Créer un marché de la défense européenne
En annonçant le plan Readiness Europe 2030 en mars 2025, la Commission européenne a souhaité mettre en cohérence ses ambitions avec les moyens disponibles. L’article 122 du TFUE a été activé pour accélérer les procédures législatives. Les 150 milliards prévus dans le plan représentent la nécessité, pour les pays européens, de s’endetter afin de soutenir et refonder une base industrielle et technologique de défense européenne (BITD-E). Les besoins sont immenses, mais des disparités importantes entre les États membres demeurent.
Le plan SAFE est un nouvel instrument financier de l’UE, destiné à soutenir les pays membres dans la production industrielle de défense. L’objectif est de stimuler la production à travers des achats conjoints et de renforcer la défense des États membres, et de l’UE en général, en comblant les lacunes capacitaires. La défense anti-aérienne, les munitions, les systèmes de drones et la guerre électronique sont considérés comme des priorités.
Pour bénéficier des fonds du plan SAFE, plusieurs critères doivent être respectés. 65 % de la valeur du système d’armes acquis doit être réalisé dans un État membre de l’UE. Certains pays tiers peuvent être associés, à condition de participer à hauteur de 65 % via un partenariat de sécurité et de défense avec l’UE, suivi d’un accord bilatéral. C’est le cas de la Norvège, de la Moldavie, de la Corée du Sud, du Japon, de l’Albanie, de la Macédoine du Nord et du Royaume-Uni. L’objectif est de créer un véritable marché européen de la défense. Les États participant au plan bénéficient de taux préférentiels pour commander des équipements. Par ailleurs, une partie de ces commandes pourra être envoyée directement à l’Ukraine.
L’ouverture du plan SAFE à des pays tiers suscite l’inquiétude de plusieurs États membres. Par exemple, la Grèce et Chypre s’opposent à la participation de la Turquie et de ses entreprises. Le mécanisme prévoit que, dans tout programme de défense, les entreprises de l’UE, à l’exception de l’Ukraine et de la Norvège, devront représenter au moins 65 % de la valeur du projet. Les entreprises de Turquie ou d’autres pays tiers ne pourront pas dépasser 35 % et n’auront pas d’accès direct aux fonds de l’UE.
Un outil réglementé
Depuis l’approbation par le Conseil le 27 mai, les États membres disposent de deux mois pour élaborer les projets pour lesquels ils souhaitent obtenir des fonds. Un projet doit impliquer au minimum deux pays participants. Une fois les projets déposés, la Commission dispose de quatre mois pour les analyser et rendre sa décision. Si celle-ci est positive, un premier versement, représentant jusqu’à 15 % du coût total estimé, sera effectué. Les participants devront ensuite tenir la Commission informée de l’avancée de leurs projets.
L’originalité du plan SAFE repose sur la capacité de l’UE à accorder des prêts à taux préférentiels. La Commission européenne bénéficie d’une note AAA auprès de plusieurs agences de notation, soit la meilleure note, reflétant une excellente santé financière. À titre de comparaison, selon Standard and Poor’s, la France est notée AA-, la Grèce BB-, l’Italie BBB, et la Lettonie BB+. Seuls cinq États membres sont notés AAA : l’Allemagne, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède.
Ainsi, pour certains membres de l’UE, il est moins coûteux d’emprunter via la Commission, qui lève des fonds sur les marchés, que de le faire directement. De plus, ces prêts sont garantis par le budget de l’UE. Par conséquent, les États membres n’auront pas à débourser de fonds supplémentaires si les coûts de remboursement augmentent. Enfin, les achats d’équipements dans ce cadre sont exonérés de TVA.
Les 150 milliards € de prêts de l’UE marquent une étape importante de l’implication de l’UE dans la défense des pays membres. L’incitation à créer un marché de la défense européen est forte tout en mettant à distance les entreprises américaines.
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