L’Eurogroupe est une drôle « d’institution ». À l’instar du Conseil européen, cette réunion est à la fois informelle et fondamentale pour impulser la volonté politique nécessaire dans le domaine de la coordination des politiques économiques de la zone euro. Son rôle est devenu tellement important qu’il a réussi à éclipser au fil des années la réunion du Conseil Ecofin tenue le lendemain, pourtant institutionnalisée dans les traités européens. La réunion de l’Eurogroupe de ce 4 décembre est encore plus importante que les précédentes. Trois pays du Sud de l’Europe voyaient leur situation économique évaluée dans le cadre de plans de sauvetage du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) et Mário Centeno, le ministre portugais des finances, a été élu Président de l’Eurogroupe, lui qui est largement à l’origine du nouveau « miracle économique portugais » à partir de 2015.
État d’avancement du programme d’ajustement grec
La Grèce était au menu des discussions lors de ce sommet de l’Eurogroupe. Le pays qui a le plus souffert de la crise des dettes souveraines a fait l’objet d’une évaluation de la mise en place du troisième programme d’ajustement. Ce programme a commencé en août 2015 après qu’Athènes ait demandé une nouvelle aide en juillet 2015 pour rembourser sa dette toujours aussi colossale. 86 milliards d’euros ont été débloqués par le MES en échange d’un programme drastique de réformes pour flexibiliser le marché du travail et faire baisser les dépenses publiques.
Ce troisième programme devrait se poursuivre jusqu’en août 2018. Lors de sa (dernière) conférence de presse, le Président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a souligné des « bonnes nouvelles » dans la mise en place des réformes structurelles qui feront l’objet d’un rapport en janvier 2018 [1]. On a cependant clairement du mal à voir les bénéfices des politiques d’austérité appliquées depuis tant d’années dans un pays dont le PIB par habitant a baissé de 37.5% entre 2008 et 2015 (selon Eurostat), dont la dette stagnait encore à 181% en 2016 et dont les excédents primaires s’expliquent par une consommation des ménages en berne.
Surveillance post-programme en Espagne et à Chypre
Moins dramatiques mais peu enviables tout de même, les situations macroéconomiques de l’Espagne et de Chypre ont également été examinées lors du sommet. La Commission européenne et la BCE ont annoncé les résultats de la troisième mission de surveillance post-programme menée à Chypre et la huitième mission de surveillance post-programme en Espagne. Toujours selon M. Dijsselbloem, ces deux pays font d’excellents progrès, avec des taux de croissance élevés (en 2018, la croissance espagnole pourrait atteindre 3% et la croissance chypriote, 2.3%). Le royaume ibérique et la petite république insulaire ont sollicité l’aide de l’UE respectivement en 2012 et en 2013 et malgré le retour de la croissance, les dettes publiques des deux États stagnent toujours autour de 100% du PIB depuis la mise en place de ces programmes. Les programmes d’austérité ont en outre forcé des milliers d’Espagnols et de Chypriotes, souvent jeunes diplômés, à quitter leur pays, pesant sur la croissance économique à long terme.
Quelles marges de manœuvre pour Mário Centeno ?
Le nouveau Président de l’Eurogroupe et actuel ministre portugais des finances prendra ses fonctions en janvier prochain. Un ministre issu d’un pays du Sud de l’Europe poursuivant une politique aux antipodes de l’orthodoxie budgétaire et ayant été soutenu par l’Allemagne : de quoi faire sourire. Pour autant, quelles sont les marges de manœuvre de M. Centeno ? Pour la presse de son pays, il n’en a pas. Selon Observador, un média en ligne plutôt classé à droite, la politique économique de la zone euro se décide à Berlin puis à Paris. Le Président de l’Eurogroupe n’est que le porte-parole des politiques néolibérales élaborées par l’Eurogroupe [2]. Selon le journal centriste Diário de Noticias, cumuler deux postes n’est jamais bon, surtout à l’approche d’échéances électorales [3].
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