Pour un 9 mai férié dans toute l’Europe

Acte manqué ? Acte délibéré ? Les experts de la mémoire ont eu un trou de mémoire.

, par Mouvement Européen - France

Pour un 9 mai férié dans toute l'Europe

Les conclusions de la « commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques » sont singulières. Alors qu’elle avait notamment pour mission de mieux impliquer les jeunes générations, elle a proposé de ne retenir que trois dates, le 14 juillet, le 11 novembre et le 8 mai.

Comme si, depuis mai 1945, rien ne s’était passé qui fût digne d’être célébré ! Comme si la déclaration par laquelle, le 9 mai 1950, Robert Schuman a lancé une révolution sans équivalent dans l’Histoire de l’humanité, ne méritait pas considération ! Qu’un Français, un Européen, ait prôné la solidarité contre la vengeance, qu’il ait gagné la confiance des ennemis d’hier au point de mettre en commun les industries de guerre, qu’une Communauté solidaire en soit issue, faut-il que jamais nos enfants, ni le reste du monde, n’en entendent parler ? De quoi avons-nous peur ? De quoi avons-nous honte ?

Vis-à-vis de nos aînés comme des jeunes générations, nous n’avons pas le droit d’arrêter l’Histoire en 1945, ni de faire l’impasse sur la construction européenne.

Dans leur tranchée, les poilus se battaient pour que cette boucherie soit « la der des der ». D’où l’importance de rappeler à la fois leur immense sacrifice et la portée du geste de François Mitterrand et Helmut Kohl se recueillant côte à côte à Verdun. De même, bien des résistants français, allemands, italiens ont combattu le nazisme en ayant pour espoir de bâtir une Europe unie, libérée du nationalisme. Un lien existe entre le 11 novembre, le 8 mai et le 9 mai ; la grandeur de Schuman tient à ce que, né dans la Lorraine annexée par le Reich après la guerre de 1870, député de la Chambre « Bleu horizon » en 1919, il n’ait pas répété les erreurs des années vingt, ni pensé que la fin des combats suffisait à assurer la paix. C’est en refusant d’humilier les vaincus, c’est en tenant compte de l’existence d’intérêts communs aux différents peuples européens qu’il a pu convaincre Adenauer, Spaak, De Gasperi et d’autres encore. Ensemble, ils ont obtenu ce que les armistices seuls n’auraient jamais apporté : une sécurité durable.

Entre une « identité nationale » et une « identité européenne », personne ne nous oblige à choisir. Les deux dimensions se prolongent et se nourrissent mutuellement. La photographie officielle du Président Sarkozy posant à côté du drapeau tricolore et du drapeau étoilé, le rappelle avec force : depuis des décennies déjà, la France est engagée dans la construction d’une Union sans cesse plus étroite.

Ouvrir les commémorations à notre temps

Vis-à-vis des jeunes qui considèrent la paix comme allant de soi, il est urgent de moderniser les commémorations, de les ouvrir à notre temps. A l’heure d’Internet et des réseaux interactifs, comment croire à des célébrations éternellement jouées sur le même mode ? Personne ne peut faire sienne une mémoire abstraite, au parfum de fleurs fanées. Montrons à nos enfants ce que des yeux préservés du spectacle de l’horreur finissent par ne plus voir : la fragilité de la vie ; le caractère éphémère des œuvres humaines, Union européenne comprise. Apprenons-leur que l’Europe unie n’était, pour ses concepteurs, ni une bureaucratie, ni un marché, mais la foi dans des valeurs partagées et la volonté de « contribuer à un monde meilleur » (Jean Monnet).

Si le 9 mai devenait, dans toute l’Europe, un jour férié pour, à la fois, commémorer les morts de la Seconde Guerre mondiale mais aussi célébrer le lancement de la construction européenne, nous pourrions aller à la rencontre les uns des autres. Les télévisions et les radios, les sites Internet et les journaux pourraient être mobilisés spécialement. Ce serait une occasion de mieux se connaître, de remiser quelques préjugés, de débattre ouvertement, par delà les frontières de ce qui nous passionne et ce qui nous chagrine, de ce que nous voulons préserver, de ce qu’il faut changer. Et peut-être les Français comprendraient-ils mieux l’immense succès que représente l’unification du continent. Car depuis 1945, l’Europe a aussi facilité l’avènement de la démocratie dans les pays du sud, libérés des dictatures, et en Europe centrale et orientale, après la chute du communisme.

L’adhésion à un projet vivant

Enfin, autant les célébrations exaltant le passé défunt excluent ceux dont les parents et grands-parents n’étaient pas français, autant l’adhésion à un projet vivant peut rassembler. Les enfants d’origine étrangère se sentiraient plus à l’aise dans une nation française qui se tournerait résolument vers l’avenir.

En commémorant, le 9 mai, à la fois la fin de la Seconde Guerre mondiale et la naissance de l’Europe unie, les jeunes Européens sauraient d’où ils viennent, à qui ils doivent leur liberté tout en mesurant ce que l’Europe attend d’eux : un comportement responsable, destiné à faire fructifier un héritage exceptionnel. Un grand nombre d’entre eux sont sûrement prêts à s’engager, à participer à des projets transfrontaliers ; encore faut-il leur en donner l’occasion. Et ils se rendraient ainsi compte que, loin d’être rébarbative et compliquée, l’Europe peut être attachante et joyeuse.

Face à la montée des nationalismes et des intégrismes, devant la tentation persistante de certains régimes de recourir à la force, nos enfants pourraient peut-être avoir, un jour, à défendre l’Union européenne. Donnons-leur déjà une chance de la découvrir et de l’aimer.

Vos commentaires
  • Le 22 février 2009 à 08:01, par Martina Latina En réponse à : Pour un 9 mai férié dans toute l’Europe

    Merci pour cet article, ou plutôt pour ce manifeste aux idées duquel nous sommes plusieurs à adhérer pleinement, malgré ou par le fait que nous appartenons à des familles et à des régions durement touchées par les guerres franco-allemandes qui se sont succédé depuis le XIXe siècle !

    Car le 9 mai est bel et bien l’anniversaire de l’acte de naissance européenne : la commémoration d’une proposition faite au Conseil français voilà cinquante-neuf ans d’associer les matières premières de la guerre de part et d’autre de la frontière franco-allemande ; ainsi se fonda « gründlich » comme disent les Allemands, c’est-à-dire avec autant de profondeur opportune que de solidité concrète, à commencer par le sous-sol des deux pays, par leurs industries rivales, et jusque dans les esprits demeurés hostiles pendant des siècles, la construction conjointe, courageuse et solidaire de l’Europe ainsi que de la paix.

    Une telle date est bien plus capable de consacrer la Victoire que la démocratie a remportée le 8 mai 1945 sur le fascisme si elle célèbre d’abord le projet qui s’est montré capable de sortir l’Europe effectivement, mais progressivement, de ses méfiances endémiques et de son indifférence chronique : mieux encore qu’une bannière d’azur étoilé, ce jour est la preuve palpable et la promesse durable que LA DIVERSITE continuera de tisser L’UNION, à condition que les citoyens européens en soient conscients, reconnaissants et responsables, donc qu’ils puissent par exemple chaque année revivre ensemble leur mise au monde nouveau qu’est l’UNION EUROPEENNE en renouvelant, par une démarche solennelle autant que personnelle, leur pacte avec la paix. D’ailleurs, cette année ne les invite-t-elle pas à venir exercer leurs droits et devoirs de citoyens européens, bref à expérimenter leur chance et leur appartenance, par les élections européennes prévues également au mois de mai prochain ?

  • Le 22 février 2009 à 13:02, par Philippe En réponse à : Pour un 9 mai férié dans toute l’Europe

    Avez-vous pensé à la signification du 9 mai pour les Pays baltes ? Il faut prendre en compte toutes les situations européennes ...

  • Le 22 février 2009 à 17:08, par Fabien Cazenave En réponse à : Pour un 9 mai férié dans toute l’Europe

    Il est sûr que du côté des Pays de l’Est, c’est la victoire du Communisme. Cependant, si on le transforme en outil pour dire sa fierté européenne... voilà le type de « victoire » historique qui ne devrait pas déplaire aux habitants des pays Baltes. La victoire du bleu européen sur le rouge communiste ?

  • Le 23 février 2009 à 07:41, par Philippe En réponse à : Pour un 9 mai férié dans toute l’Europe

    Je ne sais pas si c’est une bonne idée de présenter cette initiative sans tenir compte de leur sensibilité et de leur affirmer dans un second temps qu’ils peuvent remplacer l’un par l’autre. Cette préoccupation devrait être présente dès le début, dans un esprit européen. Par ailleurs, difficile de l’oublier, le 9 mai, les Russes organisent des parades géantes pour fêter leur victoire sur l’Allemagne nazie, ce qu’ils ont raison de faire dans la mesure où leur participation a été indispensable à la chute de l’hégémonie nazie sur le continent. Donc : 9 mai = fête de l’Europe = 8 mai russe et fête de la victoire contre les nazis = commémoration balte du début d’une nouvelle occupation. Comment résoudre l’équation ?

  • Le 23 février 2009 à 18:57, par Flency En réponse à : Pour un 9 mai férié dans toute l’Europe

    Mais bien sûr, arrêtons de commémorer les massacres de part et d’autre du Rhin, consacrons le 11 novembre à tous nos morts de toutes les guerres. Il faut des symboles pour rendre l’Europe lisible, visible, audible. 1 jour férié pour l’Europe la rendra tout de suite plus sympathique. Pourquoi ne pas lancer une vaste pétition sur internet demandant le 9/5 au lieu du 8. Bien sûr il y a les Russes... mais on ne trouvera aucune autre date aussi symbolique pour l’Europe. Alors allons-y !

  • Le 8 mai 2009 à 19:57, par natte En réponse à : Pour un 9 mai férié dans toute l’Europe

    et 27 million russe(sovietiques,comme on dit avec du mepris)massacrees pendant cette guere ? On reecrit l’histoire ?

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