Ce que l’accord préconise est clair. Tous les migrants, qui ont transité par la Turquie et qui arrivent en Grèce, y compris les Syriens, seront renvoyés en Turquie, dès le dimanche 20 mars. Les migrants refoulés pourront déposer une demande d’asile en Grèce, cependant, la reconnaissance de la Turquie comme un « pays tiers sûr » par la Grèce devrait permettre aux juges de rejeter leur requête, en particulier pour les Syriens, puisque la Turquie serait en théorie à même de leur offrir des conditions d’accueil équivalentes. Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie, un Syrien sera envoyé en Europe via un corridor humanitaire. Cependant, le nombre de Syriens qui accèderont ainsi à l’Europe est plafonné à 72 000. En contrepartie de ce mécanisme « un Syrien contre un Syrien », les chefs d’Etat et de gouvernement ont accepté de rouvrir les négociations d’adhésion avec la Turquie, tout en lui versant trois milliards d’euros d’aides pour l’accueil des réfugiés, s’additionnant aux trois milliards déjà accordés. Ce marchandage inhumain est inadmissible.
Cet accord est un mensonge indigne
Tout d’abord, ce pacte est illégal. Comme l’a souligné le Haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés, la demande d’asile est prioritaire. La convention de Genève interdit un refoulement collectif de demandeurs d’asile. Les Etats membres viennent donc de signer un accord non conforme aux conventions internationales, que les Etats membres ont signées, et d’enfreindre ainsi le droit international.
De plus, le Conseil européen a fait preuve d’un déni sans nom en prétendant refouler des « migrants » et non des « réfugiés ». Bien que parmi ces vagues migratoires, tous les migrants ne soient pas des réfugiés, il demeure cependant qu’une grande partie des personnes arrivant en Europe sont des réfugiés, ayant droit de déposer une demande d’asile et d’attendre son traitement sur le sol européen. Utiliser des termes incorrects pour décrire la situation ne transforme en aucun cas la réalité des faits. Cette démarche est hypocrite. Par cette décision du Conseil européen, et contre l’avis du Parlement, l’Union s’apprête bien à refouler des réfugiés et à enfreindre les règles internationales.
Enfin, cet accord est indigne parce qu’il délègue les responsabilités de l’Union européenne à un autre Etat, à un Etat au gouvernement autoritaire, la Turquie du président Erdogan, peu scrupuleuse sur le respect des droits de l’Homme, des règles de la démocratie et de l’Etat de droit, comme il l’a démontré en mettant sous tutelle le journal d’opposition Zaman. Il est hors de question de délivrer des fonds, de déléguer l’accueil des réfugiés et de rouvrir des négociations d’adhésion qui n’aboutiront pas avec la Turquie d’aujourd’hui, celle du président Erdogan. De plus le pays est en proie à la guerre civile. En effet, l’accord suppose que la Turquie est un « pays tiers sûr ». Là aussi, les dirigeants européens se mentent. Les attentats se multiplient en Turquie, et vont se poursuivre, parce que le président Erdogan s’est résolu à continuer de bombarder les Kurdes en Syrie et à massacrer une partie de sa population dans le Sud-est du pays, où des groupuscules radicalisés du PKK s’engagent dans des actions terroristes. Cette escalade plonge la République turque dans une guerre civile. Les réfugiés ne sont pas en sécurité en Turquie, sans compter que parmi les migrants refoulés, il est possible que certains soient des Kurdes, massacrés par les autorités turques dans le Sud-est du pays.
Cet accord ne résout rien, la seule solution est européenne
L’Europe coupable a vendu son âme au sultan Erdogan, et pourtant, cet accord ne vaut rien. En effet, cet accord ne résout pas la crise des réfugiés, et n’est tout simplement pas durable.
En effet, le mécanisme ne prévoit la relocalisation en Europe que de 72 000 réfugiés syriens. Ce nombre atteint, l’accord deviendrait alors caduc, puisque la Turquie n’aurait aucune raison de continuer à accueillir les réfugiés refoulés en Grèce sans que l’Union européenne en accueille davantage. De plus, ce mécanisme ne concerne qu’une seule route d’accès à l’Union européenne, une route certes dangereuse, où les naufrages ont été nombreux en mer Egée, mais moins dangereuse que certaines autres qui demeureront ouvertes. Les migrants rejoindront alors l’Europe par la Lybie et les autres pays du Maghreb, déstabilisés par les groupes terroristes qui y sévissent.
Et les dirigeants européens qui se pavanent en pensant ainsi sauver le continent de la montée des mouvements d’extrême droite se trompent. Cet accord pour réduire l’afflux des migrants en Europe n’est pas la solution à la montée des populismes et des nationalismes en Europe. La seule solution contre ce fléau, c’est d’avoir le courage de l’action, de la défense de ses valeurs et de ses principes, qui fondent l’idéal européen, c’est d’expliquer le défi qui nous attend et de résoudre cette crise ensemble. Que ce soit 1 000, 10 000 ou 100 000, il y aura toujours trop de migrants pour l’extrême droite. Ce qui alimente le nationalisme et la xénophobie, c’est la peur de l’étranger, c’est la peur de l’autre. Démontrons que par une action volontariste et commune, les Européens unis sont capables d’accueillir et d’intégrer ces centaines de milliers de réfugiés. Démontrons que l’Europe peut relever le défi pour ainsi faire taire la peur.
Nous, les Jeunes Européens – France, appelons ainsi, au nom des valeurs qui ont présidé à la fondation de l’Union européenne et du projet européen, qui sont la raison d’être de notre mouvement et de notre engagement, les dirigeants européens à revenir sur cet accord et à établir un plan commun d’accueil et d’asile ambitieux à même de résoudre cette crise humanitaire, en répartissant les demandeurs d’asile entre les Etats de l’Union, en créant un corps de garde-frontières européen capable de surveiller les frontières extérieures et de secourir les naufragés pour permettre une levée des contrôles aux frontières et le retour de la libre-circulation, et de garantir des voies légales sûres d’entrée en Europe pour les réfugiés, permettant un accueil digne dans des centres contrôlés par l’Union européenne.
N’ayant que peu d’espoir de voir les chefs d’Etat et de gouvernement revenir sur un tel accord, et constatant une nouvelle fois l’échec de l’Europe intergouvernementale, nous appelons les parlementaires nationaux et européens à dénoncer cet accord, les représentants de l’ONU à le condamner, et à la Cour de Justice de l’Union européenne et à la Cour européenne des Droits de l’Homme de briser cet accord en démontrant son illégalité dans les faits.
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