La 21ème Coupe du monde de la FIFA (Fédération internationale de football association) vient de s’ouvrir dans le stade Loujniki de Moscou avec ce Russie – Arabie Saoudite. Du beau jeu, une bonne ambiance et des supporters en fête, voilà ce qu’on pourrait attendre d’un tel évènement. Mais football peut parfois rimer avec géopolitique.
Cette Coupe du monde dans l’extrême est européen n’est pas la première compétition internationale que le pays accueille puisque les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi – qui étaient les plus chers de l’histoire avec 36 milliards d’euros- ont déjà tourné les regards vers la Russie.
Au centre des regards pour un mois
Si le pays ne compte pas forcément briller sportivement, il peut espérer l’être économiquement. Pour combler une baisse de 3 % du PIB depuis 2014, la Russie a misé sur l’importance des visiteurs qui se déplaceront. Pour cela, tous les matchs de la compétition se dérouleront dans la Russie européenne, afin de faciliter les déplacements des supporters et avoir des horaires de diffusion acceptables. Le gouvernement semble avoir préparé des conditions sécuritaires drastiques, ne permettant pas la circulation et la venue des hooligans russes, désormais bien connus des Français depuis leur intervention à Marseille pendant l’Euro 2016.
Onze stades accueilleront la compétition. Un chiffre qui a été amputé de cinq enceintes sportives, pour des raisons économiques. La Russie entend aussi montrer sa puissance politique en utilisant la péninsule de Kaliningrad pour ce mondial, histoire de montrer à ses voisins qu’elle est toujours présente. A propos de présence, tous les dirigeants ne seront pas à Moscou puisque ni le gouvernement anglais, ni la famille royale ne se rendront en terres russes après l’incident diplomatique de l’affaire Skripal.
L’importance géopolitique était quant à elle déjà bien présente dès le premier match puisque la Russie et l’Arabie Saoudite sont deux puissances en train de se rapprocher, notamment dans le contexte syrien. Il y aura certes du sport, mais pas que.
En Turquie, le football comme moyen de contrôle
Autre pays, autres mœurs. La Turquie ne s’est pas qualifiée pour ce mondial mais connait l’importance du pouvoir dans son sacro-saint football. Basaksehir, club municipal d’Istanbul devenu candidat à la course au titre de champion de Turquie, illustre l’utilisation faite par le pouvoir. Göksel Gumusdag a permis, avec six autres investisseurs, la montée de ce club dans l’élite. Membre de l’AKP et mari de la nièce du président turc, il soutient Recep Tayyip Erdogan. Celui-ci est d’ailleurs venu inaugurer le stade en 2014. Faisant campagne pour devenir le 12ème président de Turquie à l’époque, le numéro 12 n’est plus donné aux joueurs.
Pour accéder à l’élite, le club s’est notamment attiré les services d’Emmanuel Adebayor, qui est entre autre passé par Monaco, Arsenal, Manchester City ou Tottenham. Pour refléter le parti au pouvoir, les valeurs conservatrices sont présentes au stade. D’abord dans les infrastructures, avec les mots « drapeau, État, patrie et nation » dans une salle d’entrainement ou la présence de salles de prières pour les joueurs. Ce club est opposé dans ses valeurs à celui de Besiktas, venant aussi d’Istanbul, mais étant opposé au gouvernement. De plus en plus de ses supporters sont interdits de stade, étant désormais contrôlés grâce à la passolig, une carte avec une base de données importante sur le supporter. Pas de passolig, pas de stade.
Le pouvoir s’insère de plus en plus dans le football turc en menaçant de ne plus fournir les fonds nécessaires aux constructions de stades. Constructions qui étaient nécessaires pour les nombreuses candidatures à l’organisation d’évènements internationaux. Toutefois, cette éventualité n’est possible que si les droits de l’homme sont aussi respectés. La Turquie a considéré la possibilité de devenir un grand d’Europe en devenant un grand de football. Le pays s’est donc considéré européen lorsque Galatasaray a remporté la coupe UEFA en 2000, tandis que le pays avait entamé une candidature à l’Union européenne depuis 1987. La situation n’a pas évolué depuis.
Les Balkans, terre de divisions
Il est une autre région où le football illustre les divisions nationales. Dans les Balkans, les ex membres de la Yougoslavie ne parviennent pas à s’entendre. En particulier dans les stades. Un des derniers exemples fut le Serbie-Albanie de 2015 lorsqu’un drone a survolé la pelouse avec le drapeau de la grande Albanie. Derrière cette volonté pan-albanaise se trouve aussi la question du Kosovo, que la Serbie ne reconnait pas.
Pascal Boniface, dans Football et Mondialisation, estime que « L’État fédéral, lui, est peut-être symboliquement mort le 26 septembre 1990 à Split, à l’occasion du match entre le Hadjuk de Split et le Partizan de Belgrade, quand les supporters du Hadjuk ont investi le terrain et brulé le drapeau yougoslave. ». Football et politique, donc.
La Yougoslavie retenait autrefois ses joueurs, ne leur permettant pas de se rendre dans un championnat étranger avant l’âge de 28 ans, ce qui leur permettait de créer un football yougoslave, football surnommé [« le Brésil d’Europe »-https://comptoir.org/2016/03/23/yougoslavie-le-pays-ou-le-football-ne-pouvait-etre-que-politique/] du fait de la volonté de donner priorité au football yougoslave.
Derrière ces velléités se cache donc un football qui n’a pas gagné de compétition majeure depuis la Coupe des clubs champions de l’Étoile rouge de Belgrade en 1991 contre l’Olympique Marseillais. Et si ces pays faisaient « alliance » dans une Ligue des Balkans afin de remédier à ce niveau en baisse ? Pour cela, l’UEFA pourrait donner 20 millions d’euros à cette organisation, qu’il faudrait partager en 24 clubs entre la Bosnie- Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, la Slovénie et la Serbie. Aucune officialisation concrète n’est toutefois à relever, pour le moment.
Obtenir des compétitions peut donc avoir des avantages politiques. L’Euro 2012, organisé par l’Ukraine et la Pologne a permis à ces deux pays, et particulièrement au dernier, de voir un renouvellement de leurs infrastructures, notamment dans le transport. Les investissements se sont élevés à 1,3 % du PIB pour les Polonais en 2009, dans une période où le pays a été le seul à ne pas connaitre la crise.
A peine cette Coupe du monde entamée, nous pouvons dire que le prochain Euro sera lui aussi sous le signe de la géopolitique puisque douze stades, de pays différents accueilleront la compétition. Avec une finale à Londres. Comme un besoin de cohésion ?
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