9 mai 1950. Le ministre Robert Schuman expose dans le salon de l’horloge du Quai d’Orsay le projet de Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, à la genèse de ce qu’est aujourd’hui l’Union européenne. Plus tard, les institutions choisissent de retenir cette date pour célébrer l’unification de l’Europe et les apports de la construction européenne. En ce mois de mai, décrété « mois de l’Europe », les événements et animations sur l’Europe ne manquent pas grâce à la mobilisation des institutions, des collectivités locales et des associations européennes.
Une fête sur un continent en guerre
L’ambiance n’est toutefois pas à la fête. D’abord parce que la guerre menée par la Russie en Ukraine dure et ce, à la défaveur de la résistance ukrainienne épuisée par deux années de conflit. L’investiture pour un cinquième mandat du président Vladimir Poutine, ce 7 mai, a rappelé que le chef du Kremlin poursuit sa guerre contre les démocraties occidentales et ne comptent pas cesser le combat. Ce 9 mai, il célèbre la fin de la Seconde Guerre mondiale, la « victoire dans la grande guerre patriotique » contre les nazis, et renouvelle les parallélismes révisionnistes qu’il utilise pour justifier sa guerre d’agression en Ukraine.
Les nationalistes de retour
Pendant ce temps-là, l’Union européenne prépare le renouvellement de son parlement et de son gouvernement, la Commission européenne. La campagne des élections européennes, qui auront lieu du 6 au 9 juin partout dans l’Union européenne, bat son plein et réserve son lot de surprises. Les sondages ne laissent toutefois présager rien de bon : les listes des partis de l’extrême caracolent en tête des intentions de vote dans plusieurs pays. Ce phénomène finit même par teinter parfois d’accents nationalistes le discours des leaders des forces politiques européistes. La recrudescence de la haine, par la multiplication des actes antisémites ou les agressions envers des militants, inquiète à juste titre.
Un retour aux sources salutaire
Y a-t-il quelques lueurs d’espoir ? Dans ces actualités peu réjouissantes, les anniversaires et commémorations viennent parfois raviver la flamme. Bien que passés inaperçus, les 75 ans du Conseil de l’Europe célébrés ce 5 mai rappellent les valeurs qui ont façonné l’Europe. Créé en 1949 par la signature du traité de Londres, imaginé par les fondateurs du Mouvement Européen au Congrès de La Haye, cette organisation internationale s’emploie par son action discrète à garantir les droits fondamentaux de tous sur le continent européen et à préserver les principes essentiels au bon fonctionnement de nos démocraties. Les commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale, que ce soit avec les traditionnelles cérémonies du 8 mai ou le 80e anniversaire du Débarquement, prennent un tout autre sens alors que les conditions de la paix et de la sécurité en Europe sont à nouveau un sujet de préoccupations des Français et des Européens. Elles rappellent à nos mouvements fédéralistes européens le sens de notre engagement pour une Europe libre et unie comme le titrait le Manifeste de Ventotene en 1941 esquissant déjà les conditions du retour de la paix en Europe. A la faveur de ses événements, si les Européens prennent conscience qu’au-delà du grand marché tant caricaturé, l’Europe est avant tout un projet de valeurs, alors nous avons déjà gagné une bataille. Le chemin parcouru ensemble n’est pas vain.
Continuer de construire quelque chose de plus grand que soi
Les idées qui ont façonné l’Europe doivent raviver la flamme de notre engagement. Dans la dernière ligne droite de la campagne des élections européennes, c’est au cœur que nous, militants de l’Europe, et tous les parties prenantes de cette campagne devons parler. Les arguments rationnels pour répondre aux problèmes du quotidien n’ont pas autant de prise sur les discours nationalistes des détracteurs de l’Europe. L’Europe n’est pas une succession de programmes, d’accords, de normes, de fonds ou de compromis bruxellois. L’Europe ne peut pas être qu’un mariage de raison. C’est un projet politique qui doit être le produit de la délibération collective de ses citoyens. Participer à construire quelque chose de plus grand que soit, contre l’individualisme, contre le nationalisme, c’est cette idée originelle que nous devons réinvestir dans nos discours et dans nos actions. Que tous ceux qui se réclament de ce projet politique qu’est l’Europe soient audacieux dans le sprint final : n’ayons pas l’Europe honteuse, ne soyons pas des Européens cachés ou timides. Nous voulons construire une Europe plus unie et plus fédérale, plus démocratique et plus libre. Nous voulons des candidats fiers de cet héritage et déterminés à le perpétuer.
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