique et sa coopération. Elle doit déployer toutes ses capacités pour permettre au continent de réduire drastiquement sa dépendance aux Etats-Unis dans des domaines comme la défense par exemple. Elle a, dans un passé récent, déjà fait preuve de ses capacités à agir de concert pour se sortir des situations difficiles. La prochaine mandature américaine pourrait bien constituer l’une des pires à laquelle l’ensemble communautaire a fait face jusqu’ici et l’on attend de l’UE qu’elle y réponde de manière adéquate.

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