« Sortir du Brexit » : le Royaume-Uni va-t-il bientôt arrêter de fumer ?

, par Juuso Järviniemi, Traduit par Lorène Weber

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« Sortir du Brexit » : le Royaume-Uni va-t-il bientôt arrêter de fumer ?
Une sortie du Brexit est-elle possible pour le Royaume-Uni ? CC - Wikimedia Commons

Vince Cable, le nouveau chef des libéraux-démocrates britanniques, a récemment appelé à une « Sortie du Brexit », une opportunité de rester dans l’Union européenne après les négociations sur le Brexit. Cela est cohérent avec la position établie de son parti sur le sujet. Alors que le Royaume-Uni discute de l’arrivée éventuelle de poulet au chlore sur les marchés britanniques, on pourrait penser que la population britannique préférerait en rester à la courbure des concombres de l’UE. Mais que devrait penser un fédéraliste européen de l’idée d’une sortie du Brexit ?

L’appartenance à l’UE reste la meilleure option pour le Royaume-Uni

Vivant au Royaume-Uni, j’ai peut-être un intérêt personnel à ce que le pays ne soit pas englouti par la mer. Le seul accord politique qui ait rendu le Royaume-Uni fort et stable [1] ces dernières années a été l’appartenance à l’UE, et tout ce qui l’a éloigné de l’UE a affaibli sa position dans les affaires mondiales.

Une opposition au Remain serait que Nigel Farage prenne les armes. Je ne m’attends pas à des violences ou à de sérieux troubles sociétaux émanant du camp du Remain, mais la politique interne britannique pourrait devenir chaotique si le poulet au chlore, pour lequel 51,9% des gens ont explicitement voté, ne se retrouve finalement pas sur la table. [2] Oserais-je rappeler que le 16 juin 2016, une parlementaire pro-Remain a été la victime d’un meurtre à caractère politique, sept jours avant le référendum ?

Pour éviter un scénario aussi lugubre, une sortie du Brexit requiert un mandat démocratique clair. Cela serait permis par un second référendum sur l’appartenance à l’UE, proposé par les libéraux-démocrates. En d’autres termes, les pro-Brexit devraient se remettre – et probablement se remettraient – d’avoir perdu, et réfléchir à leurs prochaines étapes, non-révolutionnaires. Le niveau de troubles sociaux serait supportable et les arguments pour rester dans l’UE depuis 2016 demeureraient valables, cette fois formulés en référence à une expérience vécue plutôt que par de simples prédictions.

Et qu’en est-il de l’Ecosse alors ? Personnellement, je veux que l’Ecosse reste en Europe si c’est ce que souhaitent les Ecossais. Cela serait entrané par la sortie du Brexit. L’indépendance et la (ré-)appartenance à l’Union qui suivrait resteraient bien sûr une option, bien que la mesure dans laquelle un étranger puisse émettre une opinion à ce stade puisse être discutable. [3]

…et pour l’Europe, espérons-le

Le dilemme que le Brexit pose pour un fédéraliste européen a été articulé par Jacopo Barbati, du bureau de la JEF Europe, dans une publication de la JEF Finlande de 2016 portant sur le Brexit [4]. Aussi importante la perte politique du Brexit puisse-t-elle être pour le projet européen, continuer sans un pays connu pour ses positions réservées vers une intégration plus poussée peut donner un coup de fouet à l’UE. Comment pourrions-nous faire avancer l’UE, si l’un des membres les plus puissants du bloc veut à peine en faire partie comme c’est le cas aujourd’hui ? Les querelles au sujet de la politique de sécurité et de défense commune qui se sont déroulées même après le référendum sur le Brexit en offrent une excellente illustration.

La crainte de Jacop Barbati que le référendum britannique sur l’appartenance à l’UE puisse entraîner une réaction en chaîne ne s’est heureusement pas réalisée, et c’est même le contraire qui s’est produit. Dans les deux cas, ce débat s’est aujourd’hui largement épuisé. Sans même considérer que le Royaume-Uni reste finalement dans l’UE, le message que le processus du Brexit a envoyé au reste de l’Europe a été sans ambiguïté : « n’essayez pas cela chez vous ». De ce point de vue, que le Royaume-Uni choisisse d’abandonner la « Mission Brexit » est une simple question de détails.

Dans un article du Financial Times, Wolfgang Munchau doute que l’Europe des 27 laisse le Royaume-Uni revenir à ce stade. Au vu de ce que nous avons dit précédemment, on peut légitimement estimer que les coûts dépasseront les bénéfices. Cependant, si le Royaume-Uni apprend sa leçon, à la manière d’un gros fumeur qui a échappé de peu de mourir d’un cancer du poumon, en devenant une partie plus constructive de la famille européenne, les bénéfices excéderaient de loin les coûts. Le Royaume-Uni arrêtera-t-il de fumer après une douloureuse chimiothérapie de trois ans ? Si oui, les 27 autres pourraient s’en réjouir, sans se retrouver affaiblis par les effets secondaires du tabagisme passif.

Le chemin vers une sortie du Brexit peut être long, mais il serait dans le meilleur intérêt du Royaume-Uni. Si le pays gagne en humilité, ce serait également une bonne chose pour l’UE, même du point de vue d’un fédéraliste. En tant que membre du mouvement pro-Européen au Royaume-Uni, j’espère jouer un rôle en rappelant au pays ce qui lui a un jour fait perdre ses cheveux, et en l’aidant à arrêter la cigarette pour de bon.

Notes

[1Note de la traductrice : référence au « strong and stable », slogan de la campagne pro-Brexit, maintes fois repris par la Première ministre britannique Theresa May lors de ses discours.

[2Note de la traductrice : référence aux standards agro-alimentaires qui pourraient être moins stricts après le Brexit

[3Note de la traductrice : l’auteur est un Finlandais habitant en Ecosse.

[4Jacopo Barbati, « Brexit is a tricky one for federalists », Tähdistö 1/2016, pp. 56 - 57. Eurooppanuoret. Consultable sur https://issuu.com/eurooppanuoret/docs/eurooppanuoret_t__hdist__-lehti_1_1.

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