Parlement européen et climat : une diversité de discours

, par Alexandre Duporte

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Parlement européen et climat : une diversité de discours
Le Parlement européen à Strasbourg. Source : wikimedia commons

Jeudi 28 novembre, les députés européens ont décrété l’état d’urgence climatique et fixé la cible de 55% de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030, par rapport à 1990. Approuvées avec respectivement 429 et 430 voix ‘pour’, les deux résolutions ont tout de même suscité un débat vigoureux en début de semaine. Faisons un tour de l’hémicycle.

Seule une minorité toujours dans le déni

Il existe encore des climato-sceptiques. À l’heure où des gouvernements populistes reprennent le pouvoir un peu partout dans le monde, Identité et Démocratie (ID) et une partie des Conservateurs et réformistes européens (CRE) n’ont pas peur de réfuter un consensus scientifique jamais aussi avéré.

Le discours de déni est de sortie : les changements climatiques ne sont pas une nouveauté et ne résultent pas de l’action de l’Homme. Il ne faut pas semer la peur chez les citoyens. Et quand le fait est pris en compte, les députés argumentent qu’il y a d’autres priorités à aborder comme les migrations, l’emploi et la compétitivité des entreprises. La lutte contre le changement climatique coûterait des milliards d’euros, il faudrait faire des sacrifices énergétiques trop importants, les services publics ne seraient plus financés, les énergies renouvelables provoqueraient beaucoup d’impôts… Selon eux, avoir un plan de réduction des émissions de GES coûterait trop, alors que l’Afrique et l’Asie émettent de plus en plus de gaz à effet de serre.

En revanche, ils mettent en avant un point intéressant : l’impact environnemental des déplacements mensuels des députés entre Bruxelles et Strasbourg, alors que le Parlement européen prêche majoritairement des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

À droite et au centre : l’économie est la priorité

Pour le Parti populaire européen (PPE) et quelques députés libéraux Renew, la priorité reste l’économie. Il ne faut pas agir dans la panique. Il est vrai qu’il faut transformer certains secteurs tels que l’industrie et le transport. Mais dans le même temps, il faut veiller à ne pas impacter l’économie, les emplois et la compétitivité européenne, en agissant de concert avec les entreprises.

Certains députés conservateurs soulignent également l’opportunité que peut offrir le réchauffement climatique pour développer des domaines économiques. En effet, les nouvelles technologies, l’innovation et le nucléaire doivent jouer un rôle important dans la transition écologique.

Bien que divisé dans le vote final sur l’état d’urgence climatique, le PPE est resté solidaire en faveur de l’objectif des 55% de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030.

Des libéraux à l’extrême-gauche, une volonté d’objectifs plus ambitieux

Pour le groupe Renew, les Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE), les sociaux-démocrates (S&D) et la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL), l’état d’urgence est de mise, mais les ambitions de réduction sont insuffisantes. Il n’en reste pas moins que seuls les Verts/ALE ont globalement voté contre la résolution pour l’objectif 2030.

Le discours porté par ces groupes est celui de la nécessité d’une action rapide. Il faut suivre les demandes des citoyens et être à la hauteur de la menace. C’est le destin des générations futures qui est en jeu dans les prochaines années.

Dans ce sens, Renew Europe veut promouvoir les énergies renouvelables, adresser le problème du gaspillage alimentaire et adopter une stratégie politique pour les océans, qui occupent un rôle crucial pour les écosystèmes. L’Europe doit prendre le rôle de pilote car il y a aussi un enjeu sanitaire.

La solidarité comme enjeu central pour la gauche

Dans ce débat, les sociaux-démocrates rappellent l’importance de la solidarité. Plus de 50 millions de citoyens européens ne peuvent pas payer leurs factures d’énergie. Un tiers de la population vit sur les littoraux et sera poussée à migrer dans les prochaines années ou décennies.

Pour y contrevenir, il faut donner de l’argent aux pays en développement, sortir des énergies fossiles et du nucléaire, mettre un prix sur la pollution aérienne et maritime, et investir dans les énergies renouvelables, tout en renforçant la justice sociale.

L’urgence au coeur de la question pour les Verts

Les Verts/ALE prennent, quant à eux, un ton alarmiste et mettent en avant les catastrophes écologiques en cours et à venir. L’Union européenne doit devenir un leader de la protection de l’environnement.

Ils s’appuient sur les études scientifiques pour alarmer sur une situation presque désespérée, et soulignent le caractère historique de la motion d’urgence climatique. Pour les députés écologistes, il faudrait notamment aller vers 100% d’énergies renouvelables, réfléchir sur les transports (imposer une taxe kérosène, par exemple) et l’alimentation, réformer la Politique agricole commune (PAC), éliminer les subventions aux énergies fossiles.

L’extrême gauche : le système économique coupable

Plus à gauche encore de l’hémicycle, les députés GUE/NGL adoptent un discours très engagé en pointant du doigt le responsable : le système économique capitaliste. Il est nécessaire de se tourner vers un système compensatoire et non compétitif avec exigences sociales comme le transport public ou les chaînes d’approvisionnement courtes. Il faut mettre fin aux accords internationaux, coupables de favoriser les fortes émissions de gaz à effet de serre (GES).

De même, le groupe GUE/NGL demande un objectif de 70% de réduction des GES pour 2030 au lieu de 55%. Ainsi qu’une cible de 100% d’énergies renouvelables, une révision de la politique agricole, l’arrêt de la fracturation hydraulique et des gaz de schiste.

Un consensus parlementaire malgré tout

Globalement, les députés européens se sont accordés pour mettre l’accent sur la responsabilité de l’Union européenne face au changement climatique. Même si d’autres régions du monde polluent davantage que l’Europe, il est nécessaire de se montrer irréprochable en adoptant un rôle de leader international dans la lutte climatique.

Le discours climato-sceptique reste, lui, minoritaire au sein de l’assemblée : le reste des groupes parlementaires affirme la nécessité de passer à l’action face à des conséquences climatiques de plus en plus désastreuses, à l’image des inondations en Italie et des incendies en Suède.

Mais là encore, des différences se font ressentir sur la nécessité d’urgence. Le terme a d’ailleurs été débattu par les anglo-saxons, qui font la différence entre urgency et emergency.

Par l’adoption des deux résolutions, le Parlement européen a fait sa part et renvoie la balle à la Commission européenne et aux États-membres pour que ces belles paroles soient enfin suivies d’actes responsables.

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