Relations UE-Israël : où en est-on ?

, par Thomas Alvarez

Relations UE-Israël : où en est-on ?
©Pixabay

Le mardi 20 mai 2025, sous l’impulsion de Kaja Kallas, haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, l’Union européenne a pris la décision de réexaminer son accord de commerce et de coopération avec Israël. Le tout dans un contexte où de plus en plus de gouvernements du Vieux Continent évoquent la reconnaissance d’un État palestinien.

L’Union européenne : un acteur engagé pour la paix au Proche-Orient

L’Union européenne (UE) fait partie des acteurs internationaux les plus engagés au Proche-Orient, à travers sa proximité à la fois avec Israël et avec les territoires palestiniens.

D’abord, les relations entre l’UE et Israël reposent sur une base légale : celle de l’accord de coopération signé en 1995 entre les deux entités. Cette association facilite les échanges commerciaux dans un cadre de libre-échange dans plusieurs secteurs, en particulier industriel et agricole. Les liens économiques entre les deux acteurs sont conséquents, l’UE étant le premier partenaire commercial de l’État hébreu. D’après le Trésor français, en 2022, 24 % des exportations israéliennes étaient destinées aux Vingt-Sept, tandis que 31 % des importations israéliennes provenaient de l’UE.

L’association entre ces deux acteurs internationaux a progressé au fil des années. Ainsi, Israël a été intégrée à la politique de voisinage de l’UE, qui vise à assurer de bonnes relations politiques et économiques avec les voisins géographiques du Vieux Continent. Par exemple, Israël intègre le programme éducatif communautaire Erasmus+. De plus, l’État hébreu participe à Horizon Europe, le programme communautaire pour l’innovation scientifique et la recherche, qui dispose d’un budget de plus de 95 milliards d’euros pour la période 2021-2027.

Dans le même temps, l’Union européenne reste le premier donateur d’aide au développement des territoires palestiniens. Dès les années 1970, l’UE établit des relations avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dans le cadre du dialogue euro-arabe initié par la France, visant à renforcer la coopération entre l’Europe et les États arabes. Ainsi, pour la période 2021-2024, un milliard d’euros sont prévus par l’UE à destination des territoires palestiniens, afin d’aider l’Autorité palestinienne à payer ses fonctionnaires et à financer des secteurs de développement comme l’éducation et la santé. Par ailleurs, de nombreux États membres versent des aides humanitaires à la Palestine à partir de leur budget national.

Face au conflit israélo-palestinien, l’UE a toujours cherché une position de neutralité, dans le but de se rapprocher d’une paix durable dans la région, qui passe par une solution à deux États. Depuis l’escalade des affrontements entre Israël et la Palestine, en particulier à la suite des massacres perpétrés dans la bande de Gaza, de nombreux chefs d’État et de gouvernement des États membres ont appelé à un cessez-le-feu durable et à une aide humanitaire pour les populations palestiniennes. Cet appel à la paix, qui s’inscrit dans la politique internationale de l’UE depuis plusieurs décennies, tend aujourd’hui à se transformer en un positionnement plus ferme à l’égard des actions israéliennes.

Vers un positionnement plus affirmé ?

Dans les faits, les relations diplomatiques entre l’Union européenne et Israël se sont dégradées à partir des années 2010. À titre d’illustration, le Conseil d’association UE-Israël, créé en 1995, ne s’est pas réuni entre 2012 et 2022. Par ailleurs, la réunion de 2022 a été permise par l’arrivée au pouvoir en Israël de Yaïr Lapid. Mais le retour de Benyamin Netanyahou, plus radical, a définitivement marqué un début de rupture entre le Vieux Continent et l’État hébreu.

Kaja Kallas, haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, a lancé un pavé dans la mare, en appelant la Commission européenne à réexaminer l’accord d’association entre l’UE et Israël. Cette demande de réévaluation s’appuie notamment sur le respect de l’article 2 du traité, qui énonce les dispositions en matière de respect des droits humains : « les relations entre les Parties, ainsi que toutes les dispositions de l’accord lui-même, sont fondées sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques, qui guident leur politique intérieure et internationale et constituent un élément essentiel du présent accord ». Dans les faits, si le non-respect des droits humains est établi, alors l’Union européenne pourrait rompre l’accord d’association, qui cesserait de s’appliquer six mois après l’annonce. Outre l’aspect politique et symbolique puissant, la rupture de l’accord priverait Israël d’un accès privilégié au marché européen et à de nombreux programmes de coopération, ce qui entraînerait des répercussions directes sur son économie et son influence internationale.

Dans le même temps, ces dernières années ont été marquées par une reconnaissance de l’État palestinien par de plus en plus de pays européens. En 2024, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont reconnu officiellement l’État de Palestine. Pour information, au sein de l’UE, seuls les pays suivants avaient déjà reconnu l’État de Palestine : la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie, Malte, la Roumanie, Chypre, la République tchèque (dès 1988) et la Suède (en 2014). Là encore, le retentissement politique et symbolique est fort. Le chercheur français Jean-Paul Chagnollaud évoque sur TF1 « un pas en avant très important aujourd’hui pour l’Europe, qui renforce la visibilité du peuple palestinien au cœur de l’espace géopolitique occidental ». De plus, la reconnaissance d’un État implique de renforcer les relations bilatérales, en établissant une ambassade ou un consulat. Il s’agit donc d’un message clair vers la nécessité d’une paix à deux États. Mais surtout, comme le rappelle Jean-Paul Chagnollaud, ces décisions appliquent une pression supplémentaire aux États européens qui n’ont pas encore franchi le pas, comme la France, l’Allemagne ou l’Italie.

L’Union européenne évolue progressivement, passant d’un positionnement neutre et équilibré à une reconnaissance affirmée de la nécessité d’une paix à deux États et une dénonciation claire des velléités violentes d’Israël. Mais pour cela, il est nécessaire que les principaux États membres se positionnent plus clairement sur la question. Comme l’analyse Jean-Paul Chagnollaud, avec le rayonnement international dont jouit la France, la reconnaissance d’un État palestinien accentuerait le poids européen sur la solution à deux États et la place du Vieux Continent dans les discussions pour résoudre le conflit au Proche-Orient. L’Europe dispose donc des cartes pour peser dans le concert international, en prenant toute sa place dans les échanges sur la résolution de la crise israélo-palestinienne.

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