La période axiale : Comment l´Europe se situe dans l´histoire de l´humanité - commentaires La période axiale : Comment l´Europe se situe dans l´histoire de l´humanité 2012-03-27T08:08:10Z https://www.taurillon.org/La-periode-axiale-Comment-l%C2%B4Europe-se-situe-dans-l%C2%B4histoire-de,04874#comment12622 2012-03-27T08:08:10Z <p>Je comprends mieux ce qu'il faut entendre par prétention à l'exclusivité.</p> <p>Cela dit, si par là il entend la volonté de s'ériger en système unique, au delà des frontières, ce n'est pas une constante européenne, mais une constante impérialiste. Au delà de ça, rare sont les empires à avoir eu la volonté de rallier l'ensemble des peuples sous une même bannière (l'Europe, moins que les autres !).</p> <p>Les grands empires ont souvent recherché davantage un équilibre des puissances, une répartition équilibrée du monde, plutôt qu'un système hégémonique. Du reste, si l'exclusivité a pu être un temps une prétention romaine, force est de constater qu'elle a revu à la baisse son ambition puisque dès Claude elle fixe ses frontières, n'effectuant qu'une timide percée vers le Danube sous Trajan. Pour le Reich, celui de Charlemagne se borne à un patrimoine exorbitant, finalement divisé entre ses héritiers, signe qu'il ne souhaitait pas créer un empire universel. Le IIIe Reich s'établit comme un espace vital, étendu sur l'ensemble du territoire occupé par la race aryenne, soit assez restreint à l'échelle du monde. Les deux empires auxquels je pense (il y en a d'autres), qui aient répondus à une prétention à l'exclusivité sont ceux d'Alexandre, qui pour la première fois abolit l'irréductible dichotomie entre le Barbare et le Civilisé (s'inspirant ainsi de la politique Perse), et de Gengis Khan qui ne semblait se préoccuper ni de race, ni de culture, ni de religion, mais semble bien avoir souhaité étendre son empire jusqu'à épuisement de ses forces. Ces deux empires ont en commun leur caractère asiatique, donc non européen.</p> <p>Je ne cherche pas tellement adopter un ton professoral (encore que j'aime bien ça, je dois le reconnaître), mais je me méfie des systèmes universalisant comme celui de Jaspers, très séduisant en apparence, mais qui ne résiste pas à l'épreuve des faits. L'Histoire est complexe et c'est en la simplifiant par de pareils systèmes qu'on glisse dangereusement vers l'ethnocentrisme qu'on cherche à éviter. Si a posteriori la prétention à l'exclusivité semble être une caractéristique européenne, c'est peut-être simplement parce que l'Occident a réussi là où l'Orient semble avoir échoué. Réduire l'identité européenne à une constante politique propre à tout système impérialiste, c'est la vider de sa substance, de ce qui fait sa vraie force. L'Europe existe, elle a un sens, c'est son Histoire.</p> <p>A ce titre, je ne peux que m'inscrire en faux contre le dernier paragraphe de ton article. Il ne faut pas passer outre les valeurs culturelles et religieuses de l'Europe pour espérer entretenir ce patrimoine. L'Europe ne nous a pas laissé que ses frontières en héritage, elle nous laisse son passé, sa mémoire, ce qui est un don bien plus précieux encore.</p> La période axiale : Comment l´Europe se situe dans l´histoire de l´humanité 2012-03-25T13:51:16Z https://www.taurillon.org/La-periode-axiale-Comment-l%C2%B4Europe-se-situe-dans-l%C2%B4histoire-de,04874#comment12618 2012-03-25T13:51:16Z <p>Merci Arthur pour ton commentaire ! Je penses que tu as tout à fait raison de remarquer qu'il est très dificile de prétendre que les valeurs nommées dans mon article auraient été uniques en Europe. Personellement, je connais beaucoup trop peu les autres cultures non-européenne pour pouvoir affirmer qu'elle n'aient pas connu de concepts pareils ou du moins semblables. À cette occasion, je souhaite donc avertir le lecteur (européen) de ne pas s'enorgueiller de qualités qui auraient seulement atteint le continent Européen et auraient fait preuve de la supériorité prétendue de l'Europe. Mon intention n'a certainement pas été là !</p> <p>Cependant, je pense devoir te corriger. Quand Jaspers parle de la ‘prétention à l'exclusivité', il n'a pas à l'esprit l'intolérance ; celle-ci ne serait que ‘liée' à cette prétention. Cette prétention à l'exclusivité désignerait plutôt l'attitude qui a guidé les grands empires européens, tel que, par exemple, l'empire romain, qui s'était fondé sur l'idée d'une conquête du monde entier, telle qu'elle a été reprise plus tard par Napoléon, voir Hitler. Par ailleurs, il fait aussi la différence entre l'universalité - comme tu la décris toi-même - et cette exclusivité.</p> <p>De nouveau, il m'est impossible de confirmer qu'il s'agisse ici d'une idée authentiquement européenne. Néanmoins, je crois qu'il faut comprendre l'intention de Jaspers, lorsqu'il nous indique ces différentes propriétés. Il est indéniable que l'Europe a connu une évolution unique dans le monde entier, lorsqu'elle a vécu l'industrialisation. En nous montrant les différentes valeurs qui ont guidées le developpement historique en Europe, Jaspers cherche juste à nous livrer une explication possible à ce phénomène. Certes, elles ne sont peut-être pas uniquement apparu dans cette région du monde ; mais du moins, elles ont sûrement contribué d'une certaine manière à ce dévelopement. Dans cette mesure, en prenant compte de l'effet qu'elles ont produit au final, on peut dire qu'elle ont été spécifique à l'Europe et il est légitime que nous nous identifions avec celles-ci.</p> <p>Finalement, le mérite que je reconnais à Jaspers dans mon article n'est pas forcément d'avoir livré une analyse très précise des valeurs et concepts européens, mais plutôt d'avoir relevé que les pays de l'Europe, guidés par leurs valeurs communes, ont certainement formé une entité particulière qui a vécu un développement différent des autres entités, telles la Chine ou l'Inde.</p> La période axiale : Comment l´Europe se situe dans l´histoire de l´humanité 2012-03-23T10:25:43Z https://www.taurillon.org/La-periode-axiale-Comment-l%C2%B4Europe-se-situe-dans-l%C2%B4histoire-de,04874#comment12608 2012-03-23T10:25:43Z <p>Je ne peux m'empêcher de réagir à certains points de cet article.</p> <p>« Enfin, malgré tout, la prétention à l'exclusivité, la volonté de pouvoir absolu, liée à une intolérance totale face aux valeurs étrangères, a aussi fait parti de la spécificité européenne. »</p> <p>Pour commencer, je ne pense pas que l'intolérance face aux valeurs étrangères soit une spécificité européenne. A ce titre, la dhimmitude ottomane est un exemple assez éloquent : on qualifie souvent ce principe qui accorde une certaine liberté de culte aux Juifs et aux Chrétiens résidant dans l'Empire ottoman comme une forme de tolérance, cependant ces individus restaient considérés comme des infidèles, ils ne pouvaient accéder à l'administration et les railleries, voire les violences, à leur égard était monnaie courante. Ce n'est pas précisément une forme de tolérance.</p> <p>Ensuite, pour parler d'intolérance vis-à-vis des valeurs étrangères, il faut qu'il y ait connaissance de ces valeurs. Précisément, la civilisation occidentale, terme que je trouve plus approprié qu'identité européenne, est la seule qui dans son histoire ait manifesté un intérêt pour les autres civilisations, qui se soit penché sur les autres modes de représentation et qui ait établi une anthropologie. Au XVIe siècle en effet, avec les nombreuses missions jésuites qui accompagnent les explorateurs portugais ou espagnols, mais dès le XIIIe siècle avec les récits d'explorateurs, certes fantasques, comme Marco Polo qui parle sans jugement de valeur des pratiques de la cour du Khan qu'un chrétien trouverait pourtant odieuse. A contrario, les grandes civilisations, bien plus brillantes que la civilisation occidentale à la même époque (songeons qu'à Ispahan au XVIe siècle des architectes persans construisent une place Royale plus vaste que la place de la Concorde, alors que Versailles n'est qu'un marais et Paris un cloaque à ciel ouvert) ont périclité et se sont affaiblis par ce repli sur elles-mêmes, justement convaincues de leur suprématie.</p> <p>Ce que vous nommez prétention à l'exclusivité (soit la foi chrétienne que vous vous gardez bien de nommer) est plutôt une prétention à l'universalité : c'est en effet l'un des premiers systèmes qui propose une destinée exceptionnelle pour l'homme en tant que créature de Dieu, indépendamment de son origine culturelle. L'enthousiasme (au sens littéral) des nombreux missionnaires est animé par cette certitude qu'il existe une destinée commune pour l'humanité toute entière qui est largement valorisée dans le discours chrétien.</p> <p>Il est de bon ton de battre sa coulpe en imposant à l'occident la responsabilité de tous les malheurs de l'humanité, mais ce n'est pas sur la base de la repentance qu'on construit un édifice radieux et solide, mais sur celle de l'orgueil ! Celui du legs de cette brillante civilisation, ingénieuse, curieuse, entreprenante et sure d'elle-même qu'est la civilisation occidentale. Est-ce à dire que je nie les erreurs qui ont été commises ? Certainement pas, mais l'histoire n'est pas seulement là pour nous apprendre à ne pas reproduire nos erreurs, elle doit aussi être une source d'inspiration pour nos succès à venir.</p>