Plaidoyer d’un jeune français pour l’Europe fédérale

We Want Europe !

, par Stephane Faure Chandivert

Plaidoyer d'un jeune français pour l'Europe fédérale

Deux films, deux époques, deux étapes du rêve européen. En 2002, “l’Auberge espagnole” traduit l’espoir de toute une génération et de tout un continent : construire une Europe unie dans sa diversité, prospère, sûre de sa force et de ses potentialités. Xavier, un jeune français, part étudier en Espagne pour découvrir une nouvelle culture et revenir plein de rêves et d’envie dans une France qui commence déjà s’ankyloser. C’était un temps où les Européens croyaient en l’Europe et ambitionnaient de devenir une superpuissance culturelle, politique, et économique. Douze ans plus tard, dans « Casse-tête chinois », Xavier décide de traverser l’Atlantique pour s’installer en Amérique, plus contraint de s’exiler hors d’Europe que réellement motivé par les promesses du rêve américain, lui aussi écorné mais toujours vivant.

Ces deux films expriment à merveille le changement de mentalité qui a pu s’opérer au cours des années 2000. Nous, Européens, avons perdu la foi que nous avions jadis placée dans la construction européenne, promesse d’un avenir radieux et d’un monde plus juste. Quoi de plus normal quand l’UE se révèle incapable de sortir nos économies de la crise en même temps qu’elle souffre d’un outrageant déficit démocratique. Ces dernières années, à la faveur de la crise, les décisions les plus importantes furent prises par le Conseil européen – cette réunion des 28 chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE - sans qu’aucun citoyen n’ait eu son mot à dire. La Commission européenne, si pléthorique et affaiblie par l’omnipotence du Conseil, s’est contentée de suivre les désidératas de la chancelière allemande, imposant ainsi le carcan de la rigueur et de la rancœur à des millions d’Européens qui se retrouvèrent subitement au chômage, sans aucune perspective d’avenir.

La plupart des citoyens européens se sentent désemparés par les changements survenus depuis les années 1980 et l’apparition des NTIC* et d’Internet. Nos modes de vie ont été largement modifiés, provoquant une perte de repères à tous les niveaux. L’échec des deux grandes idéologies qui ont façonné le XXème siècle – le communisme et le capitalisme dérégulé - nous laisse dans un vide idéologique paralysant. Notre démocratie ne fonctionne plus et n’inspire que mépris et défiance à nos concitoyens. Nos décideurs politiques ne nous proposent aucune vision satisfaisante de l’avenir. Pourquoi ? Parce qu’ils n’en n’ont tout simplement pas ! Qu’ils soient de gauche ou de droite, d’extrême-gauche ou d’extrême-droite, ils restent prisonniers de visions et de systèmes de pensée passéistes et révolus. Nous avons besoin d’un nouveau but, d’une nouvelle raison de vivre et d’avancer ensemble, d’un nouvel idéal. Cet idéal est à portée de main, c’est celui de Victor Hugo, de Stefan Zweig, de Robert Schuman. Ce n’est pas un gros mot, c’est un beau mot. Ce sont les Etats-Unis d’Europe.

Dans ce monde globalisé qui est le nôtre, seuls les Etats-continents (USA, Chine, Inde, Russie) sont amenés à compter et à décider, car le modèle de l’Etat-nation souverain a fait long feu. D’ici 2025, plus aucun pays européen ne fera partie du G8, pas même l’Allemagne. Il est donc temps d’évaluer les bénéfices concrets d’une réelle union politique, sociale, fiscale, et budgétaire, face aux déboires annoncés du statu quo actuel, ou pire encore, d’un repli sur nous-même. Nous devons nous unir car c’est le seul et unique moyen de préserver et d’améliorer nos modes de vie et notre position privilégiée dans l’ordre économique mondial. Le seul moyen également de regagner au niveau fédéral cette souveraineté d’ores et déjà perdue au niveau national, n’en déplaise à Marine Le Pen et ses lubies autarciques qui appartiennent à une époque bel et bien révolue. La France peut et doit être au centre de ce rêve européen régénéré, tel un défi aux replis identitaires qui s’opèrent depuis quelques années. Jean Monnet, l’un des pères fondateurs de l’Europe, déclarait que « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise ».

Sauter le pas fédéral nécessite de profondément repenser nos institutions autour de la zone Euro. Le but est de faire coexister l’exigence européenne aux exigences des Etats. Pour schématiser, il nous faudrait un exécutif « à la française » avec un Président à sa tête, capable de décider rapidement et nous défendre sur la scène internationale (songeons à la situation en Ukraine et à l’absence de réponse européenne commune), contrôlé par un système parlementaire « à l’allemande » doté de nombreux contre-pouvoirs afin de faire primer la volonté des citoyens. Le fédéralisme n’est ni un carcan ni une menace, mais l’outil qui se révèle le plus adapté au gouvernement d’ensembles humains complexes. Imaginons une Europe fédérale qui mettrait en place, grâce à un budget autrement plus conséquent qu’à l’heure actuelle (1% du PIB de l’UE), d’ambitieuses politiques de ré-industrialisation, de formation professionnelle, de lutte contre le chômage, d’éducation, de transition énergétique, et de défense commune. Ce nouvel élan permettrait de réenchanter le rêve européen. Ce rêve qui fait passer le dialogue et le consensus avant l’affrontement et l’exclusion, la diversité culturelle avant l’assimilation, la qualité de vie avant l’accumulation de richesses, le développement durable avant la croissance matérielle illimité, l’épanouissement personnel avant le labeur acharné, et la coopération mondiale avant l’exercice unilatéral du pouvoir.

Les prochaines élections européennes sont l’occasion d’ouvrir une nouvelle page de notre belle histoire. Nous devons imaginer notre avenir dans 10, 20, 50 ans et ne pas avoir peur de penser le monde de demain. Cette Europe nouvelle que ma génération et d’autres appellent de leurs vœux, une Europe plus juste, plus sociale, plus protectrice, plus fraternelle, plus prospère, n’aura une chance de voir le jour qui si nous envoyons un message clair à notre classe politique, à nos concitoyens européens, aux marchés financiers, et aux dictateurs qui bafouent les Droits de l’Homme partout dans le monde : WE WANT EUROPE ! NOW !

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