Jeudi 22 juin, lors du traditionnel « Žofínské fórum », la conférence sur les priorités de la République Tchèque, le Président Miloš Zeman a soutenu l’idée d’un référendum pour la sortie de son pays de l’Union européenne. Il n’en était pas à son coup d’essai, puisqu’un an plus tôt, au lendemain du référendum britannique, il prônait déjà la tenue d’un référendum similaire en République Tchèque.
Pourtant, Miloš Zeman est plutôt favorable à l’Union européenne, et a même affirmé qu’il militerait et voterait pour le maintien du pays dans l’Union européenne. Mais il affirme soutenir la mise en place d’un référendum pour défendre la « liberté d’expression et la démocratie » du peuple tchèque.
Une population hostile à l’immigration
La suggestion du Président de la République n’est ni anodine, ni désintéressée. Début juin, son prédécesseur, Václav Klaus, qui a été au pouvoir pendant dix ans, et est connu pour son euroscepticisme, a fait une allocution sur internet , dans laquelle il affirmait qu’il était temps pour la République tchèque de sortir de l’Union européenne. Ce faisant, il a suscité un regain nationaliste chez des millions de Tchèques, hostile à toute ingérence dans leur politique. Les élections législatives d’octobre approchant, les partis de droite, eurosceptiques, et surtout opposés à l’immigration et à l’islam ont toutes leurs chances.
En effet, la crainte d’une "islamisation de la société” est récurrente en Tchéquie, alors même que la majorité des migrants sont ukrainiens. La volonté de Bruxelles d’imposer des quotas de migrants dans les pays a été très mal perçue par le groupe de Visegrad (République Tchèque, Pologne, Hongrie et Slovaquie). La Tchéquie, comme la Pologne et la Hongrie sont désormais visées par des procédures d’infraction de l’Union européenne, pour ne pas avoir respecté ces quotas, et la perspective de sanctions économiques a renforcé l’euroscepticisme de la population.
Un calcul dangereux
Or, le Président de la République tchèque a traditionnellement peu de pouvoir, contrairement au Premier ministre. Ce dernier, Bohuslav Sobotka, est de gauche, comme Miloš Zeman, et bien qu’ils ne soient pas proches, il le laisse passer outre ses prérogatives et être plus actif en politique que ses prédécesseurs. Pour que cette entente continue, Miloš Zeman devrait conserver un Premier ministre qui lui est favorable, de préférence du même bord politique que lui.
Le futur Premier ministre sera issu du Parti ayant remporté le plus de voix, et sera chargé de créer un gouvernement, en formant une coalition avec les autres partis. En 2013, M. Sobotka, du parti social-démocrate, avait formé une coalition avec les démocrates-chrétiens et avec le mouvement antisystème et eurosceptique ANO, dont le président, le milliardaire Andrej Babis, a obtenu le portefeuille de ministre des Finances. Babis, souvent considéré comme un Trump tchèque, a été limogé par le Premier ministre en mai, mais reste tout de même le favori des élections à venir.
La stratégie de Miloš Zeman serait double : séduire l’électorat de droite, et faire un pas vers les partis anti-immigration et eurosceptiques, dans le but de former une coalition profitant au régime actuel, qui limiterait l’ascension d’ANO. Mais ce calcul pourrait s’avérer aussi dangereux pour Miloš Zeman qu’il l’a été pour David Cameron. Si le Président est relativement favorable à Bruxelles, les Tchèques sont déconnectés des préoccupations européennes, qui demeurent un concept flou. Les derniers Eurobaromètres montrent un fort désintérêt de la part de la population. Pour le quotidien économique Hospodářské noviny, le Président joue avec le feu : « Au moment où seuls 33% des Tchèques voient quelque chose de positif dans l’adhésion à l’UE, l’issue du référendum est évidente. »
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