Être parent dans un État membre ne fait pas de vous un parent sur tout le territoire de l’Union...
Chaque État qualifie selon sa législation interne, ce qu’est une relation de filiation. Pour autant, certaines législations sont plus libérales que d’autres. Ainsi, par exemple, certains États membres consacrent la parentalité des couples homosexuels, ou autorisent la gestation pour autrui.
Le problème se pose lorsqu’une famille part s’installer dans un autre État membre ne reconnaissant pas le lien de filiation unissant les parents à l’enfant. Ici, l’enfant perd les droits qu’il tire de sa filiation, pourtant établie dans son État d’origine. Sur le territoire de l’Etat membre qui ne reconnaît pas sa filiation, les parents ne peuvent plus agir en leur qualité de représentants légaux sur des sujets comme la scolarisation ou encore les traitements médicaux. En outre, l’enfant perd ses droits alimentaires et successoraux. Cette situation pourrait toucher près de 2 millions d’enfants, selon la Commission...
Pour pallier cela, elle a proposé un règlement le 7 décembre 2022. Pour autant, loin de faire l’unanimité, cette proposition de règlement a encore fait du bruit dans l’hémicycle, ce 12 mars 2025. La proposition prévoit notamment la reconnaissance mutuelle des décisions et l’acceptation des actes authentiques en matière de filiation. En d’autres termes, si une filiation est légalement constituée dans un État membre, le règlement permettrait qu’elle soit reconnue dans tous les autres. De surcroît, la proposition de règlement prévoit la création d’un certificat européen de filiation. L’objectif est de permettre aux parents de demander à leur État membre l’établissement d’un certificat attestant de la filiation les unissant à leur enfant. Ce certificat serait alors valable dans tous les États membres.
Une proposition de règlement faisant débat
La particularité de la proposition de règlement du 7 décembre 2022 est qu’elle répond à la procédure dérogatoire de l’article 81 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En conséquence, pour être adoptée, le Conseil de l’Union européenne doit avoir statué à l’unanimité, après consultation du Parlement européen. Or, comme l’a rappelé l’eurodéputé Pennelle, du groupe patriotes pour l’Europe (PfE) de nombreux États comme l’Italie, la Croatie, la Slovaquie ou encore la Pologne s’opposent fermement à son adoption.
Plusieurs arguments en défaveur de la proposition ont été avancés dans l’hémicycle. Pour certains, l’Union ne devrait pas légiférer sur un sujet aussi sensible que la reconnaissance des filiations. L’eurodéputé du groupe Patriotes pour l’Europe (PfE) Schaller-Baross a avancé que l’Union « ne doit pas se mêler de cela », et qu’elle « ne doit pas outrepasser ses compétences ». Pour d’autres, reconnaître la filiation d’enfant né d’une gestation pour autrui ou de parents homosexuels reviendrait « à imposer une idéologie arc-en-ciel », d’après les mots de l’eurodéputé polonais Wisniewska du groupe des conservateurs et réformistes européens (CRE).
A cela, l’eurodéputé Lopez Aguilar du groupe des socialistes démocrates (S&D) répond que « les pseudos arguments politiques sont des préjugés idéologiques », avant d’affirmer qu’il est essentiel « de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant ». Dans la même idée, pour l’eurodéputé Walsh, membre du parti populaire européen (PPE), il est nécessaire que la législation offre clarté, prévisibilité et certitude. Bien plus qu’une question juridique, il s’agit là « d’une affaire humaine », selon elle.
Une proposition vouée à l’échec ?
Outre les débats entre les eurodéputés, l’objet de l’échange était aussi pour le rapporteur du groupe Renew Europe Ilhan Kyuchyuk de poser des questions à la Commission et au Conseil sur ce texte qui souffre d’une paralysie.
Il a notamment questionné la Commission sur la place qu’elle occupe dans les négociations entre les États membres. À cela, le commissaire Hansen a affirmé que l’institution tente de faciliter le dialogue entre les États, et qu’elle défend « la continuité du statut de parentalité dans tous les États membres ». D’autre part, le rapporteur a demandé au Conseil de l’Union européenne si ce dernier envisage un mécanisme de coopération renforcée, à défaut de l’obtention de l’unanimité. La coopération renforcée est un mécanisme prévu par l’article 20 du traité sur l’Union européenne, selon lequel neuf États membres au minimum établissent une coopération ensemble. Les États qui ne sont pas partis à la coopération, ne sont pas liés par celle-ci, sauf s’ils décident de la rejoindre ultérieurement. Pour autant, aucune réponse n’a été donnée au rapporteur, puisque le Conseil ne s’est pas présenté, pouvant laisser penser qu’il ne s’agit pas de l’une de ses priorités. En outre, il semble qu’en l’espèce, le mécanisme de la coopération renforcée ne réglerait pas le problème. En effet, les États qui y sont réfractaires sont ceux qui refusent la reconnaissance mutuelle de certains modes de parentalité. Dès lors, s’ils ne prennent pas part à la coopération renforcée, le texte serait inefficace en ce qu’il ne s’appliquerait qu’à des États qui reconnaissent déjà toutes les formes de filiation.
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