Plutôt que l’harmonisation fiscale : le fédéralisme budgétaire

, par Guillaume Bullier

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Plutôt que l'harmonisation fiscale : le fédéralisme budgétaire
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Ces derniers temps, le terme “harmonisation” est sur toutes les langues lors des débats autour de la politique européenne. Certains considèrent que c’est une condition sine qua non pour mener des politiques communes. D’autres considèrent l’harmonisation comme une finalité. Pourquoi cette obsession ? Est-ce vraiment compatible avec les valeurs démocratiques et la subsidiarité ?

L’harmonisation : injuste contrainte

L’idée d’harmonisation fiscale implique de contraindre les Etats membres dans l’élaboration de leur politique fiscale. Il s’agit de fixer des règles concernant les impôts à lever et à quels taux, pour alimenter les budgets nationaux. Du strict point de vue de la logique, cette idée est d’ores et déjà absurde : s’il s’agit de mener des politiques similaires dans toute l’Europe, l’intérêt de les conduire au niveau national se retrouve remis en question.

L’harmonisation fiscale signifie que les Etats perdraient le contrôle de leurs recettes et se verraient dépossédés de leur liberté démocratique de lever les impôts qu’ils souhaitent. Pour autant, cela ne permettrait pas à l’Union européenne de bénéficier d’un budget lui permettant de mener les politiques que souhaitent ses citoyens. A cet égard, cette contrainte est donc sans intérêt.

L’intérêt supposé de l’harmonisation fiscale qui est parfois souhaité au sein de quelques Etats membres disposant d’une forte fiscalité, est la lutte contre la concurrence fiscale. Cette harmonisation vise en réalité à protéger les intérêts économiques de ces pays au détriment du développement des autres pays et de leurs citoyens. En ce qu’elle est ainsi motivée par des intérêts nationaux, l’idée d’harmonisation fiscale répond à une logique nationaliste.

L’harmonisation constitue donc une contrainte inutile et immorale sur les Etats, sans apporter de ressources à l’Union européenne. Non seulement est-elle contraire au bon sens, mais elle va dans le sens opposé des principes fédéralistes.

Le fédéralisme budgétaire : juste répartition des compétences

Plutôt que de contrôler des prélèvements fiscaux qui ne lui reviennent pas, l’Union européenne a besoin de la liberté démocratique de lever ses propres impôts pour alimenter son propre budget, sans s’ingérer dans la gestion des recettes fiscales des Etats membres. Aujourd’hui, le budget de l’UE (représentant 1% du PIB) est financé à 71% par les contributions des Etats membres. Les ressources fiscales de l’UE (TVA, taxe sur les importations…) sont faibles et dépendent également de l’accord des Etats. Octroyer à l’Union européenne les compétences fiscales dont elle a besoin doit s’accompagner de l’évident contrôle démocratique par les institutions communautaires, permettant aux citoyens européens de décider ensemble des politiques qu’ils souhaitent s’appliquer, sans blocage possible des gouvernements nationaux.

Le fédéralisme budgétaire vise à accorder à chaque échelon de décision la liberté de décider démocratiquement de ses ressources fiscales. Chaque échelon (local, régional, national et européen) devrait donc avoir toute la latitude pour lever ou non les impôts qu’il souhaite (et d’en décider les modalités) afin de constituer son budget, et d’en rendre compte à ses citoyens.

Pour répondre aux enjeux sociaux et démocratiques de l’Union européenne, plutôt que de demander une harmonisation fiscale, nous ferions mieux d’agir pour l’octroi de compétences fiscales à l’Union européenne, et pour le respect du principe de subsidiarité. Si nous estimons collectivement qu’un impôt sur les carburants est pertinent et devrait être le même dans toute l’Union européenne, permettons lui d’alimenter notre budget commun. Si un Etat souhaite financer son budget national en imposant les revenus du travail de ses habitants, libre à lui.

La diversité des modèles bénéficie au citoyen

Lorsque les Etats ou les collectivités sont libres de définir leur politique fiscale, c’est l’innovation politique qui est permise. Et la concurrence entre collectivités permet de renforcer l’influence du citoyen sur l’action de ses responsables politiques, en dehors des périodes électorales. En effet, sa possibilité de changer de territoire impose aux élus de veiller à l’attractivité de leur territoire et à la qualité des politiques menées. Tout cela a un effet catalyseur pour trouver des modèles de fiscalités plus justes qui puissent faire consensus. Quoi de mieux pour renforcer le consentement à l’impôt ?

Ainsi, ceux qui sont convaincus que la construction européenne doit permettre de renforcer le pouvoir des citoyens devraient lutter contre les volontés de définir des règles fiscales derrière des portes closes. Ils devraient appeler à donner une autonomie fiscale, tant à l’Union européenne qu’aux collectivités locales, et à s’assurer du caractère démocratique des processus de décision.

Vos commentaires
  • Le 10 mars 2019 à 16:20, par Alain Bach En réponse à : Plutôt que l’harmonisation fiscale : le fédéralisme budgétaire

    En terme de lucidité sur l’art de garantir le long terme, l’impôt réglementé au niveau local, régional, national et européen est la seule option réaliste pour préserver le droit à l’expression des peuples et bâtir en dur le rez de chaussée de la maison Europe.

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