La liberté de la presse est un pilier essentiel des sociétés démocratiques. La Grèce, pays habité par les plus grands penseurs du 5ème siècle avant JC, a été le lieu de naissance de la démocratie et par conséquent de la liberté d’expression et de la presse. Les Grecs anciens savaient que pour qu’une société démocratique fonctionne correctement, elle devait garantir à ses citoyens le droit d’exprimer librement leurs opinions. Ainsi, la notion de « ισηγορία » (isigoria), c’est-à-dire l’égalité dans le droit à la parole sans crainte de censure, est née.
Depuis lors, et jusqu’à aujourd’hui, la liberté de la presse reste l’un des droits fondamentaux les plus importants. Selon le secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres, "la presse libre est essentielle au maintien de la paix, de la justice et des droits de l’homme, et aucune démocratie n’est complète sans accès à des informations transparentes et crédibles".
Le 3 mai est la Journée mondiale de la liberté de la presse et commémore chaque année l’importance de la protéger, telles qu’elle est consacrée par l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Malheureusement, Cette année est marquée par une situation précaire des journalistes dans le monde, car en raison de la détention provisoire répandue et des mauvais traitements qu’ils subissent, ils exercent leur fonction dans un climat de peur, de menaces et d’insécurité, qui viole la liberté de presse et menace de ruiner la démocratie elle-même.
Même sur le territoire grec, qui était l’exemple de la démocratie jadis, la liberté de la presse a subi de nombreuses atteintes ces dernières décennies.
Selon le classement annuel de Reporters Sans Frontières de 2020, la Grèce se situe à la 65ème place, ce qui montre que la liberté de presse est particulièrement menacée. Historiquement, les médias grecs appartenaient à quelques grands hommes d’affaires et armateurs, ce qui a conduit au fil des années au développement d’une crise de confiance très profonde entre les médias et le public, à la suite de nombreuses années d’enchevêtrement avec le pouvoir politique et la coïncidence de grands intérêts économiques.
Politiques d’austérité et répercussions sur la liberté de la presse
La liberté des médias et la liberté d’information ont diminué en Grèce depuis la crise financière de 2008, qui a été le point de départ de changements décisifs dans le domaine des médias en Grèce. À la suite de politiques d’austérité prolongées, la plupart des sociétés de médias ont menacé de s’effondrer, ce qui a entraîné une vague de licenciements dans une profession qui souffrait déjà de mauvaises conditions de rémunération.
Un exemple typique de la crise économique a été la fermeture en juin 2013 d’ERT, le seul diffuseur public. Selon le parti politique au pouvoir de l’époque, cette décision a été prise sous la pression de la Troïka pour réduire les dépenses. Certainement, la fermeture des chaînes de télévision d’ERT avait montré un mépris à l’égard de la liberté d’information, consacré à l’article 14 de la constitution grecque et a provoqué un tollé, ce qui a provoqué sa réouverture en juin 2015.
Parallèlement à la crise financière, la Grèce a connu une montée de la gauche et de l’extrémisme (montée du parti néonazi ‘’Aube dorée’’), qui ont eu des conséquences désastreuses pour la liberté de la presse. Malheureusement, ces dernières années, les journalistes couvrant les manifestations deviennent quotidiennement la cible constante de menaces et de violences de la part des manifestants et des groupes anarchistes, ainsi que des forces de police souvent avec une brutalité exceptionnelle. Un exemple typique de telles attaques a été l’attaque en décembre 2018 contre les locaux de Skai TV, station de radio et de télévision privée basée à Athènes qui a été considérée comme une attaque terroriste. En conséquence, la situation en matière de la sécurité des journalistes s’est détériorée et il va sans dire que de tels incidents de violence arbitraire et abusive menacent gravement le journalisme et portent atteinte à la liberté d’expression et à la presse.
« La Grèce réduit le nombre de licences nationales de radiodiffusion télévisuelle »
Un autre fait récent important dans l’histoire des médias en Grèce a été le fameux concours de licences de télévision. En 2016, le gouvernement grec a lancé une vente aux enchères pour l’octroi de licences de radiodiffusion nationales à quatre des huit diffuseurs de télévision privés en activité à cette époque. Quelques mois après la fin de cette enchère, la procédure a été jugé inconstitutionnel par le Conseil d’État grec, principalement parce qu’il s’opposait à la disposition constitutionnelle selon laquelle l’attribution des licences de télévision relève de la compétence exclusive du Conseil national de radio et de télévision (ESR) et non du gouvernement.
À la suite de cette décision, la loi, ainsi que la vente aux enchères qui en découle ont été annulées et toutes les chaînes de télévision ont continué de fonctionner normalement. En 2018, une nouvelle vente aux enchères a été lancée par l’autorité compétente qui a abouti à l’attribution de six licences nationales de télévision à six des huit propriétaires de stations de télévision privées. Cela a entraîné la fermeture de deux opérateurs de télévision existants qui n’ont pas obtenu de licence de télévision, y compris certains des plus grands opérateurs de télévision en Grèce, tels que MEGA Channel, une des plus anciennes stations de télévision privée du pays.
La chose la plus importante de cette vente aux enchères est la logique derrière elle. Le gouvernement a affirmé que ce processus rétablirait l’ordre dans un secteur endetté et discrédité en raison de ses liens politiques, en réprimant la corruption et les intérêts acquis et en permettant une meilleure réglementation du paysage télévisuel. D’autre part, ce processus a suscité des critiques de la part des radiodiffuseurs, de l’opposition et de la société civile qui ont affirmé qu’en réduisant le nombre de chaînes de télévision, le gouvernement tentait de porter atteinte au pluralisme des médias.
La Commission européenne, ainsi que les syndicats de journalistes du monde entier se sont déclarés gravement préoccupés par cette nouvelle situation mettant en danger le journalisme médiatique et empêchant la libre circulation des idées et l’indépendance des radiodiffuseurs.
Il faut également évoquer la crise migratoire qui a réapparu ces derniers mois s aux frontières extérieures de l’UE. Dans les îles grecques de Lesbos, Chios et Samos qui ont accueilli le plus grand nombre de réfugiés, de migrants et de demandeurs d’asile, les journalistes couvrant l’actualité sont souvent attaqués et agressés car ils sont considérés comme facilitant l’arrivée de nouveaux migrants en Grèce. La situation sur le terrain dégénère de jour en jour et un exemple illustratif est l’attaque contre un journaliste allemand couvrant une manifestation contre la présence de migrants en Grèce en janvier 2020. Cette flambée de violence met en péril la sécurité des journalistes et représente de graves menaces et restrictions à la liberté de la presse.
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