Etat des forces politiques à l’Assemblée nationale à la sortie des élections législatives
Le scrutin des législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, dessine une Assemblée nationale composée de trois grands blocs : les forces de gauche réunies sous la bannière du Nouveau Front Populaire (182 sièges), le bloc central de la majorité présidentielle (168 sièges) et les forces d’extrême droite du Rassemblement national et des Républicains alliés au RN (143 sièges). Pour former un gouvernement un de ces blocs devra former une alliance d’au moins 289 députés pour obtenir la majorité absolue, via un gouvernement majoritaire (gouvernement formé à partir des membres de chaque camp coalisé) ou un gouvernement minoritaire (un ou plusieurs partis choisissent de soutenir une coalition sans entrer au gouvernement). Et contrairement à la situation de 2022 à 2024, la majorité présidentielle ne pourra pas compter sur des alliances, au cas par cas, sur ses textes avec les Républicains (46 sièges) pour atteindre la majorité absolue des 289 sièges. Il faudra mathématiquement que deux blocs fassent alliance ou bien que les blocs se recomposent pour former une nouvelle coalition. Et si ces partis politiques cherchent quelques idées, ils pourraient jeter un œil chez leurs voisins européens et au Parlement européen.
1. Le régime politique français relève davantage de l’exception que de la norme en Europe !
Le régime semi-présidentiel français relève davantage de l’exception que de la norme dans l’Union européenne. En effet, 22 des 27 Etats membres de l’Union européenne sont des régimes parlementaires. A cela s’ajoute qu’en France, la concordance des calendriers des élections présidentielles et législatives depuis 2002, a tendance en général à donner une majorité absolue au parti du président.e nouvellement élu.e, faisant dès lors de l’Assemblée nationale une simple chambre d’enregistrement de la politique du Président.e de la République et de son gouvernement.
Et ce alors que dans le même temps, la grande majorité des Etats membres de l’UE se doivent de former des coalitions de plusieurs partis pour gouverner, permettant ainsi de rassembler une plus grande acceptation citoyenne pour mener la politique nationale. Tous nos grands voisins, l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie sont gouvernés par des coalitions stables. En prenant l’exemple plus spécifique de l’Allemagne, sociaux-démocrates, libéraux et écologistes gouvernent ensemble depuis 2020.
2. Des élus français travaillent déjà de cette manière au niveau européen, inspirons-nous du modèle de gouvernance parlementaire au Parlement européen !
Au Parlement européen, où siègent 81 eurodéputé.es français.es, des coalitions de partis gouvernent l’hémicycle depuis sa première législature en 1979. Jamais une famille politique européenne n’a obtenu la majorité absolue au Parlement européen. Sous la législature sortante de 2019 à 2024, la droite, la gauche et le centre ont formé une coalition de soutien à la Présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, sans laquelle aucun projet de texte de la Commission européenne n’aurait pu aboutir. Ce système oblige les partis européens à négocier entre eux, y compris avec les partis en dehors de la coalition pour adopter la législation européenne. Et dans ces négociations, toujours des eurodéputé.es français.es. De telle sorte que ce système ne nous est pas inconnu en tant que Français.es.
Si on transpose la coalition sortante du Parlement européen à ce que cela donnerait dans le Palais-Bourbon, on obtient : les sièges du parti socialiste et divers gauche (79) + majorité présidentielle et ses alliés (168), Républicains et divers droite (65) ; soit une majorité confortable de 312 sièges et cela sans compter les écologistes qui ont été un partenaire précieux d’Ursula von Der Leyen au Parlement européen.
3. En réalité des coalitions existent ou ont déjà existé à l’Assemblée nationale
Nombre d’observateurs de la vie politique soulèvent l’argument que la culture politique française, son histoire et les institutions de la Ve république rendraient toute comparaison avec les autres régimes parlementaires européens fortuites. Toutefois, c’est vite oublier que des coalitions au pouvoir ont existé ou existent déjà en France. Premier exemple, la gauche plurielle (programme commun) lors des législatives de 1981, les deux gauches concurrentes du Parti socialiste (266 député.es élu.es) et du Parti communiste (44) remportent les élections et forment ensemble un gouvernement de coalition avec le Parti radical de gauche (11) jusqu’en 1984.
En 2012, à la suite de la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle et du Parti socialiste aux législatives, François Hollande nomme Jean-Marc Ayrault Premier ministre pour former un gouvernement de coalition qui comprend des ministres issus d’Europe Ecologie les Verts et du Parti radical de gauche.
Plus récemment, les gouvernements successifs du Président Emmanuel Macron de 2017 à aujourd’hui sont le fruit d’une coalition de partis majoritaires, parmi eux : La République en Marche, le MoDem et dans un deuxième temps Horizons, le parti créé par Edouard Philippe. Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres pour démystifier, dans une certaine mesure, l’idée d’un seul parti en tête qui dirigerait solitairement le pays en raison du fait majoritaire.
Cependant, il est à noter tout de même la particularité du résultat du 7 juillet, pour tous les précédents cas, il y avait toujours un des partis de la coalition qui représentait un poids démesuré par rapport aux autres et qui n’avait besoin que d’un « appoint » de député.es pour gouverner avec une majorité confortable. La situation d’aujourd’hui oblige nécessairement à deux grands blocs de taille comparable à se mettre d’accord. Un rapport de force, qui n’est pas insurmontable mais qui oblige chaque camp à négocier durement les conditions d’une potentielle coalition avec un programme de gouvernement.
4. Une coalition sans l’extrême-droite et pas à n’importe quelles conditions !
Une coalition au Parlement européen comme ailleurs ne se fait pas à n’importe quel prix. Elle est le fruit de négociations intenses, qui prennent parfois des semaines voire des mois pour déterminer un programme. De surcroît comme c’est le cas dans l’hémicycle européen, elle se doit de se former sans les partis d’extrême droite, dans le cadre d’un strict cordon sanitaire.
Elle se devrait également de : poursuivre un soutien clair et sans faille à l’Ukraine dans la guerre d’agression lancée par la Russie ; refuser l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie, le sexisme et toutes autres formes de discrimination contraires aux valeurs de la République française ; redoubler d’effort pour combattre le réchauffement climatique et à décupler les efforts en matière de transition écologique et confirmer un engagement pro-européen fort pour affronter les grands défis de notre continent : paix, égalité homme-femme, lutte contre la pauvreté, défense de l’Etat de droit et de la démocratie (…).
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