Un plan de réarmement historique pour l’Europe
Le 4 mars 2025, Ursula von der Leyen a présenté « ReArm Europe », un programme destiné à renforcer la défense européenne face aux menaces croissantes, notamment liées à l’agression russe en Ukraine. Ce projet prévoit une enveloppe de près de 800 milliards d’euros à mobiliser d’ici 2030 pour moderniser les capacités militaires des États membres. Parmi les priorités de ce plan figurent des investissements massifs dans des secteurs stratégiques tels que la défense anti-aérienne, les drones de combat et les systèmes de défense basés sur l’intelligence artificielle.
Cependant, ce plan a suscité des réactions contrastées, notamment de la part des dirigeants italiens et espagnols, qui estiment qu’il ne prend pas suffisamment en compte des enjeux cruciaux comme la cybersécurité et la protection des infrastructures.
Des critiques et un ajustement du nom du projet
Initialement nommé « ReArm Europe », le programme a été rebaptisé « Readiness 2030 » après des critiques concernant le ton belliqueux de son intitulé. Les Premiers ministres italien et espagnol, Giorgia Meloni et Pedro Sánchez, ont exprimé leurs préoccupations. Meloni préférait un programme plus large intégrant la sécurité des infrastructures énergétiques et des chaînes d’approvisionnement.. Sánchez, quant à lui, a appelé à une approche plus intégrée qui couvre des domaines comme la cybersécurité et l’intelligence artificielle. Ursula von der Leyen a accueilli ces critiques favorablement, soulignant que « Readiness 2030 » reflétait mieux l’ambition de renforcer la sécurité européenne dans son ensemble.
Le financement du plan : une solution risquée ?
Dans ce contexte, l’Union européenne s’engage à consacrer 3% de son PIB dans la défense, une augmentation substantielle par rapport aux dépenses actuelles. Cela implique pour les États membres un effort collectif et coordonné, avec des prêts et des investissements communs dans des secteurs ciblés.
Cependant, cette initiative intervient dans un contexte économique déjà fragile. En effet, l’UE se trouve dans une situation financière délicate. De nombreux pays membres, notamment la France, l’Italie et la Belgique, ont des dettes publiques qui frôlent ou dépassent les 110 % du PIB. Cette situation d’endettement élevé exerce une pression significative sur les finances publiques, compliquant la mise en œuvre de « Readiness 2030 »
La Commission européenne a proposé plusieurs mesures pour éviter un impact trop important sur la stabilité économique de l’Union. Parmi elles, l’assouplissement des règles du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) pour permettre aux États membres de dépasser les limites budgétaires habituelles en matière de dépenses de défense sans craindre de sanctions. Cela pourrait générer jusqu’à 650 milliards d’euros sur les quatre prochaines années.
Un autre volet majeur du financement est la création d’un nouvel instrument de prêt de 150 milliards d’euros, appelé « SAFE », destiné à aider les États membres à acheter des équipements militaires européens. Ce mécanisme vise à renforcer l’interopérabilité entre les forces armées européennes, tout en soutenant l’industrie de défense européenne.
Enfin, la Commission européenne propose de réorienter des fonds existants, notamment via des programmes de politique de cohésion, pour soutenir les investissements dans le secteur de la défense.
Dans cette optique, la Banque centrale européenne (BCE) pourrait jouer un rôle crucial en rachetant des obligations souveraines pour éviter une envolée des taux d’intérêt. Une telle manœuvre permettrait de financer le plan de réarmement sans compromettre la stabilité financière, mais elle n’est pas sans risque. Si la BCE intervient massivement, elle pourrait perdre de sa crédibilité et entraîner une hausse de l’inflation, mettant à mal son indépendance.
La solidarité, mais à quel prix ?
Si l’Allemagne et les Pays-Bas soutiennent en grande partie ce projet, d’autres États membres, plus lourdement endettés, craignent que la solidarité européenne ne pèse trop sur leurs finances. La France, par exemple, plaide pour que l’achat d’équipements militaires se fasse exclusivement au sein de l’UE, excluant ainsi les fournisseurs américains et britanniques. Cependant, cette position soulève des préoccupations quant à la faisabilité de cette approche dans une industrie de défense mondialisée.
Le plan « Readiness 2030 » représente une réponse ambitieuse aux défis géopolitiques actuels, mais son financement soulève des questions cruciales. L’UE doit trouver un équilibre entre sécurité et stabilité économique, avec une coopération renforcée entre États membres. La solidarité européenne sera clé, mais des compromis seront nécessaires pour éviter de compromettre la stabilité financière et l’intégrité économique du continent.
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