Une UE dotée de ressources propres : un double problème pour les Etats eurosceptiques
Laisser l’UE se procurer son budget serait comme laisser voler son enfant de ses propres ailes. Si dans le cas humain les parents sont souvent fiers que cela se produise, dans le cas européen cela revient pour les Etats à perdre le contrôle du budget européen, budget qui est un de leur moyen de pression favoris sur l’action de l’Union européenne.
Ainsi, le premier problème que cette initiative va rencontrer c’est donc la volonté pour les Etats de maintenir leur contrôle sur l’Union européenne. Un contrôle qui démontre par ailleurs qu’ils ont une vision non démocratique du fonctionnement de l’Union puisqu’elle est selon eux « la chose » de ses Etats membres tandis que pour nombre d’europhiles elle n’est autre qu’un ensemble d’institutions devant représenter et protéger les citoyens européens et qui par conséquent doit voir son budget décidé par les représentants des européens élus au parlement : les députés européens. Ainsi, plus qu’une simple opposition entre moyens de financer le budget européen ce sont deux conceptions de l’Europe qui s’oppose. Va-t-elle continuer à être sous le contrôle des Etats (vision inter-gouvernementaliste) ou va-t-elle enfin être sous le contrôle des européens (vision fédéraliste).
En allant plus loin, on identifie un deuxième problème qu’une union européenne dotée de ressources propres poserait aux Etats, eurosceptiques ou non par ailleurs, et ce problème est une question de souveraineté. A partir du moment ou on dit : « L’Union européenne peut se procurer ses ressources budgétaires » on dit en réalité que l’union européenne va devoir « lever l’impôt » dans ses Etats membres, violant ainsi leurs souverainetés fiscales respectives. On sait aujourd’hui très bien qu’une telle chose est impossible, elle serait non seulement refusée par les Etats, mais en plus ceux-ci refuseraient de baisser leurs impôts nationaux, ce qui reviendrait alors à ajouter un impôt européen sur un impôt national, mesure impopulaire au possible. Ainsi, si l’Europe veut acquérir ses propres ressources budgétaires ce n’est pas par le biais d’un impôt direct qu’elle doit le faire.
Une taxe douanière reversé au budget de l’Union ?
Beaucoup de pistes ont été avancées concernant la constitution d’un moyen permettant d’assurer à l’Union européenne des ressources budgétaires indépendantes du bon vouloir des Etats. Certaines comme les taxes directes sont en ce moment clairement impossible, d’autres comme un pourcentage de TVA existent déjà et on voit mal comment on pourrait les augmenter tant les Etats ne veulent pas baisser leurs recettes provenant de la TVA ni augmenter cette dernière taxe. Aujourd’hui 0.3% de la TVA est reversée à l’Union européenne ce qui représente presque 20 milliards d’euros par an. Le passage de ce transfert de 0.3% à 1% permettrait donc d’augmenter le budget européen de 40 milliards d’euros par an. Ce qui résoudrait bon nombre de problèmes budgétaires. Il existe néanmoins un lueur à l’horizon puisque la commission se fixe pour objectif de fixer sa nouvelle ressource TVA à 1% à compté du 1er janvier 2018 au plus tard.
Un moyen simple serait par ailleurs d’augmenter les droits de douanes aux frontières de l’Union européenne, ceux-ci étant reversés au budget de l’Union européenne, cette mesure permettrait d’augmenter les ressources dont dispose l’Union européenne. Si cette mesure peut être taxée de protectionniste, ce qui en soit n’est pas une insulte, elle permettra surtout deux choses : D’une elle permet à l’Union européenne d’augmenter ses ressources budgétaires sans impacter directement sur le pouvoir d’achat. De deux, elle permettrait de combattre la concurrence des pays à bas cout de main d’œuvre, même si on est certain qu’elle ne supprimera pas une telle concurrence. Alors certes, cette mesure comporte des inconvénients, notamment le risque que soient augmentés les prix des produits importés pour répercuter la hausse de droit de douane mais du moment que cette hausse est modérée, elle sera certainement supportable.
La taxe sur les transactions financières déjà mise en place par 11 Etats de la zone Euro serait un autre moyen permettant de doter l’Union européenne de ressources propres. Une telle taxe, à un taux extrêmement marginal (inférieur au pourcent) permet de dégager d’immenses fonds tant elle taxe des milliards de transactions chaque année. Le problème c’est qu’une telle taxe ne sera pas appliquée par tous les Etats européens et au premier chef le Royaume-Uni. Tant que tous les Etats européens ne l’auront pas accepté, il sera impossible de la reverser au budget de l’Union européenne. La encore, la commission européenne se donne jusqu’en 2018 pour instaurer une taxation européenne sur les transactions financières.
On le voit, plusieurs pistes existent pour doter l’Union européenne de ressources budgétaires propres. Certaines sont plus ou moins réalisables et plus ou moins populaires. Le problème n’est donc pas par quel moyen l’Union européenne peut acquérir des ressources budgétaires propres mais surtout est-ce que les Etats voudront que l’Union européenne fasse une telle chose. La commission semble avoir des projets ambitieux pour les futurs budgets européens, cependant l’Europe pourra-t-elle attendre jusqu’en 2018 que ces réformes soient mises en place ?
1. Le 7 mars 2013 à 10:09, par Stephanell En réponse à : Pour une Union européenne dotée de ressources propres
Une autre piste trop souvent oubliée est celle la vente des quotas d’émission de CO2 (environ 30 milliards par an), qui sont de fait un quasi-impôt européen.
Ces quotas ou droits d’émission ont été mis en place par l’UE, des dizaines de milliers d’industriels doivent les acquérir à prix coûtant. Les quotas sont désormais vendus collectivement par 24 Etats européens et la Commission, et non plus Etat par Etat... mais les recettes des ventes de quotas continuent de retourner aux budgets nationaux. Sans raison particulière.
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