Perspectives européennes - La COP26, un échec ?

, par Elsie Haldane, Lucas Nitzsche, Ludovica Smargiassi, Marillie Giannakopoulou, Moritz Hergl, Pinelopi Katsigianni, Samuel Touron, Sven-Alexander Gal, traduit par Samuel Touron , Wojciech Zajączkowski

Toutes les versions de cet article : [Deutsch] [English] [français] [italiano] [polski] [română]

Perspectives européennes - La COP26, un échec ?

PERSPECTIVES EUROPÉENNES. Alors que la COP26, vécue par beaucoup de citoyens comme décevante, s’est achevée le 12 novembre, le Taurillon et ses cousins des autres éditions linguistiques vous proposent de vous plonger dans les enjeux de la COP26 depuis la Pologne, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie et le Royaume-Uni. Comment chacun de ces pays a-t-il négocié durant la COP26 ? Quels sont les enjeux du changement climatique pour chacun d’entre eux ? Comment ces États comptent-ils atteindre les objectifs environnementaux fixés par les Accords de Paris et le Green New Deal ? Autant de questions auxquelles nos rédactions, de Varsovie à Athènes en passant par Bucarest, Paris, Berlin, Rome et Londres ont tenté de répondre.

“Plus tard” : la Pologne se laisse du temps

Le cheminement de la Pologne vers la neutralité climatique ressemble à un mauvais “date” Tinder. Elle essaie de ne pas dévoiler ses atouts et, malgré son charme, elle ne parvient pas à s’engager. Les faits ? En décembre 2019, le gouvernement polonais était le seul dans l’Union à ne pas soutenir l’objectif de neutralité climatique de l’UE d’ici 2050. Cependant, lors de la COP26, le vice-ministre du climat, Adam Guibourgé-Czetwertyński a déclaré que la Pologne participait bien à l’objectif de neutralité climatique en tant qu’État membre de l’UE. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, quant à lui, affirme que la Pologne atteindra l’objectif de neutralité climatique "plus tard".

L’absence de vision claire de la politique climatique de la Pologne est due à sa dépendance au charbon, qui produit environ 70 % de l’énergie. La Pologne envisage désormais d’investir l’énergie nucléaire qui pourrait devenir, à terme, l’énergie de base du pays. Ainsi, aux côtés de la France et de neuf autres États membres, la Pologne se bat pour inclure l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne des investissements durables.

La participation de la Pologne à la COP26 a été critiquée notamment en raison de son positionnement sur le climat et de sa médiatisation... très discrète. En effet, le gouvernement n’a pas voulu divulguer la liste des participants de la délégation polonaise. De plus, peu avant Glasgow, Michał Kurtyka a été remplacé par Anna Moskwa au poste de ministre du climat. Le gouvernement polonais se doit d’être plus loquace sur sa situation énergétique et engager plus de professionnels et de participants de la société civile sur le sujet de la transition énergétique. Sinon, la Pologne risque d’être associée à la Russie, à la Chine ou à l’Inde qui déclarent également vouloir atteindre la neutralité climatique... "plus tard".

Emmanuel Macron veut “rattraper les années perdues”... mais sans empressement ?

“Je ne crois plus aux négociations à 145 États”. Interrogé par le Taurillon jeudi 18 novembre, le député européen Pierre Larrouturou (SPD) dénonçait le manque d’ambition de la COP26. La France, brillant essentiellement par son effacement lors de ce sommet, a signé avec 80 autres États une réduction des émissions de méthane de 30 % d’ici 2030. Cette date limite devrait par ailleurs symboliser la fin de la déforestation, pour laquelle le Gouvernement s’est engagé avec une centaine d’autres pays.

Pour le reste, la France a rejoint lors de ce sommet une coalition d’une douzaine de pays pour accélérer l’abandon progressif de la production de combustibles fossiles (engagement Boga). Enfin, quelques heures avant la clôture de la COP26 et après de nombreuses pressions de la part d’ONG environnementales, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a annoncé l’adhésion de la France à la coalition s’engageant à mettre un terme au financement de projet d’énergies fossiles à l’étranger d’ici 2022.

Alors qu’Emmanuel Macron avait exhorté les plus importants émetteurs de gaz à effet de serre à “réhausser leurs ambitions”, la COP dite “de la dernière chance” s’est conclue par un accord décevant, qui engage seulement une réduction des énergies fossiles. L’écologiste Sandrine Rousseau résume le manque d’initiative française par une interrogation : “Est-on encore capable ?”.

L’Allemagne appelle à des mesures concrètes et s’engage à sortir du charbon et du nucléaire

En Allemagne, les négociations de la COP26 ne sont pas passées inaperçues auprès des citoyens. La chancelière sortante, Angela Merkel, s’est rendue elle-même à Glasgow et a appelé à des "mesures concrètes" pour lutter contre la crise climatique. Mme Merkel a réaffirmé les objectifs de l’Allemagne, à savoir réduire les émissions de 65 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030 et atteindre la neutralité climatique d’ici à 2045.

La lutte contre la crise climatique était l’un des sujets les plus importants des élections de 2021, qui ont vu le parti vert obtenir le meilleur résultat de son histoire. En tant qu’un des partenaires potentiels de la coalition, le nouveau gouvernement devrait intensifier ses efforts à cet égard même si cela est difficile. En effet, l’Allemagne dépend encore largement du charbon et du gaz (37 % de la production nette d’électricité en 2020) et les émissions de CO2 par habitant sont beaucoup plus élevées que la moyenne de l’UE. Pourtant, en 2020, plus de 50 % de l’énergie fournie provient des énergies renouvelables.

L’Allemagne souhaite atteindre la neutralité climatique en sortant de l’énergie fossile et nucléaire. Les trois dernières centrales nucléaires seront retirées du réseau l’année prochaine. En outre, les investissements verts sont en plein essor en Allemagne, de nombreuses entreprises privées s’étant engagées à respecter leurs ambitions climatiques lors des négociations de la COP26. BMW, Volkswagen, Audi, etc. ne figurent toutefois pas sur cette liste : L’abandon progressif du moteur à combustion traditionnel et la limitation de la vitesse sur l’autoroute ne devraient pas faire l’objet d’une législation dans un avenir proche. La COP26 n’a pas changé grand-chose à cet égard dans un pays où l’industrie automobile est surpuissante.

L’Italie exprime son leadership climatique lors de la COP26

Se plaçant parmi les signataires d’une déclaration en faveur de la transition énergétique, l’Italie a affirmé son leadership climatique lors de la COP26. Parmi les engagements pris par le pays figurent la réduction de 30% des émissions de gaz naturel, l’arrêt des activités de déforestation au plus tard en 2030 et un plan décennal de croissance et d’investissement. Au niveau européen, l’Italie vise à engager de nouvelles mesures pertinentes, dans le cadre de son paquet climat "Fit for 55".

Ces objectifs sont ambitieux. À ce titre, il s’agit d’abord de remplir les lacunes internes du pays. Il faudra ajouter les compétences nécessaires à la diplomatie et aux institutions publiques, pour y inclure le thème du climat dans leurs politiques. En Italie, il est possible de trouver cette polarisation entre les différentes régions sur la consommation énergétique. Beaucoup d’entre elles sont encore loin des objectifs européens de neutralité climatique, et même les plus vertueuses doivent améliorer leurs performances.

L’Italie dispose d’un plan sur les sources renouvelables qui exclut l’option nucléaire : l’objectif fixé est de produire dans les 9 prochaines années plus de 70 milliards de watts à partir de sources d’énergie propres, en atteignant une part de 70% de la production pour 2030. Malgré les difficultés évoquées précédemment, l’Italie a été la première à lancer Youth4Climate, avec 400 jeunes de 186 pays. C’est une preuve de la sensibilité du pays sur la question du climat, un point fort pour l’Italie que le pays pourrait utiliser pour augmenter le consensus international sur le sujet.

Touchée durement par le réchauffement climatique, la Grèce affirme ses ambitions climatiques

L’été 2021 en Grèce a été le plus chaud de ces 43 dernières années, soulignant les graves conséquences du réchauffement climatique. Comme l’a déclaré le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, nous avons connu "une série record de jours avec des températures supérieures à 40 degrés et nous avons dû faire face à des incendies de forêt d’une intensité sans précédent". Plus d’un million d’hectares de terres ont été détruits cette année en Grèce. L’impact environnemental de cette situation est déjà présent, puisque les inondations s’intensifient à chaque fois qu’il pleut. Cependant, à l’exception de ces conséquences à court terme, les conséquences à long terme ne tarderont pas à apparaître. La Grèce doit prendre des décisions importantes concernant le changement climatique, la réduction des émissions de carbone et la reforestation.

Ainsi, alors que nous avons fait face au changement climatique à son apogée, la Grèce a décidé d’énoncer dans la COP26, 6 initiatives pour aider à faire face à la crise climatique. La décarbonisation du transport maritime, la stratégie pionnière GR-eco qui doit permettre d’éliminer plus de 10 millions de tonnes de CO2, en transformant progressivement les îles grecques en destinations autonomes 100% vertes et durables. En outre, la Grèce souhaite être leader dans la production d’énergie éolienne en mer, avec une base installée de 2 GW d’ici 2030, et dans l’hydroélectricité par pompage. K. Mitsotakis a également déclaré que la Grèce ne produira plus de lignite au plus tard en 2028, tandis que toutes les anciennes unités de production de lignite seront progressivement supprimées d’ici 2023 et que 10 % des mers grecques seront déclarées zones interdites à la pêche d’ici 2030. Enfin, le pays se transforme progressivement en une plaque tournante régionale de l’énergie verte. Le ministère grec de la crise climatique, récemment créé, doit contribuer à la réalisation de ces importants objectifs écologiques.

En Grèce, la COP26 a été un sujet important dans les journaux. Cependant, la population n’est pas consciente de la nécessité de la conférence. La majorité des Grecs n’ont pas pris en compte l’impact de nos actions sur l’environnement. Les mesures prises par les gouvernements au fil des ans sont importantes, mais pas suffisantes pour surmonter les conséquences de la crise climatique.

"Nous manquons de temps, et nous devons agir maintenant" comme l’a mentionné Mitsotakis. Néanmoins, cette action va-t-elle réellement avoir un impact sur notre environnement ou la COP26 n’est-elle qu’une déclaration de vœux pieux ?

Le Royaume-Uni rate l’opportunité de la COP26 pour se positionner en acteur clé de la gouvernance climatique mondiale

Le Royaume-Uni s’est retrouvé dans la position singulière d’accueillir la COP26 elle-même, alors que des politiciens, des militants et des membres de la société civile se sont rendus à Glasgow, en Écosse. En tant qu’hôte, le Royaume-Uni espérait être un acteur majeur dans ces négociations, représentant les préoccupations des Britanniques face à la crise climatique. Cependant, les réactions de la population britannique elle-même à l’égard de la COP26 ont été extrêmement mitigées.

Cette réaction mitigée a été reflétée par les médias britanniques. Les déclarations faites par le gouvernement britannique ont fait la une des journaux : par exemple, juste avant la COP26, il a été promis que le Royaume-Uni puiserait toute son électricité dans des sources propres d’ici la fin de l’année 2035. Le gouvernement a également souligné son engagement à faire pression pour que les promesses faites lors de la conférence soient tenues, ainsi qu’à soutenir les autres puissances internationales pour réduire leur utilisation collective du charbon. S’exprimant lors de la conférence, le premier ministre Boris Johnson a semblé optimiste mais prudent, déclarant que "nous avons fait la différence, nous l’espérons, pour notre planète et pour notre peuple" tout en appelant les autres dirigeants mondiaux à aider le Royaume-Uni à atteindre les objectifs climatiques mondiaux. Cet optimisme, cependant, n’est pas partagé par tous.

Pour de nombreuses personnes vivant au Royaume-Uni, la COP26 n’a été qu’une façade attrayante de promesses vides. Seulement 1 % des Britanniques ont qualifié la COP26 de "grand succès", tandis que 30 % l’ont décrite comme un échec. Le premier ministre Boris Johnson lui-même a décrit sa réaction aux accords conclus lors de la COP comme étant "teintée de déception". Le premier ministre a reçu de nombreuses critiques à l’égard de sa performance à la COP, comme l’utilisation d’un jet privé pour voyager entre Londres et Glasgow, ainsi que son choix de ne pas porter de masque à plusieurs reprises. Une image du premier ministre sans masque a d’ailleurs attiré l’attention des médias, car sur cette image, il était accompagné de David Attenborough - qui lui, portait son masque !

Organisé en Écosse, l’événement n’a pu éviter de devenir un sujet de discussion de la politique intérieure britannique, où les débats séparatistes/unionistes sont de plus en plus présents. La première ministre écossaise, Nicola Sturgeon - bien connue pour ses positions pro-européennes et indépendantistes - a assisté à la COP tous les jours, bien qu’elle n’ait pas de siège à la table des négociations. Alors que ses partisans l’ont félicitée pour son engagement en faveur de l’environnement (le journal Scotsman a qualifié sa participation de "triomphe"), ses détracteurs ont suggéré qu’elle avait peut-être utilisé la COP26 comme une opportunité de faire des relations publiques, tandis que d’autres ont critiqué la "mauvaise organisation" de l’événement sous la supervision du gouvernement écossais.

Malgré les diverses réactions sur la COP26, et sur le rôle du Royaume-Uni dans celle-ci, certains éléments ne font aucun doute. Tout d’abord, le Royaume-Uni doit agir rapidement, en collaboration avec la communauté internationale, mais surtout en tenant compte de ses propres manquements. Enfin, les voix de ceux qui se préoccupent du climat au Royaume-Uni ne peuvent pas être, et ne doivent pas être, réduites au silence.

La COP26 effacée par la crise politique que traverse la Roumanie

Bien que la Roumanie traverse sa plus grande crise politique depuis 1989, et qu’elle n’ait pas de gouvernement complet depuis septembre, la COP26 a été un sujet abordé dans les grands médias roumains.Le président Klaus Iohannis a notamment présenté les objectifs poursuivis par la Roumanie. Il soutient la plupart des objectifs de l’UE et a également lancé un projet d’éducation climatique dans les écoles. Si l’idée est bonne, il paraît difficile de faire en sorte que cette matière soit réellement enseignée dans un système scolaire roumain très peu réformé et déconnecté de la modernité.

Les plus gros problèmes liés à l’environnement en Roumanie sont les déforestations illégales (étroitement liées à l’establishment politique - certains dirigeants politiques, tels que Gheorghe Flutur, le président du conseil du comté de Suceava, sont connus pour être directement impliqués dans la "mafia de la forêt"). Les inondations causées par le changement climatique touchent le pays chaque été. Les problèmes de biodiversité - la Roumanie possède une faune rare dans les Carpates - et enfin, les opinions affirmant que le changement climatique n’est pas réel et que les tempêtes sont causées par la "colère de Dieu" tenaillent également le pays.

Néanmoins, Brașov, une grande ville située au cœur des Carpates, souhaite atteindre la neutralité climatique. Le maire Allen Colliban a mis en place un projet politique pour atteindre cet objectif d’ici 2030. De même, le Farul Constanța est le premier club de football professionnel en Europe à chercher à atteindre la neutralité climatique. En cette période difficile pour le pays, la COP26 a été source de plaisanteries notamment sur Greta Thunberg et le président, vêtu d’une veste d’hiver, aux côtés de Boris Johnson. La cote de popularité de Klaus Iohannis a chuté de façon spectaculaire ces derniers mois, car il est considéré comme l’auteur principal de la crise politique. Cela s’est traduit par l’arrivée dans l’opposition du parti anti-corruption et pro-européen USR et par l’arrivée très probable au pouvoir du vieux rival du PNL, le successeur direct du parti communiste, le PSD. Cette situation politique interne compliquée a fait passer au second plan les enjeux autour de la COP26.

Mots-clés
Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom