Le rapport Reda à l’assaut des privilèges intellectuels
Le rapport Reda est une proposition de réforme bienvenue. Il a été rédigé par une eurodéputée appartenant au parti pirate. Cette formation politique bien connue des milieux libertaires est spécialisée dans la défense des droits et libertés numériques tout en prônant une limitation voire une disparition pure et simple de ce concept que l’on nomme curieusement « propriété intellectuelle ». Derrière cette notion se cache en effet la volonté de tromper, d’agresser et de voler la population puisque la propriété intellectuelle est un instrument qui entend réserver l’exclusivité d’une idée ou d’une production culturelle et artistique à des privilégiés qui se voient dotés de la possibilité de poursuivre en justice celles et ceux qui prendraient la liberté de s’en affranchir. Ce rapport se veut cependant pragmatique pour éviter de bouleverser un marché dopé aux monopoles depuis des siècles. Il entend ménager une société civile qui ne serait pas prête à des changements aussi radicaux.
Quelles sont ses propositions concrètes ?
Sans abolir les privilèges intellectuels, il tente d’ouvrir quelques brèches pour établir une forme de « fair-use » à l’européenne. Il s’agit de faciliter la diffusion, le partage et la création d’oeuvres artistiques et culturelles de différentes manières. Parmi celles-ci nous pouvons notamment mentionner la volonté de rendre obligatoire la liste des exceptions - c’est-à-dire les oeuvres qui échappent plus ou moins aux monopoles intellectuels - et de ne plus laisser la libéralisation des dites oeuvres à la discrétion des États. Le rapport détaille aussi la nécessité de renforcer la protection du domaine public et d’introduire de nouvelles exceptions pour déroger aux privilèges en vigueur afin de faciliter la reproduction, le « remix » ainsi que d’autres techniques de création à partir d’oeuvres existantes. Il s’agit en somme de libéraliser partiellement le marché des arts et de la culture, ce qui ne plaît pas à tout le monde. Ainsi l’application des mesures prônées par ces rapports permettrait par exemple de légaliser la plupart des partages et productions de fichiers comportant des extraits d’oeuvre (film, musique ou photo) quand nous sommes aujourd’hui des millions à partager du contenu illégal.
La contre-attaque des États-membres
Fleur Pellerin, la ministre de la culture française, avait épinglé Julia Reda lors d’un discours prononcé le 18 novembre 2014 devant le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (une instance consultative rattachée au ministère et qui est composée des principaux lobbies du secteur) en précisant que sa nomination n’était pas « le meilleur moyen de favoriser une réflexion sereine ». Presque deux mois plus tard, le Secrétariat général des Affaires européennes transmet une note à tous les eurodéputés français (Front national compris) pour inviter ces derniers à se conformer à la ligne prônée par les lobbies, c’est-à-dire en faisant couler ce rapport. En bons gardiens des intérêts des oligarchies nationales, les eurodéputés Virginie Rozière, Constance le Grip et Jean-Marie Cavada (celui-ci siégeant pourtant aux côtés de libéraux autoproclamés) se sont fait les adversaires les plus tenaces d’un marché libre des arts et de la culture pour aider les élites du secteur artistique à piller la population avec la bénédiction de la puissance publique. C’est tout l’enjeu de la soi-disant propriété intellectuelle.
La soi-disant « propriété intellectuelle » en question
Au-delà du simple enjeu des droits d’auteur se trouve la question de la soi-disant « propriété intellectuelle ». Celle question est de taille. La propriété intellectuelle est en effet ce privilège inventé par les oligarchies pour agresser celles et ceux qui ont l’audace d’utiliser des idées et oeuvres existantes à des fins diverses et variées. Pour ce faire, cette escroquerie prétend revêtir les caractéristiques de la propriété privée classique alors que l’analogie est impertinente. Les biens meubles et immobiliers voient en effet leur usage être rival et exclusif. Si vous prenez mon téléphone portable, je ne peux plus l’utiliser. Il est donc normal qu’une telle appropriation, lorsqu’elle se fait contre mon gré, soit qualifiée de vol. En revanche, si vous prenez une de mes idées, elle ne disparaît pas de mon esprit. Les idées se multiplient à l’infini et ne sauraient par conséquent être "appropriées" par quelques individus surtout quand on sait que celles-ci ne se suffisent jamais à elles-mêmes et qu’elles s’inscrivent toujours dans un processus cumulatif en s’inspirant des productions intellectuelles de celles et ceux qui nous ont précédés.
Les institutions européennes doivent soutenir le rapport Reda et constituer le levier pour libérer le marché des idées
Les artistes et industriels s’inspirent et se copient mutuellement tout en procédant de manière hypocrite à des actions en justice alors même que leurs échanges donnent naturellement lieu à la naissance de courants artistiques, de pensée et à des innovations qui ne pourraient pas exister légalement si l’on appliquait la « logique » de la propriété intellectuelle de manière cohérente. Dans ces conditions, quiconque interdit qui que ce soit de penser, de créer, de partager et d’inventer librement n’est qu’un imposteur qui cherche à concentrer les industries culturelles entre les mains d’une oligarchie économique.
Bruxelles a ici l’opportunité de faire cesser une des plus grandes injustices sociales et économiques institutionnalisées depuis des siècles pour restaurer la liberté individuelle et l’égalité sur les marchés des idées, des innovations, des arts et de la culture. Il ne tient qu’aux institutions européennes d’accomplir ce pour quoi elles ont été créées : neutraliser les barrières instituées par des États par essence au service d’intérêts catégoriels pour conforter la portée continentale de la liberté individuelle et de l’égalité juridique. Bien évidemment, ces institutions seraient encore plus cohérentes dans le cas où elles se décideraient également à abolir ce monstre bureaucratique qu’est l’Office européen des brevets pour les raisons susmentionnées.
1. Le 20 mars 2015 à 13:10, par Lame En réponse à : Rapport Reda : Vers l’abolition de la soi-disant propriété intellectuelle en Europe ?
Cette formation politique bien connue des milieux libertaires est spécialisée dans la défense des droits et libertés numériques tout en prônant une limitation voire une disparition pure et simple de ce concept que l’on nomme curieusement « propriété intellectuelle ». Mais derrière cette notion se cache la volonté de tromper, d’agresser et de voler la population puisque la propriété intellectuelle est un instrument qui entend réserver l’exclusivité d’une idée ou d’une production culturelle et artistique à des privilégiés qui se voient dotés de la possibilité de poursuivre en justice celles et ceux qui prendraient la liberté de s’en affranchir.
Si un menuisier produit des tables, si un boulanger produit des pains, qui trouverait normal que n’importe qui puisse rentrer dans leurs réserves et prendre des articles pour les ramener chez lui sans payer ?
Quand un artiste produit une oeuvre, il est normal que Monsieur tout le monde ne puisse pas se l’approprier sans payer juste parce qu’elle a été estampillée "idée" ou "propriété intellectuelle".
Ne nous faisons pas d’image d’Epinal : Abolir la propriété intellectuelle équivaut à interdire le travail intellectuel à but lucratif . Quelles seraient alors les conséquences sur la production intellectuelle et sur l’économie ? Les citoyens vivraient-ils vraiment mieux ?
C’est là qu’il faut se rappeler que le Parti pirate est tombé à un député aux dernières élections. Sa vision des droits d’auteur concorde-t-elle avec les souhaits de la majorité des électeurs ? Ou bien avec le désir d’une minorité de faire légaliser leurs délits ?
Je suis sûr que la protection de la propriété intellectuel ennuie beaucoup les lobbyistes du "citoyen" Google.
2. Le 20 mars 2015 à 17:43, par Ferghane Azihari En réponse à : Rapport Reda : Vers l’abolition de la soi-disant propriété intellectuelle en Europe ?
Lame, sachez que Google profite énormément des brevets et de la propriété intellectuelle. Je ne suis pas certain que cet acteur a le plus intérêt à l’abolition de cette escroquerie.
Votre sophisme est fréquent. Comme vous n’arrivez pas à considérer que des individus libres puissent innover, alors il nous faut mettre en place des privilèges pour concentrer les industries afin de favoriser l’innovation. Tout cela n’est que tromperie. Notre culture est suffisamment riche pour prospérer en dehors de cet artifice miteux qu’est la propriété intellectuelle que vous vous acharnez à comparer fallacieusement avec la propriété classique à travers votre exemple spécieux sur les boulangers alors même que j’ai bien précisé que les idées par essence métaphysiques ne sauraient être traitées de la même manière que des biens meubles.
En l’absence de privilèges, les productions intellectuelles auraient toujours lieu mais se feraient différemment. Les artistes trouveraient d’autres moyens de vivre de leur art et de leur production. Quelqu’un comme le PSY a renoncé à poursuivre celles et ceux qui détournaient sa chanson tout simplement parce que cela allait dans son intérêt qu’elle soit « piraté » pour développer une véritable industrie marketing et publicitaire autour de sa personne. Preuve que les droits d’auteur ne sont pas l’alpha et l’oméga de la rémunération des productions culturelles.
Dans un marché libre, il y aurait des milliers d’autres manières d’envisager de rémunérer les artistes (publicité, donations, concerts etc.).
Osez me dire qu’avant que ce concept apparaisse, nous, Européens, n’avions point de culture.
3. Le 6 septembre 2015 à 07:17, par Sissa En réponse à : Rapport Reda : Vers l’abolition de la soi-disant propriété intellectuelle en Europe ?
Si on est contre la propriété intellectuelle, il faut l’être jusqu’au bout. Il faut alors admettre, que le nom ou le logo d’une marque ne lui appartiennent pas et autoriser ainsi les contrefaçons. De la même façon, si on pense que supprimer la propriété intellectuelle n’empêchera pas les créateurs d’être rémunérés, on doit aussi l’appliquer dans le domaine technique, et ainsi supprimer les brevets, et affirmer que cela ne nuira pas au financement des bureaux d’études.
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