L’exécution ou la non-exécution des MAE polonais au sein de l’espace européen ?
Dans le cadre de renvoi préjudiciel, la CJUE a dû se prononcer à de nombreuses reprises sur des mandats d’arrêts européen provenant de la Pologne. Les autorités de renvoi demandent à quelles conditions il est possible de refuser un tel mandat lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée sera exposée à un risque de violation de son droit à un procès équitable. Pour justifier les risques d’atteinte audit droit, la juridiction de renvoi s’appuie notamment sur la proposition motivée de la Commission présentée conformément à l’article 7, paragraphe 1, du Traité sur l’Union européenne (TUE) concernant l’État de droit. Dans un souci de prudence, la Cour est soucieuse de rappeler le principe de confiance mutuelle entre les États membres tout en acceptant que des exceptions à ce principe doivent pouvoir être admises mais également de rappeler le partage des valeurs établies à l’article 2 TUE. La CJUE admet très clairement qu’« une autorité judiciaire appelée à exécuter un mandat d’arrêt européen doit s’abstenir d’y donner suite si elle estime que la personne concernée risquait de subir une violation de son droit fondamental à un tribunal indépendant et, partant, du contenu essentiel de son droit fondamental à un procès équitable, en raison de défaillances susceptibles d’affecter l’indépendance du pouvoir judiciaire dans l’État membre d’émission ».
La recherche de troubles systémiques concernant l’État Polonais...
Le Gouvernement polonais concernant ces affaires a adopté une position réfractaire vis-à-vis de la CJUE, en soulignant que cette dernière n’avait pas validé l’automaticité des refus d’exécution du mandat d’arrêt, ni « constaté que l’État de droit était violé en Pologne ». Tout État membre peut donc évaluer des risques dans un autre État membre, sorte de contre-balance de la sauvegarde de l’État de droit en Europe vis-à-vis des citoyens. Si c’est à la Commission de veiller au respect de l’État de droit, l’exercice de l’exécution du mandat d’arrêt permet de le faire de manière indirecte, pour une meilleure coopération judiciaire en État membres. Les autorités de renvoi évalue donc le risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable lié au manque d’indépendance des juridictions. Les autorités doivent apprécier, dans un second temps, s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne faisant l’objet du mandat d’arrêt risque de subir une telle violation. La personne recherchée peut également jouer un rôle important dans l’évaluation des risques. Il a tout intérêt à donner des éléments sur les juges impliqués dans son procès, sur l’autorité judiciaire en elle-même entachée d’un manque d’indépendance. Ces éléments permettent également à une autorité judicaire de renvoi de ne pas exécuter un mandat d’arrêt européen.
… Pour préserver les droits garantis par les traités et la charte des droits fondamentaux
Le mandat d’arrêt impose ainsi à tous les États membres de respecter les droits fondamentaux de tous les citoyens. Les droits européens permettant à leur niveau respectif de garantir une protection effective des droits fondamentaux et notamment au niveau procédural.
Ainsi la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantit de nombreux droits tirés de la Convention européenne des droits de l’Homme. Le droit à un recours effectif en est un très bel exemple, consacré à l’article 47 de la Charte. Il permet de garantir qu’en cas d’atteinte aux droits consacrés dans le droit de l’UE, toute personne puisse se présenter devant un tribunal pour demander que ses droits soient respectés. Il est avec le droit à un procès équitable la base de la protection procédurale au sein de l’Union.
Le droit européen reste vigilant afin de garantir les droits des personnes qui sont soupçonnées ou poursuivies dans le cadre d’une procédure pénale. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour sa part, peut ordonner à l’État des mesures individuelles . Elle se matérialise par un montant en euros pour faire face aux risques d’une monnaie qui serait dévalorisée par rapport à une autre. Il faut rappeler que la satisfaction équitable au niveau interne a un caractère prioritaire même si les mesures individuelles sont revalorisées depuis les années 2000. Ces mesures sont adoptées par les États dans des affaires où les violations constatées sont d’une importante gravité alors même que cet arrêt était devenu définitif.
Dans l’affaire Ioannis Papadopoulos c/ Grèce, le Comité des ministres dans sa résolution prévoit l’adoption par l’État défendeur de prendre si nécessaire des mesures individuelles mettant fin aux violations et en effaçant les conséquences si possible par restitutio in integrum. Suite à cette affaire la Grèce a adopté un certain nombre de mesures législatives en vue d’accélérer les procédures devant les juridictions pénales.
Dans la pratique, la CEDH conclut souvent à des violations de garanties procédurales de l’individu, ce qui aura des conséquences directes en droit interne dans la détermination de la réponse pénale, qui permettra une réouverture du dossier. Cela permettra en effet de juger de la culpabilité ou de l’innocence de l’individu concerné. Dès lors, s’il n’y a pas violation de la Convention, il n’y aura pas d’obligation de satisfaction équitable au requérant par exemple, ni même libération de celui-ci sans nouveau procès en matière pénale.
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