Parlement européen : la course à la présidence a commencé

, par Elena Blum

Parlement européen : la course à la présidence a commencé
CC Wiki / © Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons

Après l’annonce de la décision de Martin Schulz, le 24 novembre, de ne pas briguer un troisième mandat à la tête du Parlement européen, la course à sa succession s’est accélérée. Les candidatures se succèdent, les crises éclatent au sein des partis, et les enjeux de l’alternance politique pèsent sur l’hémicycle.

C’est avec une certaine émotion que Martin Schulz a déjoué les pronostics . Non, il ne sera pas candidat à sa propre succession, comme beaucoup le pensaient, et ce, malgré le soutien sans faille de Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne. Alors que depuis plusieurs mois, les rumeurs bruxelloises se contredisent quant au sort du chef de l’exécutif européen, celui-ci a finalement mis fin au doute, exprimant sa tristesse de quitter l’Europe pour laquelle il avait travaillé de si longues années.

L’eurodéputé va se présenter aux élections législatives allemandes en 2017. Il mènera la liste du SPD, le Parti social-démocrate, en Rhénanie du Nord-Westphalie. Face à l’impopularité du chef du parti actuel, Sigmar Gabriel, Martin Schulz pourrait même être propulsé à la tête du Parti au niveau national et défier Angela Merkel à la Chancellerie. Eurodéputé depuis 1994, réélu à chaque suffrage, il a été élu Président du parlement européen en janvier 2012, et a su donner à l’exécutif européen une visibilité internationale.

Les enjeux de l’alternance européenne

Mais son départ pourrait marquer la fin d’une franche amitié entre la gauche et la droite, et complexifier les liens entre la Commission et le Parlement européen. En effet, Martin Schulz et Jean-Claude Juncker n’ont jamais caché leur proximité, et leur volonté de faire des compromis. Ces pratiques ont par ailleurs été largement critiquées par certains eurodéputés, reprochant aux deux hommes de brouiller les positions de leurs groupes respectifs, et de détruire les spécificités de la gauche et de la droite.

En outre, Martin Schulz a pu être réélu en 2014 grâce à un accord passé avec le PPE, le groupe de droite principal du Parlement Européen. Traditionnellement, les deux grands partis se partagent la présidence du Parlement, dans une alternance tacite mais bien rodée. Il apparaît donc à de nombreux acteurs qu’il ne serait que justice que la gauche s’efface désormais pour donner son tour à la droite. Mais si tel est le cas, les trois grandes institutions européennes, la Commission, le Parlement et le Conseil, seraient aux mains de la droite. Une situation jugée inacceptable et liberticide pour nombre d’eurodéputés de gauches, qui appellent à maintenir un multipartisme à la tête de l’Union européenne.

Gauche unanime et droite fractionnée

Le groupe Social et Démocrate a été unanime dans le choix de son candidat au perchoir européen : ce sera l’Italien Gianni Pittella, chef du groupe, premier Vice-Président du Parlement européen lors de la septième législature (2009-2014), fin connaisseur du budget européen, mais souvent considéré comme un homme de paille de Martin Schulz, en raison de son faible charisme. L’annonce, initialement prévue pour le 8 décembre, a été avancée au 30 novembre, afin de ne pas fragiliser la candidature du poulain socialiste en cas de défaite de Matteo Renzi lors du référendum italien de dimanche.

Face à la gauche, le PPE, de droite, est dans la tourmente et ne parvient pas à faire front commun. Les candidatures se multiplient, et les coups bas font légion. Premier à se lancer dans l’investiture : le Français Alain Lamassoure, qui depuis plusieurs mois déjà, a fait savoir son ambition. Ce proche d’Alain Juppé, respecté par ses pairs et expert, lui aussi, des questions budgétaire, ne parvient pourtant pas à mobiliser les membres de son groupe politique. En cause, le peu de Français présents dans le parti, la majorité des eurodéputés hexagonaux appartenant au FN. De plus, les Allemands, traditionnellement proches des politiciens français, ne souhaitent pas prendre position avant d’avoir plus d’information sur les échéances électorales nationales de l’année prochaine. Enfin, Alain Lamassoure fait face à une concurrence rude au sein même de son parti.

Le chef du PPE, Manfred Weber, songeait également à se présenter, faute de candidature forte, mais le Parlement européen a fait connaître son hostilité à l’idée d’élire -encore- un Allemand à la tête du perchoir. Il a donc annoncé le 1e décembre qu’il ne se présenterait pas. L’Irlandaise Mairead McGuinness apparaît comme un choix positif pour les non-fédéralistes et libéraux du Parlement. Mais sa proximité avec Londres inquiète : le Parlement européen pourrait alors faciliter un Brexit où tous les avantages iraient au Royaume-Uni. Le Vice-Président du Parlement, Antonio Tajani, ancien commissaire italien aux Industries et à l’Entrepreneuriat est également candidat. Mais la réputation sulfureuse des Commissions Barroso, et le rôle flou de Tajani dans le scandale Volkswagen dissuade ses pairs de le choisir. Enfin, l’Autrichien Othmar Karas et le Slovène Alojz Peterle, moins connus, sont également candidats.

ADLE : une alternance possible ?

Mais le statu quo entre gauche et droite ne plaît plus à l’ADLE, le groupe centriste. Sylvie Goulard, française auteure du célèbre « l’Europe pour les Nuls », et députée depuis de longues années, a fait savoir qu’elle briguait le poste, en arguant que ce dernier n’avait été occupé par des femmes que deux fois (Simone Veil et Nicole Fontaine), et que la machocratie européenne devait être contrée. Mais c’était sans compter sur la popularité de son pair, Guy Verhofstadt, qui sans avoir besoin de se présenter, est demandé de toute part pour incarner un centre fort, rompant avec l’alternance et la connivence gauche-droite. Le 30 novembre, le parti a décidé d’investir Verhofstadt, et Sylvie Goulard a renoncé -douloureusement- à son combat.

Le Parlement européen est en effervescence, après la résignation tardive et relativement inattendue de Martin Schulz. Les Partis se précipitent pour se creuser une place dans le débat européen, avant la session plénière du 16 au 20 janvier, au cours de laquelle le Président sera élu. Mais il faudra prendre en compte le possible renforcement de l’extrême-droite européenne, après l’élection du Président autrichien, dimanche 4 décembre. Le second tour d’avril, qui avait vu le candidat écologiste, Alexander Van der Bellen, remporter le scrutin, a été invalidé, peut-être au profit du candidat de l’extrême-droite, Norbert Hofer. L’Union européenne pourrait également perdre un allié de choix, en cas de défaite de Matteo Renzi au référendum italien sur le Sénat, ce même dimanche 4 décembre. Le futur politique de l’Union européenne est encore bien incertain.

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