Depuis sa création, l’Union européenne tente d’unir les cultures, les différences et les personnes en brisant les « frontières de l’inconnu » et en essayant de créer un sentiment d’identité européenne par la tolérance, l’unité et l’acceptation.
Diversité et unité - compatible ?
Charles de Montesquieu disait de la nature politique de l’Europe que « l’Europe est un État composé de plusieurs provinces ». Il reconnaissait ainsi dès la fin du 18e siècle la diversité du continent. Aujourd’hui comme hier, il existe de nombreuses différences sur le plan culturel, économique, politique et social. Ainsi, avec 24 langues officielles, de nombreuses autres langues régionales et minoritaires et des coutumes culturelles différentes, la communication peut parfois s’avérer difficile. Les normes et les valeurs sociales varient également : la politique sociale progressiste des pays nordiques d’une part, les structures sociales conservatrices de nombreux pays du sud d’autre part.
Malgré ces différences, l’Union européenne continue de tendre vers une plus grande intégration et un sentiment d’appartenance commun. Il s’agit de préserver l’individualité de chaque pays et de trouver par là un équilibre entre unité et diversité afin de préserver le caractère de l’Union européenne. Le chemin vers une identité européenne est aussi difficile qu’ambiguë. En dépit de toutes les divergences, ce sentiment d’appartenance à l’Europe a-t-il vraiment pris racine dans la société européenne ?
Enquête à Bruxelles sur le sentiment d’appartenance à l’Europe
Afin d’obtenir une vue d’ensemble du sentiment d’appartenance des citoyens, un sondage a été réalisé. Les résultats de l’enquête se basent sur 35 personnes de différents âges et genres dans le centre de Bruxelles le jour des élections européennes, le 9 juin 2024.
Selon cette enquête, le sentiment de cohésion européen dans la société a tendance à être perçu comme fort. Néanmoins, le spectre des réponses s’étend également jusqu’à l’autre extrême. Une part importante des sondés ne partage pas ou peu cette perception. « L’Europe n’est pas encore unie, seul l’euro est l’élément de liaison transétatique de l’UE », déclare une personne interrogée. L’absence de sentiment d’appartenance à une communauté, mais un fort sentiment d’identité avec sa propre région d’origine, ainsi que l’attention portée par les médias politiques aux États-nations respectifs sont quelques raisons qui expliquent que la perception de l’unité européenne n’est pas aussi forte chez tout le monde. Un autre enquêté explique qu’il se sent toujours étranger à la Belgique - et à l’Union européenne - malgré ses 26 ans de résidence à Bruxelles.
La majorité des personnes interrogées considèrent toutefois qu’un sentiment européen est ancré dans leur vie quotidienne. Il s’agit souvent de personnes évoluant dans le contexte européen - faisant partie du public européen très présent à Bruxelles. D’autres personnes interrogées ont fréquenté une école européenne, les plus jeunes parlent d’amitiés internationales, d’études ou de travail à l’étranger et soulignent qu’ils apprécient beaucoup cette liberté dans l’UE. En conséquence, les Bruxellois interrogés se définissent davantage par une identité européenne que par leur identité belge, le sentiment d’appartenance étant très présent dans leur vie.
Les Belges constituaient un nombre important de personnes interrogées. Parmi eux, nombreux ont témoigné d’un ancrage fort du sentiment d’appartenance à l’Union européenne. En revanche, les Français et les Allemands interrogés ont indiqué que le sentiment d’appartenance jouait un rôle moins important pour eux. Un des sondés présume que cela est dû à la taille des pays et que, par conséquent, la nationalité est au premier plan pour la population de tels États.
Les représentants des territoires de la Sarre et du Grand Est au sein de l’UE le confirment. Ce sont surtout les États nationaux qui forgeraient le sentiment de stabilité et d’identité des citoyens. Par conséquent, la population s’oriente davantage vers la politique nationale que vers la politique européenne. Le directeur de la représentation permanente de la Sarre à Bruxelles, Christoph Roth, compare le sentiment de communauté européenne à un « tourne-disque » - on en parle certes beaucoup, mais rares sont ceux qui l’utilisent.
Points communs, avantages et identité de l’Union européenne
Les États membres de l’UE sont aussi variés que les disques vinyles qui peuvent être lus par un tourne-disque. Mais en fin de compte, les disques et les États membres fonctionnent tous de la même manière. C’est notamment ce que stipulent les critères de Copenhague, que tous les pays réunis doivent remplir. Les valeurs démocratiques telles que l’égalité, la tolérance, la défense des droits de l’homme, la stabilité des institutions et le bon fonctionnement de la démocratie constituent par conséquent la base d’une unité politique, et par conséquent les fondements d’une unité sociale. Le Parlement européen adopte des droits contraignants auxquels tous les États membres doivent se conformer et rapproche ainsi les États sur le plan politique et économique. Ceux qui ressentent plus fortement le sentiment d’appartenance à l’Union européenne perçoivent surtout ces points communs.
L’Union européenne ne profite pas seulement de la coopération politique et économique, mais aussi de la diversité des langues, des cultures et des personnes. Selon Christoph Roth, la richesse naît de la coopération et du « regard porté au-delà de son propre champ d’action ». En favorisant cela par le biais de programmes européens transnationaux comme Erasmus, de tels projets contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance européen. Il s’agit ainsi de valoriser les divergences et de mettre en avant les valeurs communes. « L’âme de l’Europe, c’est la tolérance », a déclaré Angela Merkel - la clé pour être vraiment unis dans la diversité.
Plus largement, l’enquête montre que ce sont surtout les jeunes qui participent à des programmes européens internationaux, tandis que la participation des personnes âgées est plus faible. Il convient toutefois de noter que l’offre de programmes d’échanges interculturels a considérablement augmenté ces dernières années, ce qui a sensiblement renforcé la mise en réseau de la jeune génération dans le domaine européen. Ainsi, il se peut que cela aille de pair avec un renforcement du sentiment d’appartenance à l’Union européenne.
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