La descente de son piédestal a commencé pour l’AfD
Tobias Gerhard Schminke, rédacteur en chef du magazine treffpunkteuropa
« Une victoire pour l’AfD – maintenant, il faut fournir des résultats. Et c’est là un premier obstacle.
Les cris et le slogan “Merkel doit disparaître” ne suffisent pas pour maîtriser le fonctionnement parlementaire d’une démocratie. Par contre, il faut lire les textes en détails et présenter des solutions alternatives. Il y a des doutes considérables à ce qu’un parti comme l’AfD soit capable de connaître une telle professionnalisation en quelques semaines. D’autant plus que l’AfD ne dispose guère de programme. Le socialisme économique ou plutôt le capitalisme sauvage ? Dans le programme de ces populistes de l’extrême-droite, on trouve les deux. Quelle est la position de l’AfD à l’égard du système de péréquation [1] des ressources entre les Länder ou sur l’impôt de la solidarité, versé par les salariés en vue de financer le coût de la réunification des deux Allemagnes, notamment dans les Länder de l’Est ? L’Allemagne doit-elle rester membre de l’Union européenne ou en sortir ? Toutes ces questions seront une épreuve de vérité pour le parti et son électorat.
Par ailleurs, le parti va perdre de son attractivité dû à son statut anti-establishment. A partir de maintenant, c’est aussi lui qui siège sur les symboliques sièges bleus de la démocratie dans le Palais du Reichstag, dont il méprisait les propriétaires et les considérait comme des traîtres au peuple. Ainsi, l’AfD descend de son piédestal, et devient une partie du « système ». »
En Allemagne, l’Europe gagne à chaque fois
Juuso Järviniemi – Rédacteur en chef du magazine thenewfederalist
"A la différence des élections en France et au Royaume-Uni, et de celles à venir en Italie, en Allemagne, il était certain depuis le début qu’un candidat pro-européen remporterait les élections. Même si la montée du parti d’extrême droite, l’AfD, est un des faits les plus marquants de cette élection, celle-ci a aussi confirmé que l’Europe peut avoir confiance dans les électeurs allemands.
Après les négociations sur la composition de la coalition, il sera temps de relancer l’Europe : la fenêtre d’opportunités est enfin ouverte. Après des années de crise, nous pouvons enfin attendre du couple franco-allemand de proposer des solutions sur le long terme, pour résoudre les limites structurelles de l’Union, plutôt que de continuer à attendre le dernier moment.
Que ce soit une coalition « Jamaika » entre la CDU, les libéraux du FDP et les Verts, ou une autre composition, on peut s’attendre à ce que le nouveau gouvernement allemand adopte une approche constructive et fasse preuve d’une volonté certaine de relancer l’Europe. L’inertie et le manque de vision ont impacté la politique européenne intergouvernementale depuis des années. Cependant, en tant que fédéraliste, je suis ravi de voir ce que les prochains mois nous réservent. Nous devons espérer que ce qui vient sera un tournant pour l’Union européenne, célébré dans les livres d’histoire que notre génération va écrire."
Face à l’AfD, garder le cap sur l’Europe
Laura Mercier – Rédactrice en chef du magazine Le Taurillon
"En septembre 2016, l’AfD marquait déjà une considérable progression lors de scrutins locaux. Cette montée du parti de l’extrême droite se confirme par son entrée au Bundestag, avec environ 13% des voix. Les résultats de la CDU et du SPD, en net recul par rapport à 2013, traduisent les attentes et les forts désaccords des allemands envers la politique de la Chancelière et de la précédente coalition. Surtout, l’arrivée de l’AfD, parti anti-européen, au Bundestag, renforce l’urgence nécessaire de relancer le projet européen.
Les nombreux scrutins qui ont rythmé l’agenda européen cette année n’ont cessé de traduire un détachement de plus en plus important entre les citoyens européens et l’Union européenne. La Chancelière est attendue par ses partenaires européens sur de nombreux sujets et la coalition qui sera constituée en dira long sur la ligne européenne qui sera suivie par l’Allemagne. Une coalition avec les Libéraux de la FDP semble se dessiner, ainsi que le risque de voir la position allemande se durcir sur plusieurs sujets comme la réforme de la zone euro.
Mais cette crispation de l’opinion ne doit pas détourner Angela Merkel du chantier européen, alors que « l’Europe a de nouveau le vent en poupe ». [2] La meilleure réponse face à la montée du parti de l’extrême droite est, pour l’Allemagne, d’affirmer toujours plus son engagement européen."
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