Redémarrer l’Europe par l’environnement

, par Laurent Nicolas

Redémarrer l'Europe par l'environnement

Pour faire avancer l’Europe politique et sortir d’une Commission européenne gestionnaire, il faut redéfinir les priorités du projet européen : que voulons nous faire ensemble ? La première réponse des Européens fut de faire, ensemble, la paix par l’élévation du niveau de vie et le marché commun. Aujourd’hui, quelle peut être cette nouvelle paix ?

On dit souvent que l’Europe est en panne, en crise, qu’elle est dans l’impasse. C’est faux : les fonctionnaires européens travaillent, les députés européens votent des lois, les financements alimentent des programmes, des projets, des réformes, qui relayent une volonté politique et font le quotidien de l’action commune dans les 27 Etats membres. Pourtant le sentiment que l’Europe n’avance plus est tenace et se traduit dans l’éloignement croissant que les citoyens ressentent vis à vis des institutions européennes et, plus encore, du projet européen. Désintérêt des médias, abstention aux élections européennes, rejet des traités : l’Europe ne fait plus sens dans l’opinion publique européenne. Dans quelle direction va-t-elle ? Quelles sont les valeurs qui nous rassemblent ? Quels projets sommes-nous prêts à porter ? Ces questions n’ont aujourd’hui plus de réponses claires alors qu’elles se posent avec une vigueur que la crise économique, devenue sociale, exacerbe.

L’Europe n’est pas en crise, elle est en gestion

Depuis l’introduction de l’euro, les grandes réalisations de l’Europe se font attendre. Comme un Etat sans gouvernement, l’Europe est en gestion, mais elle ne propose plus d’avenir. A qui la faute ? Aux égoïsmes nationaux, certainement. Se battre pour supporter le moindre coût de la vie commune est devenu une compétence requise des ministres et chefs de gouvernements européens. Mais il en a toujours été ainsi. De Charles de Gaulle à Tony Blair, l’Europe n’a cessé d’être tiraillée entre les engagements que nos dirigeants prennent à domicile et doivent ensuite défendre à Bruxelles.

La faute au renoncement politique de la Commission européenne ? Cela n’a bien entendu rien arrangé. Lentement devenue le secrétariat des Etats que l’on dénonce aujourd’hui, il n’y a qu’en matière économique où la Commission a persisté à faire du zèle libéral, au mépris des aspirations des citoyens. Creuset de la réflexion sur le projet européen et force de proposition pendant les premières décennies de la construction communautaire, la Commission n’est plus aujourd’hui la force de dialogue et de proposition qu’elle était. Sa position affaiblie vis à vis des chefs d’Etats et de gouvernements nuit à sa capacité à propulser l’Europe vers son avenir en faisant sauter les verrous de la souveraineté nationale.

Qu’est-il arrivé au consensus fondateur de la construction européenne, entre démocrates-chrétiens et sociaux-démocrates, pour qui l’intégration européenne était l’avenir du continent ? Par avenir, il fallait entendre « paix », et donc, en priorité, « économie ». Faire des institutions, un parlement élu, cela attendrait que les Européens aient de quoi manger, et les entreprises de quoi commercer et faire des bénéfices.

La paix verte

Cette paix aujourd’hui acquise à l’intérieur des frontières de l’Union, n’est plus un argument fédérateur qui justifie à lui seul l’aventure européenne. « Nous vivons en paix grâce à l’Europe, alors votez aux européennes ! », ça ne parle plus aux électeurs et encore moins aux 18-25 ans, cette génération qui n’a pas connu la guerre froide, et qui s’est abstenue massivement en juin dernier. L’argument devient totalement inaudible –on est pourtant déjà bien bas– pour des jeunes de cet âge qui n’ont pas eu l’opportunité de faire des études, et qui ne connaissent ni ne s’intéressent à l’Europe, au fédéralisme, et à la réélection de Barroso. Ces gens là existent pourtant, ils sont nombreux, et leur voix dans les urnes compte heureusement autant que la notre.

Quelle peut être la nouvelle paix ? Qu’est-ce qui peut rassembler les européens autour de valeurs communes et justifier un approfondissement sérieux de la construction européenne, un renforcement de la solidarité entre les Etats membres et peut-être même susciter un engouement pour l’avenir de notre continent ? L’avenir de la planète ! et le rôle que les Européens peuvent jouer dans la protection l’environnement : voilà une cause qui rassemble les Européens, au delà de l’effet de mode Cohn-Bendit.

Mais l’environnement n’est pas le seul enjeu de cette envergure. Au contraire, assurer la paix à nos frontières, en disposant d’une Europe de la défense et d’une politique étrangère forte, est l’un des sujets qui peut mobiliser : les gens savent, sans connaître les détails, que la Russie toute proche, ou la Chine, pourraient un jour constituer une menace.

La paix, toujours la paix ! Parce qu’elle est précieuse chez nous et toujours incertaine à nos frontières, il faut un renouvellement de la manière de formuler et de valoriser ce qu’a fait l’Europe pour la paix du continent depuis 60 ans. Et le meilleur moyen de faire ça, c’est de développer des politiques toujours plus intégrées et ambitieuses en matière de défense et de politique étrangère, afin de les mettre au service des valeurs qui sont les nôtres : la démocratie, l’Etat de droit, le développement durable, l’économie sociale de marché… Parlons de ce qu’on veut faire pour la paix, afin de ne pas tuer le souvenir de ce que nous avons fait en son nom.

Illustration : Visuel de campagne d’Oxfam contre les changements climatiques

Source : Flickr

Article publié la première fois en septembre 2009

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  • Le 1er janvier 2012 à 23:26, par HERBINET En réponse à : Redémarrer l’Europe par l’environnement

    Cette strophe de Corinne Lepage, nous la brandissons : « Il est indispensable de passer d’un idéal de prospérité partagée, dont nous n’avons cessé de nous éloigner, à un idéal de bien vivre ensemble. » Et si nous imaginions un nouveau lien entre l’écologie et l’économie ?

    Comprendre le monde, arracher l’Europe de l’énergie à son réveil, percevoir les signaux du désastre écologique, résoudre les problèmes - économiques, monétaires et financiers - militaires, sociaux et éducatifs, rendre possible la soutenabilité, transgresser la pensée unique. Nul doute que tous ces défis, aussi immenses soient-ils à relever, la GENERATION de TRANSITION refusera l’effondrement et impulsera la renaissance, instaurera l’éthique dans les affaires et l’humanisme comme source de bonheur collectif et elle mettra en perspective l’efficacité économique des marchés avec les impératifs de soutenabilité. Sonnant la charge comme le tocsin, la génération de transition imagine désormais un scénario d’une Europe de l’énergie intégrée et coordonnée. N’ayant de cesse de rebattre les cartes de la politique européenne de l’énergie, des analyses fines de prospectives énergétiques laissent planer de lourdes incertitudes.

    Effectivement, les mesures déjà prises - réduction de la consommation, augmentation de la production, réorientation du mix-énergétique - n’auront à terme qu’une incidence faible sur le rétablissement climatique. La prospective « énergie - horizon 2050 » nous communique à mots ouverts que nos besoins mondiaux ne pourront pas être satisfaits. Effectivement les énergies renouvelables ne répondront qu’au tiers des besoins mondiaux tandis que deux milliards d’êtres humains supplémentaires vivront sur la Terre avec deux corollaires, une augmentation des tarifs énergétiques et une explosion des contraintes environnementales et humaines. Il est clair comme de l’eau de roche, que la réduction draconienne des émissions de CO2 est la condition sine qua non d’évitement de la très prévisible catastrophe climatique. In fine, le raisonnement de politique européenne de l’énergie nous conduit à une mise en perspective du choix du combustible en fonction de l’utilisation.

    Face à l’épuisement des ressources fossiles, face à la responsabilité historique des pays industrialisés concernant le dérèglement climatique, réactivons le processus de négociation au sujet de la limitation des Gaz à Effet de Serre, les points cardinaux étant les choix des options les plus efficaces et les plus équitables - reforestation et efficience énergétique - le plein respect des engagements financiers des occidentaux envers les populations du Sud tout en implantant des projets de production et d’infrastructure énergétique dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud. La société de transition exige un prompt changement de cap et de voilure.

    Par exemple, une production soutenable transforme les modes et les systèmes de production en s’inspirant de la nature - biomorphisme, biomimétisme, biotechnologie - l’énergie sera issue de l’air, du soleil et des déchets, les zones industrielles et les cités durables seront circonscrites à l’écosystème naturel. Par exemple, la décentralisation énergétique offre la possibilité de réseaux intelligents distribuant l’énergie électrique aux collectivités territoriales - en fonction de leurs besoins - sous la forme de l’internet électrique.

    Quelle est la définition de la politique au sens le plus noble du terme ? Administrer la cité. Quelle est la plus haute responsabilité de notre génération de transition ? Rendre possible la survie de nos écosystèmes. Si la responsabilité politique est noble, alors il est de notre responsabilité de choisir le scénario énergétique du futur pour une cité durable au sein d’un écosystème naturel.

    Pierre-Franck HERBINET

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