Rentrée parlementaire : les principaux enjeux de la session plénière

, par Clément Faul

Rentrée parlementaire : les principaux enjeux de la session plénière
Les députés européens sont de retour dans l’hémicycle strasbourgeois pour la session plénière du mois de septembre. Photo : European Parliament - Flickr - CC BY-NC-ND 2.0

A huit mois des élections européennes, c’est l’heure de la rentrée parlementaire à Strasbourg. Du 10 au 13 septembre 2018, l’agenda de la session plénière du Parlement européen est particulièrement chargé.

Dès demain, l’institution reprendra son débat sur l’avenir de l’Europe initié au printemps, et ce sera cette fois-ci au tour du Premier ministre grec Alexis Tsipras de débattre avec les députés européens, qui adopteront ensuite de nouvelles mesures spécifiques pour la Grèce. S’en suivra un discours solennel de Michel Aoun, Président de la République libanaise, qui mettra en lumière les perspectives d’évolution de la relation Liban/UE. Mercredi, le président de l’exécutif européen Jean-Claude Juncker effectuera son dernier discours sur l’état de l’Union. L’heure de dresser un bilan des actions menées lors des douze derniers mois et d’exposer ses priorités pour les douze à venir.

L’avenir de la Grèce en Europe

Le 20 août 2018, la Grèce est officiellement sortie de son troisième - et dernier - plan de renflouement financier, d’un montant de 86 milliards d’euros. En contrepartie d’une politique d’austérité drastique, la Grèce a reçu au total 260 milliards d’euros d’aide financière de la Troïka (Commission européenne, BCE et FMI) depuis 2010. Néanmoins, la fin de la mise sous tutelle marque l’ouverture d’une nouvelle ère : la Grèce est maintenue sous « surveillance renforcée ».

Après huit années de crise, le pays se trouve dans une situation délicate. Les Grecs doutent de l’avenir du pays, malgré l’enthousiasme d’une partie de la classe dirigeante. De manière générale, les indicateurs économiques tendent vers une légère amélioration, et la croissance de 2% en 2017 est un signe positif d’une reprise de l’activité économique. Mais n’oublions pas que le PIB (Produit Intérieur Brut) grec s’est effondré de près de 25% durant la crise, et qu’il est aujourd’hui au même niveau qu’en 2003. Le chômage a culminé à 27% et pointe encore aujourd’hui à 20%. La pauvreté a atteint des sommets difficilement imaginables pour un pays européen et l’émigration massive des jeunes rend difficile une reprise économique à long terme.

C’est dans ce contexte difficile qu’Alexis Tsipras, Premier ministre grec, viendra à Strasbourg pour faire le bilan de ses trois années au pouvoir et détailler sa vision de l’Europe. Le 8 septembre à Thessalonique, le Premier ministre a présenté son programme post-plan d’aide : augmentation du salaire minimum, réduction de l’impôt foncier, soutien à l’innovation, etc. En somme, un programme électoral pour les législatives de l’automne 2019.

Face aux eurodéputés, Alexis Tsipras devrait livrer un bilan des années d’austérité et présenter ses mesures pour conforter la reprise économique en Grèce. Son discours sera suivi d’un débat avec les parlementaires. Dans la cadre de la « surveillance renforcée », de nouvelles mesures spécifiques pour la Grèce seront adoptées. Le rapporteur Pascal Arimont (Parti populaire européen) rappelle l’importance des réformes structurelles adéquates tout en saluant les efforts déployés par la Grèce. Il convient donc de se demander si ces nouvelles mesures seront uniquement d’ordre économique. L’ambitieux programme d’Alexis Tsipras sera-t-il compatible avec les attentes de la Commission et du Parlement ?

Le Liban, un partenaire privilégié au Moyen-Orient

Avec un système confessionnel unique et une stabilité remarquable, le Liban a une position singulière et stratégique au Moyen-Orient. C’est ainsi que le président libanais Michel Aoun, invité par le président du Parlement européen Antonio Tajani, s’exprimera mardi 11 septembre à midi devant les députés du Parlement européen. Son discours devrait s’articuler autour de la situation politique actuelle au Liban, des relations entre le Liban et l’Union européenne et des perspectives de renforcement de ces relations dans un contexte régional tendu.

Depuis les élections législatives libanaises du 6 mai 2018, qui se sont soldées par la courte victoire du Hezbollah chiite-radical et de ses alliés, la formation d’un gouvernement est rendue difficile par les succès de camps plutôt opposés. Le Premier ministre désigné Saad Hariri et le président de la République Michel Aoun ont manifesté une même volonté d’éviter les polémiques, mais les profondes divergences ne se sont pas estompées pour autant : à l’heure actuelle, aucun gouvernement n’a encore été formé.

Le résultat des élections libanaises – a fortiori l’absence de gouvernement - ont plusieurs conséquences pour l’Europe. Tout d’abord, le recul des forces modérées, incapables de réaliser leurs promesses socio-économiques, et qui sont normalement le partenaire naturel de l’Europe, pourrait rendre plus difficiles les relations Liban/UE. Ensuite, le sujet des réfugiés syriens – le Liban a accueilli un million de réfugiés - a joué un rôle prépondérant dans la mobilisation des électeurs, et cela devrait inquiéter l’Europe. L’instabilité du Liban résulte principalement des causes extérieures : la guerre en Syrie et l’immigration massive qui en découle, l’influence de l’Iran et de l’Arabie Saoudite.

L’accord UE-Liban, entré en vigueur en avril 2006, promeut les droits de l’Homme, le dialogue politique, la libre circulation des marchandises, ainsi que la coopération économique, sociale et culturelle. Les relations politiques, économiques et commerciales entre les deux acteurs sont fortes. Pour soutenir le Liban face aux instabilités que représentent les migrations, la guerre et le terrorisme, l’Union européenne doit avant tout encourager le renouveau socio-économique dans la région. Seul un développement économique durable peut permettre d’assurer la stabilité de la région.

Le Liban reste un partenaire de choix pour l’UE dans une zone géographique en proie à une grande instabilité, et Michel Aoun devrait insister sur la nécessité de renforcer le partenariat Liban/UE dans les années à venir. On peut donc se demander quelles mesures vont être prises pour renforcer la coopération entre les deux pays et ainsi assurer la stabilité du Liban.

Discours sur l’état de l’Union, acte IV

Pour son quatrième et dernier discours sur l’état de l’Union avant les élections européennes de mai 2019, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker se présentera mercredi 12 septembre devant le Parlement européen réuni en session plénière à Strasbourg.

A sept mois de la fin de cette législature, la Commission devrait proposer plusieurs grandes initiatives, notamment sur les thématiques suivantes : le climat, l’immigration et la montée du nationalisme. Des sujets tels que le renforcement du principe de subsidiarité (la distribution des compétences entre Bruxelles et les États membres) et les relations commerciales seront également discutés. Selon le quotidien espagnol El País, le discours sera accompagné de l’approbation de plusieurs projets législatifs, notamment celui sur la création d’un vrai service de garde-frontière et garde-côte européen, doté de pouvoirs jusqu’ici réservés aux autorités nationales.

Jean-Claude Juncker devrait également réaffirmer l’une de ses nouvelles priorités : la mise en place de l’Europe de la défense. Le prochain budget européen pourrait consacrer jusqu’à 30 milliards d’euros à la politique de Défense et Sécurité sur la période 2021-2027. Le Fonds européen de défense, qui pourrait être doté d’un budget atteignant 13 milliards d’euros, a pour objectif d’inciter les différents acteurs industriels à coopérer lors du développement de nouveaux drones, de logiciels de cybersécurité et autres équipements militaires. Le Fonds prendrait en charge une partie des coûts de développement dès qu’un programme industriel associe des acteurs d’au moins trois pays européens différents. Cette nouvelle initiative de la Commission permettra-t-elle d’avancer vers une Europe de la défense, en parallèle de la coopération structurée permanente (CSP) lancée en 2017 ?

Lors des réunions préparatoires avec l’ensemble des commissaires européens, la question du Brexit n’aurait pas été abordée. Prévue le 29 mars prochain, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sera inévitablement un moment clé. Les négociations se poursuivent, et devraient s’intensifier pour parvenir à un accord entre Londres et les Vingt-Sept. Reste donc à savoir si Jean-Claude Juncker abordera ce sujet dans son discours sur l’état de l’Union ou s’il préfèrera attendre la fin des consultations des dirigeants européens pour se positionner sur la question du Brexit.

La question hongroise

Les eurodéputés débattront également mardi après-midi de la situation en Hongrie. Dans sa résolution du 17 mai 2017 sur la situation en Hongrie, le Parlement a déclaré que la situation actuelle en Hongrie représentait un risque clair de violation grave des valeurs visées à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne et qu’elle justifiait le lancement de la procédure prévue à l’article 7 du Traité sur l’Union européenne. Cet article prévoit la suspension de « certains des droits découlant de l’application des traités à l’État membre en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil ». Le rapport de l’eurodéputée Judith Sargentini (Verts/ALE) énumère les préoccupations du Parlement, qui portent notamment sur l’indépendance de la justice, la liberté d’expression et le droit des minorités.

La participation du premier ministre hongrois a été confirmée par la conférence des Présidents. Viktor Orban, ré-élu en avril, interviendra donc en préambule du débat. Il devrait livrer un discours offensif et poursuivre son accusation d’abus de pouvoir de la part des instances européennes. Le vote, qui aura lieu mercredi après-midi, s’annonce extrêmement serré. Viktor Orban devrait bénéficier d’un large soutien au sein de son groupe politique, le Parti populaire européen (PPE), qui compte 219 élus à Strasbourg. Les modalités du vote - 2/3 des eurodéputés doivent être favorables au lancement de la procédure prévue à l’article 7 – rendent le résultat du vote incertain.

La Hongrie sera-t-elle le second pays, après la Pologne, à être sanctionné par les instances européennes pour violation grave de l’État de droit ?

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Enfin, de nombreux votes auront lieu au cours des quatre jours de session plénière, dont celui sur la directive droit d’auteur. Retrouvez toutes les informations sur le programme de la session plénière sur le site du Parlement européen, où vous pouvez également suivre en direct tous les débats, discours et votes de la semaine.

Vous pourrez également retrouver une analyse des discours, débats et votes les plus importants sur le site web du Taurillon.

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