Que s’est-il passé à Strasbourg du 2 au 4 juillet pendant la session plénière inaugurale ?

, par Louise Guillot

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Que s'est-il passé à Strasbourg du 2 au 4 juillet pendant la session plénière inaugurale ?
Crédits : © Union Européenne 2019, Photo : Marc Dossmann / Source : Parlement européen Plénière du Parlement européen lors de l’élection du Président, 3 juillet 2019 à Strasbourg.

L’équipe du Taurillon présente à Strasbourg revient sur ces trois jours de plénière en collaboration avec les journalistes d’Euradio. On vous dit tout des évènements qui ont marqué cette première session.

Passage de flambeau

Certains partent, d’autres arrivent. Entre ceux qui raccrochent le maillot et les nouveaux qui débarquent, la plénière s’est ouverte sur un chassé-croisé entre les députés européens. Heureusement que les “anciens” sont là pour prodiguer quelques conseils à la relève et les aider à se retrouver dans ce labyrinthe qu’est le Parlement européen, au sens propre comme au figuré…

José Bové se souvient, de ces couloirs, de ses rencontres, mais aussi de ses combats et les victoires contre les lobbys. Ce député qui a siégé dans le groupe des Verts insiste sur la vie démocratique du Parlement européen : “On doit construire des compromis en permanence pour pouvoir avancer, c’est une vraie pratique de la démocratie dont on a pas l’habitude dans les hémicycles français”.

“L’Europe ce n’est pas un moment, c’est un processus” pour José Bové et de poursuivre “l’Europe ça fait 60 ans et on avance toujours”.

Son conseil aux nouveaux : soyez vous-même. Ne rien lâcher, croire en ses convictions et en ses combats, voilà le message que José Bové adresse aux quelques 453 députés qui entament leur premier mandat au Parlement européen.

Pour Franck Proust (LR, PPE), le mandat de député européen est “un mandat qui permet de faire de la politique autrement”. Cet ancien président de la délégation française de Les Républicains insiste sur le fait que le sens de l’intérêt général est beaucoup plus développé au Parlement européen, notamment grâce à la hauteur de vue que les députés sont invités à adopter pour résoudre les problématiques communes aux Européens.

Franck Proust confesse qu’il a tout de même beaucoup de regrets : “Vous savez quand on arrête ce type de mandat et que vous ne l’avez pas choisi, vous avez deux attitudes : l’amertume ou le fait de dire qu’on a vécu cette expérience intense”. Pour sa part, il préfèrera la seconde philosophie au moment où il doit quitter son siège de député européen, mais il n’abandonne pas totalement son combat européen : “Sans l’Europe j’ai la certitude qu’on ne peut pas réussir face aux autres grands blocs et donc je continuerai à défendre cette Europe”.

S’il devait donner un conseil à celles et ceux qui font leurs premiers pas dans l’hémicycle européen, ce serait le travail : “Si vous voulez réussir ici, il n’y a pas d’autre façon que de travailler, travailler, travailler” et d’ajouter “c’est par le travail qu’on peut acquérir ici une certaine légitimité”.

Un nouveau président du Parlement européen

Enjeu principal de cette session inaugurale, l’élection du président du Parlement européen. Quatre groupes politiques avaient choisi de présenter un ou une candidate pour le poste. Les Verts / Alliance Libre Européenne avaient désigné l’Allemande Ska Keller, la Gauche Unitaire Européenne l’Espagnole Sira Rego, l’Italien David-Maria Sassoli était le candidat des Socialistes et Démocrates et pour les Conservateurs et Réformistes Européens c’était le tchèque et Spitzenkandidat Jan Zahradil qui était en course. Ni le Parti populaire européen, ni le groupe des libéraux Renew Europe n’ont proposé de noms. Il faut dire qu’ils sont tous les deux bien représentés dans le “paquet” de nominations présenté par le Conseil européen. Ce paquet donnerait la présidence de la Commission européenne à la ministre allemande Ursula Von der Leyen (PPE) et la présidence de la Banque Centrale Européenne à la Française Christine Lagarde (également PPE), la présidence du Conseil européen reviendrait au libéral et ex-Premier Ministre belge Charles Michel.

Ce n’est pas passé loin au premier tour pour le candidat social-démocrate puisqu’il totalisait 325 voix sur les 332 nécessaires pour avoir la majorité absolue et ainsi accéder au perchoir de l’hémicycle européen. Il aura donc fallu un deuxième tour et des reports de voix à la fois des Verts et de gauche pour garantir l’élection de David-Maria Sassoli.

Ces deux tours de scrutins sont intéressants puisqu’ils permettent de dresser un premier état des lieux des forces politiques au Parlement européen. Le groupe des Verts / ALE se distingue car il parvient à rassembler largement au-delà de son camp et il faudra compter sur eux pour pouvoir créer une majorité stable pendant les cinq ans à venir. Certains auront également remarqué la cohésion de la GUE derrière sa candidate. Plus troublant, l’abstention à droite au premier tour, et un groupe des sociaux-démocrates divisés entre son candidat et le vote pour Ska Keller.

Cependant, le président social-démocrate ne fait évidemment pas l’unanimité au sein des parlementaires et Gilles Lebreton (RN, ID) se dit très déçu du premier discours du nouveau président : “son discours m’a déçu car il s’est montré assez agressif contre les minorités du Parlement, il a traité les nationalistes de dégénérés, il a parlé de virus nationaliste, donc ce sont des propos assez étonnants dans une démocratie”.

Des décisions du Conseil européen très critiquées

Raphaël Glucksmann (Place Publique, S&D) parle de “jeux opaques et vaticanesques” en faisant référence à l’interminable réunion du Conseil européen qui s’est déroulée du 29 juin au 2 juillet pour proposer une liste de personnalités pour briguer les postes à responsabilité de l’Union européenne. Il appelle à ce que le Parlement s’affirme face aux chefs d’Etat et de gouvernement et à veiller à veiller à garder une position de principe : “on ne soutient pas une Commission qui ne respecte pas les principaux engagements que nous avons porté pendant la campagne”.

Pour Younous Omarjee (GUE/NGL, LFI) “c’est le marchandage politique des postes qui a commencé alors que les peuples attendent qu’on se mette au travail”. Le député européen de la Gauche unitaire européen déclare au micro d’Euradio que cela donne une “image tout à fait détestable pour l’Europe”. Selon lui, ces négociations ont révélé les divisions toujours plus profondes qui existent au sein du Conseil européen et qui sont révélatrices d’une difficulté grandissante à faire émerger un intérêt général européen.

Le cordon sanitaire contre l’extrême droite se met en place au Parlement européen

Aucun des trois candidats à la Vice-présidence présentés par le groupe Identité et Démocratie (ID) rassemblant une partie des députés nationalistes au Parlement européen n’a finalement été élu. Il semblerait donc qu’un cordon sanitaire se mette en place dans l’hémicycle européen pour contenir l’influence de ces forces politiques opposées à la philosophie du projet européen.

Pour Raphaël Glucksmann (Place Publique, S&D) c’est tout à fait normal et même une bonne chose de barrer la route à ces députés : “Il n’y a aucune raison démocratique de confier les rênes de commissions parlementaires à des gens qui sont hostiles à l’idée même de ces commissions” rétorque-t-il.

“Pour les socialistes nous sommes des subalternes, une filiale”

Le Belge Philippe Lamberts (Ecolo, Verts / ALE), qui entame son troisième mandat, se livre à une leçon de science politique en analysant les négociations autour des postes clés des institutions européennes et l’élection du président du Parlement européen :

Le Parlement européen en chiffres

Pour finir ce bilan de la session inaugurale de la mandature 2019-2024, revenons sur la composition du nouveau Parlement en chiffres.

Cette nouvelle mandature est marquée par un très fort renouvellement de l’hémicycle avec 453 députés qui sont élus pour la première fois, soit un taux de renouvellement à 60%. Parmi les 751 parlementaires qui siègent, 301 sont des femmes et 450 des hommes. Le Parlement européen n’est donc toujours pas paritaire, mais s’en rapproche.

D’après Politico, le nombre de parlementaires eurosceptiques s’élèverait à 234, un record. Mais ce n’est pas le seul record battu cette année puisque la danoise Kira Marie Peter-Hansen est la plus jeune eurodéputée jamais élus au Parlement européen à seulement 21 ans. Elle siège au sein du groupe des Verts / ALE.

Enfin, il nous faut terminer en rappelant que 73 sièges sont aujourd’hui occupés par des représentants britanniques, dont 29 par des élus du Brexit Party de Nigel Farage. Mais une partie de ces fauteuils sera libérée lorsque le Royaume-Uni quittera l’Union européenne. Le Brexit devrait normalement avoir lieu le 31 octobre 2019, s’il n’est pas une nouvelle fois repoussé d’ici là.

Par Louise Guillot, Simon Marty et Eugène Sandoz.

Retrouvez l’actualité européenne sur le site d’Euradio : http://euradio.fr/

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