Présidence polonaise : Donald Tusk divise le Parlement

, par Quentin Fady

Présidence polonaise : Donald Tusk divise le Parlement
Donald Tusk présente son programme devant les députés européens © European Union 2025 - Source : EP

Après Viktor Orbán, c’est au tour de Donald Tusk, Premier ministre de la Pologne, de présenter devant le Parlement européen le programme de la présidence du Conseil de l’UE, assuré par son pays. En face, les eurodéputés ont présenté une image clivée de l’hémicycle.

Mercredi 22 janvier, à Strasbourg, l’ambiance est différente des autres jours au Parlement européen. Des fourgons de police sont rassemblés autour du bâtiment, la file de visiteurs au contrôle de sécurité s’allonge et la tribune des journalistes de l’hémicycle est remplie. Jetons un œil au programme de la semaine pour comprendre. Deux débats prioritaires aujourd’hui, l’un qui apporte les conclusions du Conseil européen du 19 décembre 2024 avec Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et la présentation du programme d’activités de la présidence polonaise avec le Premier ministre, Donald Tusk, sur laquelle nous revenons.

Un nouveau trio à la présidence du Conseil de l’UE

Après le trio Belgique-Espagne-Hongrie, c’est au tour de la Pologne, du Danemark et de Chypre de reprendre la main sur la présidence du Conseil de l’Union européenne. Le rôle de ceux qui président est à la fois politique et administratif. Pour l’aspect administratif, elle est notamment responsable de l’organisation du Conseil durant son mandat. L’aspect politique consiste en un rôle de médiation et de négociation. Cela comprend en particulier le fait d’établir l’agenda du Conseil, ce qui donne une influence relativement importante à la présidence sur le calendrier de travail des institutions européennes. La présidence a aussi pour rôle de représenter le Conseil au sein de l’UE, et l’UE lors de rencontres informelles à l’international, aux Nations unies par exemple.

Le débat s’est ouvert avec le discours du premier ministre polonais. M. Tusk qui a commencé par affirmer que l’Europe est puissante et qu’elle n’a rien à craindre des autres puissances : “L’Europe a tout pour être une puissance égale aux plus grandes : elle détient une part similaire du PIB mondial à celle des États-Unis. Face aux menaces, notamment celles venant de la Russie, nous devons cesser d’agir avec complexes.”. Le Premier ministre a ensuite poursuivi en détaillant son programme, qui porte principalement sur la “sécurité”. Une sécurité en sept points : la sécurité extérieure pour parler de l’augmentation de “l’économie de guerre”, la sécurité intérieure pour aborder l’immigration illégale, la sécurité de l’information par rapport à la lutte contre la désinformation, la sécurité énergétique pour protéger les prix de l’énergie où il a aussi évoqué la sécurité économique, la sécurité alimentaire pour la protection de l’agriculture, et la sécurité sanitaire enfin par rapport à la gestion des risques pandémiques. Un programme liste de course qui a par la suite laissé la tribune aux eurodéputés.

Donald Tusk, une figure qui divise

La séance était nettement plus calme que lors de la présentation du programme de la présidence hongroise où Viktor Orbán s’était fait attaquer de toutes parts (hormis par l’extrême droite de l’hémicycle). Malgré cela, et malgré le fait que Tusk gouverne à Varsovie avec une coalition allant de la droite libérale aux sociaux-démocrates, les eurodéputés opposés au Premier ministre polonais n’ont pas manqués.

Tout d’abord l’extrême droite, les trois partis, PfE, ENS, CRE étaient critiques par rapport au chef d’Etat polonais.

Anna BRYŁKA des Patriotes pour l’Europe (PfE), eurodéputée polonaise, a ouvert la danse en attaquant son Premier ministre, qu’elle qualifia d’”hypocrite” et “d’imposteur” : “C’est vous qui avez condamné vos propres compatriotes aux prix de l’énergie les plus élevés du monde.”, “Vous vous présentez comme un opposant au pacte sur les migrations et l’asile. Mais qui a effrayé son propre peuple avec des sanctions pour s’opposer au système de relocalisation ? C’était vous.”

Patryk JAKI, polonais lui aussi, issu des rang des Conservateurs et Réformiste (CRE), a pris le relais de sa compatriote. Selon lui, la Pologne a du potentiel, mais son seul et unique problème est Donald Tusk, des critiques qui ont disparu de la transcription finale de la séance, comme le démontre leur absence sur le site du Parlement (mais l’enregistrement vidéo n’a pas été coupé). Comme sa collègue des CRE, M. JAKI l’a attaqué minutieusement, avec une voix qui a résonnée dans toute la salle : “Il parle d’indépendance par rapport à la Russie, mais la semaine dernière, il a acheté du gaz russe”, “Il parle de défense des frontières contre l’immigration, mais il passe un pacte migratoire et construit 49 centres d’accueil pour les migrants.”

De l’autre côté de l’hémicycle, dans les rangs de la gauche radicale de la GUE/NGL, le ton était le même, mais les raisons d’accabler le Premier ministre polonais différaient. Manon Aubry, la présidente du groupe, l’a attaqué sur le droit à l’avortement, en le regardant droit dans les yeux : "Vous n’avez qu’un seul mot à la bouche : la sécurité [...] Et la sécurité des femmes qui risquent leur vie pour décider du droit le plus simple et inaliénable, à savoir disposer de leur propre corps ?”, et sur l’immigration : “Le pire dans tout ça, c’est que vous reliez ce mot, bien évidemment, au fantasme d’invasion migratoire. Pas étonnant, quand on sait que vous voulez suspendre le droit d’asile.”

Irene Montero, également eurodéputée GUE/NGL, allait dans le même sens : ”pour qui est la sécurité dont vous parlez ? Est-ce la sécurité pour les femmes ? Non [...] Est-ce la sécurité pour les personnes migrantes ? Non [...] Est-ce la sécurité pour les personnes LGBTI ? Non plus. [...] Est-ce la sécurité pour les travailleuses et les travailleurs ? Non : [...]”.

Du côté des soutiens, le PPE, parti dont Tusk était le président : Manfred Weber. Il encensa son prédécesseur : “Vous avez mis fin au gouvernement PIS. Vous avez ramené l’État de droit en Pologne. Vous avez débloqué 137 milliards d’euros de fonds européens pour le peuple polonais, et vous avez ramené la Pologne aux tables de décision dans le monde et en Europe.”. Valérie Hayer, présidente de Renew, n’était pas plus avare en termes d’éloge quant à son action contre l’extrême droite : “vous êtes mobilisés pour restaurer l’État de droit, qui a été détricoté pendant des années par vos prédécesseurs”.

Le programme de la présidence

Contrairement à la séance de présentation du programme de la présidence hongroise, la discussion ne s’est pas limitée à la critique ou à la défense du chef de gouvernement invité. Les eurodéputés soutiens de Donald Tusk ne se sont pas contentés de le complimenter. Manfred Weber allait dans le même sens que celui qu’il soutient : “ L’Europe doit se réveiller. La sécurité d’abord quand il s’agit de commerce, quand il s’agit de développer de nouvelles technologies, quand il s’agit de la politique migratoire. Nous protégerons nos démocraties.” Valérie Hayer se positionne en tant que défenseuse du pacte vert, angle mort de la présidence polonaise : « Nous n’aurons pas d’avenir si nous mettons à bas le pacte vert. Le pacte vert, c’est la clé de notre indépendance énergétique.”

D’autres eurodéputés ont listé les défis futurs sans prendre position quant à la figure de Donald Tusk. Joanna SCHEURING-WIELGUS, du groupe des Socialistes et Démocrates (S&D, centre gauche), a mis en avant le sujet de l’égalité femmes/hommes : “Vous avez dit que nous avons 450 millions d’habitants en Europe. La moitié d’entre eux sont des femmes. C’est un sujet crucial pour nous.”

Michał KOBOSKO de Renew a repris le thème de la sécurité : “L’Europe doit se préparer au pire scénario possible, en s’équipant des meilleurs armements, en mettant en place les meilleurs plans de défense civile et en assurant la sécurité des infrastructures critiques” et a abordé celui de l’économie : “Nous avons besoin d’une nouvelle politique industrielle, sans rejeter catégoriquement le Pacte vert, en défendant les intérêts économiques de l’Europe”.

Pour conclure le débat, Donald Tusk est revenu au pupitre devant un hémicycle bien plus rempli qu’au départ (une séance de vote avait lieu ensuite, ce qui nécessite la présence de tous les eurodéputés). Après avoir remercié les politiques de leur intervention et avoir attaqué l’extrême-droite, il est revenu sur un point qu’il n’avait pas évoqué, l’élargissement : “ce désir de nombreux pays et nations de devenir membres de notre communauté, montre à quel point l’Europe est importante, attractive et forte. “ Le Donald européen a ensuite laissé les eurodéputés à leurs tâches suivantes, et a quitté l’hémicycle sous les applaudissements du centre, de la droite et de certains députés de gauche… des applaudissements à l’image de sa coalition à Varsovie.

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