La rue aura eu finalement raison du projet de loi liberticide de Viktor Orbán. Ce projet visait à imposer une taxe de 150 forints (50 cents) par gigaoctet téléchargé à tous les usagers hongrois.
Si la raison invoquée par le gouvernement magyar pour justifier ce projet était le comblement du budget national, cela fait peu de doute qu’il visait avant tout à réduire l’influence d’internet, l’une des dernières sphères d’expression libre échappant à l’influence de l’Etat hongrois.
Bien que Viktor Orbán n’en soit pas à son coup d’essai en matière de dérive autoritaire, celui-ci n’avait pas prévu l’intervention d’un acteur souvent sous-estimé en Hongrie : la rue.
Selon le site internet d’actualité hongroise Hu-lala, environ 10 000 personnes se sont rassemblées dimanche 26 octobre dans les rues de Budapest dans l’une des manifestations les plus importantes depuis l’élection d’Orbán en 2011, pour protester contre le projet de taxe internet. La contestation a pris une telle ampleur que le gouvernement s’est empressé d’inclure un plafond de 700 forints (2€) par mois et par internaute, pour finalement retirer son projet de loi le 31 octobre.
Une absence de réaction au niveau européen
S’il faut avant tout féliciter la détermination des manifestants, il y a lieu de déplorer l’absence de réaction des instances européennes et des autres Etats membres. Malgré les multiples réactions de l’ex commissaire à la société numérique, Neelie Kroes, qui qualifiait sur Twitter cette taxe de « honte pour le gouvernement hongrois » et encourageait les manifestants, la Commission européenne s’est faite bien silencieuse sur le sujet.
Il est regrettable que cette dernière, en tant que garante des traités, n’ait pas pris de position officielle contre la taxe. Cette violation du droit d’accès à l’internet des usagers aurait pourtant pu constituer une violation de la liberté d’expression des Hongrois et plus généralement des droits fondamentaux que l’Union européenne protège, notamment via sa charte des droits fondamentaux. Les autres pays européens n’ont pas non plus émis de commentaire sur la loi hongroise, même pas par l’intermédiaire du nouveau président du Conseil européen Donald Tusk.
Pourtant, en touchant aux droits fondamentaux, le Premier ministre hongrois fragilise ce qui constitue les fondations sur lesquelles l’Europe s’est construite. On ne peut dès lors que déplorer cette immobilisme des instances européennes, elles qui s’étaient révélées si critiques lors de la modification de la constitution hongroise en 2011. La Cour de Justice de l’Union européenne avait elle-même touché du bout des doigts le problème de cette nouvelle constitution tout en se montrant néanmoins frileuse dans ses arrêts.
La Hongrie, kézako ?
Outre l’immobilisme européen sur cette question, on constate aussi un manque de traitement de l’information par les médias français. Bien que les grands journaux nationaux aient partiellement relayé l’information, aucune chaîne d’information n’a évoqué le sujet. Par ailleurs, on constate une tendance à n’évoquer l’Europe centrale et orientale que lors de dramatiques évènements. Dans le cas de la Hongrie, les projecteurs ont été uniquement braqués sur elle pendant l’épisode malheureux de la modification de la constitution. Dans une Europe où il est important d’apprendre à mieux connaître son voisin, les médias européens ont une mission toute particulière en permettant aux citoyens européens de mieux se rendre compte de la situation dans les autres pays et ainsi forger une certaine identité européenne, éveiller une conscience commune.
Une simple remise au placard ?
Le feuilleton hongrois n’est cependant pas terminé. Viktor Orbán a annoncé lors du retrait de ce projet qu’il proposerait un autre projet dans ce sens après la réalisation d’une consultation nationale sur le sujet courant janvier 2015. Une technique habituelle du gouvernement Orbán qui a pris l’habitude ces dernières années de retirer des projets de lois jugés trop controversés pour les réintroduire ultérieurement une fois l’opinion publique calmée. Crédité d’une large victoire aux élections municipales d’octobre 2014, Viktor Orbán et son parti, le Fidesz, n’ont donc pas dit leur dernier mot.
Ne faudrait-il pas alors montrer une bonne fois pour toute que l’on ne bafoue pas impunément les valeurs européennes et les droits fondamentaux ?
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