Un proche de Donald Tusk pour le budget européen
Piotr Serafin a une riche carrière politique et diplomatique en Pologne et en Europe. Diplômé d’économie et de droit, il débute sa carrière politique à l’Office du Comité de l’intégration européenne (UKIE) en 1999, au moment où la Pologne s’apprête à intégrer l’Union européenne. Il évolue ensuite au sein de cette institution polonaise qui joue le rôle de ministère des Affaires étrangères dans le cadre de l’intégration européenne.
C’est à partir de 2010 qu’il s’illustre en dehors de l’UKIE en devenant le chef de cabinet adjoint de Janusz Lewandowski, alors commissaire européen chargé de la programmation financière et du budget. Proche de Donald Tusk qui exerçait son premier mandat de chef du gouvernement polonais, Serafin devient secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères en 2012 puis chef de cabinet de Tusk, alors qu’il était président du Conseil européen en 2014. Piotr Serafin exerce cette fonction jusqu’en 2019.
Ce poste au cabinet du président du Conseil européen lui ouvre les portes de l’administration européenne. Il est directeur des transports, des télécommunications et de l’énergie au secrétariat général du Conseil de l’UE entre 2020 et 2023. De décembre 2023 à octobre 2024, il est le représentant permanent par intérim de la Pologne auprès de l’UE.
Sa première priorité : la réforme du CFP
Lors de son audition de confirmation le jeudi 7 novembre dernier, le futur commissaire polonais inisite sur l’importance d’un cadre financier pluriannuel (CFP) post 2027 (le prochaine CFP doit couvrir la période 2028-2034), un budget européen à long terme. Celui-ci devra concilier les nouvelles priorités européennes comme la défense et la digitalisation, avec les politiques existantes en matière de climat, de cohésion et d’agriculture. Il propose également un fonds pour la compétitivité afin de soutenir l’innovation et s’engage dans le renforcement de la lutte anti-fraude.
Le CFP a été le point principal d’attention de l’audition, et de nombreuses questions des eurodéputés ont porté sur ce sujet. La principale préoccupation est la stratégie d’équilibre entre le remboursement de la dette au titre du plan de relance “NextGenerationEU” et la préservation d’investissements essentiels dans les domaines de la cohésion, de l’agriculture et des infrastructures. Les autres questions ont concerné le financement du fonds de compétitivité évoqué, et la capacité du CFP à soutenir les ambitions européennes en matière d’environnement et de biodiversité, décrites dans le Pacte vert.
À ce sujet, Piotr Serafin a évoqué le frein que représente le plafond budgétaire de l’UE fixé à 1% du revenu national brut de l’Union. Cela signifie que l’UE ne peut pas dépenser plus que cette somme chaque année, pour mettre en place ses politiques. Le candidat polonais propose de mettre l’accent sur les financements européens plutôt que les dépenses nationales pour solidifier le budget de l’UE. Concernant le fonds pour la compétitivité, il suggère de s’inspirer de l’initiative européenne STEP(Strategic Technologies for Europe Platform), qui cherche à renforcer la compétitivité européenne dans les secteurs des technologies numériques, des technologies économes et propres (clean and resource-efficient technologies) et des biotechnologies.
Une seconde priorité : contrôle budgétaire et lutte contre les fraudes
Afin de limiter les erreurs administratives fréquentes dans le traitement des fonds européens, Piotr Serafin souhaite simplifier les règles liées aux dépenses de l’UE, justifiant que "l’accès aux fonds européens ne doit pas être un cauchemar bureaucratique".
Il promet également un renforcement de la lutte anti-fraude notamment en intensifiant la coopération entre l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) - créé en 1999 pour enquêter sur les affaires de fraude et de corruption au sein des institutions européennes - et le Parquet européen, un organe décentralisé indépendant de l’UE qui regroupe 22 des 27 États membres de l’Union .
Un enjeu : réaffirmer le rôle des régions dans la politique budgétaire de l’UE
Les propositions de réformes du CFP annoncées avant l’audition de Piotr Serafin et fondées sur une centralisation des fonds européens ont été vivement critiquées, de peur que les régions perdent leur influence sur les dépenses de cohésion de l’Union. Lors de son audition, le commissaire polonais a insisté sur le fait que ces réformes seraient discutées « en dialogue avec les capitales et les régions ». Serafin admet que le plan de relance post-Covid “NextGenerationEU”, et plus particulièrement l’instrument de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), n’a pas assez pris en compte le rôle des régions. Il promet que cela sera différent avec la réforme du CFP car les régions “ savent mieux que quiconque quelles sont les réformes et les investissements dont elles ont besoin.” L’idée est donc que les autorités nationales et régionales soient en étroite collaboration pour réformer le CFP.
Ce discours semble avoir rassuré son audience puisque les deux commissions responsables de son audition, celles des budgets (BUDG) et du contrôle budgétaire (CONT) ont approuvé sa candidature au poste de commissaire chargé du budget. Tous les groupes parlementaires se prononcent également en sa faveur, à l’exception des Patriotes pour l’Europe (PfE) et du groupe The Left.
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