Des élections anticipées qui s’accumulent
En 2016, c’est le scandale mondial des Panama Papers qui provoque la démission du Premier ministre Sigmundur Davíð Gunlaugsson, éclaboussé lui-même (ainsi que son ministre des finances et des affaires économiques Bjarni Benediktsson) par des révélations de montages financiers illégaux, entrainant la chute de son gouvernement. Notons tout de même, que c’est le seul chef d’État ou de gouvernement touché par le scandale à démissionner, parmi six alors en fonction (Arabie Saoudite, Argentine, Émirats arabes unis, Pakistan et Ukraine). Le scrutin voit la victoire de la droite traditionnelle et de l’opposition de gauche radicale. En 2017, nouvelle affaire. Celui qui avait remporté le dernier scrutin et réussit à former une coalition majoritaire, Bjarni Benediktsson (oui, oui, c’est bien lui mentionné plus haut) est rattrapé par un scandale impliquant son père. Celui-ci, un riche homme d’affaires, aurait envoyé une lettre de recommandation pour gracier un homme accusé en 2004 dans un scandale de pédocriminalité, selon une ancienne loi rarement utilisée, mais jamais dans des cas aussi extrêmes. Les partenaires de coalition du Premier ministre n’ont guère apprécié ce geste et ont fait dissidence, entraînant de nouvelles élections anticipées. Le Parti de l’indépendance (D pour Sjálfstœðisflokkurin) du Premier ministre sortant accuse –un peu– le coup en perdant 3,8% des voix par rapport à 2016 à tout juste 25%, ainsi que 5 sièges pour arriver à 16, sur les 63 que compte l’assemblée. Une nouvelle fois, la gauche grappille des voix : les écolos du Mouvement des Verts et de Gauche se stabilisent autour des 17% et ajoutent un strapontin sur les 10 dont ils disposaient, quand les sociaux-démocrates de l’Alliance doublent leur score en recueillant 12,1% des voix pour obtenir 7 sièges. Quand d’autres petites formations socialistes, pirates, agrariennes obtiennent entre 4 et 8 sièges, les deux autres partenaires de coalition, le Parti de la Réforme et Avenir radieux perdent leur représentation. Tout ceci avec un taux de participation (81,2%, en hausse de 2 points), à faire pâlir les autres démocraties du monde. Les négociations se sont avérées difficiles avec une chambre aussi émiettée. La leader des Verts Katrín Jakobsdóttir, est chargée par le Président de mener les consultations. Une union de la gauche s’étant révélée impossible, c’est vers la droite libérale-conservatrice qu’elle se tourne ensuite pour former une coalition contre-nature. L’alliance des Verts socialistes avec les libéraux du Parti du progrès, dont est issu l’ancien premier ministre « panaméem » Gunlaugsson, et les conservateurs du Parti de l’indépendance de l’ancien premier ministre « quasi-panaméen » Benediktsson a fait trembler quelques convictions, voire quelques murs. Une alliance rendue possible par la politique de compromis, traditionnelle au Nord.
Des élections enfin « normales »
Si tant est que des élections peuvent être normales dans un contexte de crise sanitaire mondiale, ce scrutin législatif en Islande l’est sous une forme puisque, contrairement à ses deux prédécesseurs, il n’est pas organisé de manière anticipée, à la suite d’un scandale, par exemple. Dans un pays avec près de 80% de taux de vaccination et des chiffres de mortalité faibles –même s’ils ne le sont jamais assez–, les questions sanitaires ne forment pas l’épicentre de la campagne. L’adhésion à l’Union européenne reste tapie dans l’ombre de chaque débat politique islandais, malgré la renonciation officielle en 2013. Et quand on parle d’UE en Islande, la pêche n’est jamais loin. Le Brexit pourrait rouvrir les querelles entre les deux îles à ce sujet, rappelant le souvenir pas si lointain de la « Guerre de la Morue » ! Rappelons tout de même que Londres a signé avec Reykjavik, Oslo et Vaduz, un traité de libre-échange qui ouvre la voie à des négociations sur ce sujet. En revanche, touchés de plein fouet par le dérèglement climatique, les citoyens islandais plébiscitent les questions environnementales dans les débats publics, alors même que l’Islande fait figure de très bonne élève en la matière.
À l’issue du vote, le Parti de l’indépendance, qui truste quasiment toutes les premières places aux scrutins depuis les années 1930, maintient son leadership et ses 16 sièges avec 24,38% des voix, et ce, au détriment de son partenaire de coalition de la Première ministre. Les écolos perdent ainsi 4,3% en réunissant à peine 12% des électeurs, ils perdent 3 strapontins sur les 11 qu’ils détenaient. Le Parti du progrès réalise la meilleure remontée (+6,6%) et totalise 13 députés. La coalition droite-gauche au pouvoir sort donc légèrement renforcée de ce scrutin, mais rien ne dit qu’elle perdurera, avec le score décevant des Gauche-écolos. Les sociaux-démocrates passent sous la barre des 10% et recueillent 6 sièges, rattrapés par la droite radicale du Parti du peuple avec un score en hausse de 2 points. Le Parti pirate se maintient et garde ses 6 sièges quand les libéraux du Parti de la réforme progressent. Le Parti du centre de l’ancien Premier ministre chassé du pouvoir par les Panama Papers voit son score divisé par 2 mais réussit à préserver 3 députés. Difficile de prévoir la future coalition gouvernementale dans un Parlement aussi morcelé.
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