Le 1ᵉʳ programme de travail de la Commission Von der Leyen II lance les grands chantiers du mandat 2024-2029
La publication du programme de travail de la Commission européenne est un rendez-vous attendu chaque année de la bulle européenne. Il dévoile dans les grandes lignes l’action de l’exécutif européen mais révèle aussi quelque chose de bien plus précieux : le calendrier législatif de la présentation des nouveaux textes européens pour l’année 2025. C’est ce qu’on appelle les « annexes », nom trompeur tant elles sont les documents les plus importants d’un programme de travail de la Commission. Ces annexes rappellent aussi les textes législatifs toujours en cours de négociation (au nombre de 123 actuellement !) et ceux que la Commission européenne retire du processus législatif en l’absence d’accord prévisible sur ces textes depuis plusieurs années ou bien de leur obsolescence.
Le programme de travail 2025 est d’autant plus important qu’il est le premier depuis les élections européennes de juin dernier. C’est dans ce programme-ci que la Commission énonce ses grandes stratégies qui seront ensuite déclinées en textes législatifs spécifiques jusqu’en 2029. Pour rappel, lors de la mandature précédente, c’est dans le programme de travail 2020, qu’Ursula Von der Leyen avait lancé le grand chantier du Pacte verte européen qui s’était ensuite décliné en différentes réglementations telles que l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs à partir de 2035 ou la loi sur la restauration de la nature.
2025 sera l’année de la simplification en Europe
C’est un mot qui est sur les lèvres de tous les commissaires européens : « simplification ». La Commission européenne s’appuie sur le constat dressé par le rapport Draghi selon lequel « l’accumulation des règles au fil du temps, à différents niveaux » et ainsi que « leur complexité accrue et les difficultés de mise en œuvre » entravent la compétitivité européenne et expliquent le déclin industriel en Europe. C’est pourquoi la simplification de la réglementation européenne est dressée par la Commission en solution phare pour y remédier. L’occasion de découvrir un nouveau mot du vocabulaire de la bulle européenne : les législations « omnibus » de simplification. Il faut comprendre ici, des textes législatifs visant à simplifier et améliorer plusieurs autres législations européennes déjà existantes. Objectif visé par la Commission, réduire, dès fin 2025, de 25 % les obligations de déclaration (’reporting’) des entreprises. Cet objectif monte à 35 % pour les petites et moyennes entreprises (PME).
Dans le viseur des législations à assouplir : les directives CSRD (reporting de la soutenabilité environnementale et sociale des entreprises) et CSDDD (ou CS3D) sur le devoir de vigilance des entreprises ainsi que les règlements sur la taxonomie européenne et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (« CBAM » en anglais).
À titre d’exemple, pour le cas de la directive CSRD, la Commission prévoit de limiter le champ d’application de la directive aux très grandes entreprises (plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires net de 450 millions d’euros) contrairement à l’objectif actuel du texte de cibler toute entreprise de plus de 250 employés. En présentant le premier « omnibus », le commissaire européen chargé de la simplification, Valdis Dombrovskis, a confirmé que 80 % des entreprises initialement concernées par la directive seront sorties du champ d’application. Pour le CBAM, la Commission projette de retirer 90 % des entreprises du champ d’application en se défendant de cibler toujours les 10 % d’entreprises qui génèrent 99 % des émissions de carbone importées. Au total, la Commission prévoit 11 textes de simplification sur ses 51 nouvelles initiatives « phares » qu’elle compte présenter en 2025, dont trois législations dites « omnibus ». Si ces changements sont adoptés tels quels, tant par le Parlement européen que le Conseil de l’UE, la Commission européenne prévoit que les efforts de simplifications devraient permettre des économies totales sur les coûts administratifs annuels d’environ 6,3 milliards d’euros.
Toutefois, les projets de simplification de l’exécutif européen risquent de lancer une sacrée bataille entre les forces de droite et de gauche au Parlement européen. Le Parti populaire européen (PPE) soutient Ursula Von der Leyen et obtient l’appui des groupes politiques européens d’extrême droite. Les sociaux-démocrates européens (S&D), les Verts/ALE et le groupe de La Gauche européenne sont vent debout. La présidente du groupe S&D, Iratxe Garcìa a écrit une lettre à Ursula Von der Leyen pour lui signifier que l’inclusion de la directive sur le devoir de vigilance dans l’initiative « omnibus » est une ligne rouge du soutien de son groupe à la présidente de l’exécutif européen.
L’UE divulgue ses grandes ambitions pour la défense, l’industrie, l’IA ou encore la protection de la démocratie
La Commission européenne a prévu de présenter, en 2025, pas moins de 51 nouveaux textes européens « majeurs » législatifs (directives ou règlements) ou non législatifs (stratégie, feuille de route ou livre blanc qui ne font pas acte de loi). Ils seront présentés au compte-goutte tout au long de l’année par les différents commissaires et entreront ensuite, pour les textes législatifs, dans la machine de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE.
Parmi les plus notables, le paquet « Industrie propre », dévoilé en grande pompe le 26 février, doit donner à l’Europe les clés pour devenir une championne de l’industrie zéro émission nette. Cette stratégie contient en son sein plusieurs textes législatifs qui doivent permettre de mobiliser plus d’investissements et de faire baisser les coûts de l’énergie en Europe, pour se rapprocher des prix de l’énergie bien plus bas aux États-Unis ou en Chine. Le commissaire français au Marché intérieur Stéphane Séjourné a promis que l’UE mobilisera plus de 100 milliards d’euros à court terme pour des usines neutres en carbone, alliant ainsi le regain de compétitivité avec l’héritage du Pacte vert européen. Un sacré pactole, qui reste néanmoins assez loin des 500 milliards jugés nécessaires par le rapport Draghi.
Côté Europe de la défense, le programme de travail confirme un « Livre blanc sur l’avenir de la défense européenne » pour le 19 mars 2025. Ce livre blanc devrait définir une nouvelle approche de la défense européenne et identifier les besoins d’investissement, notamment en vue de l’ouverture des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2028-2034. Le commissaire européen à la défense et à l’espace Andrius Kubilius devrait aussi proposer des pistes concrètes pour la création d’un « marché commun de la défense ».
Le numérique ne sera pas en reste, avec plusieurs textes particulièrement attendus : un plan d’action « continent de l’IA » formalisant l’annonce d’Ursula Von der Leyen au Sommet de l’intelligence artificielle de Paris de créer des « usines d’IA ». La Commission prévoit également une stratégie sur le quantique qui annonce une réglementation européenne pour soutenir l’investissement dans l’infrastructure paneuropéenne de calcul, de communication et de détection quantiques ou encore une stratégie sur l’union des données numériques.
Sur le volet de la protection de l’État de droit, la Commission européenne est attendue au tournant après la multiplication des ingérences étrangères dans les processus électoraux aux portes de l’Europe (Géorgie, Moldavie) et à l’intérieur même de ses frontières (Roumanie, Allemagne). Pour répondre à ces défis, le document de travail annonce un « Bouclier démocratique européen » pour le troisième trimestre de 2025. Sans que l’on en sache davantage sur son contenu, le Parlement européen a créé une commission spéciale dédiée à ce « bouclier démocratique » qui devrait alimenter le contenu de ce futur texte.
Il y aurait tant d’autres textes à mentionner, le Pacte pour les océans qui sera présenté peu de temps avant la Conférence des Nations Unies sur l’Océan qui se tient en juin à Nice, le Pacte pour la Méditerranée qui sera dévoilé en septembre, mais prenons de la hauteur avec le projet de Loi spatiale européenne prévu d’ici l’été. Piloté par Andrius Kubilius, il portera l’ambition de créer un « marché unique de l’espace » afin de garantir des chaînes d’approvisionnement plus fiables et moins dépendantes des pays étrangers, contribuant ainsi à une plus grande autonomie et compétitivité du secteur spatial européen.
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