Venezuela : des eurodéputés peu convaincus par l’action de l’Union européenne

, par Lucas Nitzsche

Venezuela : des eurodéputés peu convaincus par l'action de l'Union européenne
Antonio Tajani (PPE) a demandé à la Commission d’ « intervenir fermement contre un dictateur qui continue de massacrer son peuple et de l’affamer ». Source : Parlement européen

Alors que le Venezuela s’enlise dans une crise politique, sociale et économique, les députés européens ont débattu, mercredi 18 décembre, de la situation humanitaire sur place. Certains eurodéputés critiquent la faiblesse de l’Union européenne face à cette crise, tandis que d’autres encouragent de nouvelles solutions.

Plus de 21% de la population souffre de malnutrition ; 25% ont besoin d’une aide humanitaire pour survivre. Il y a beaucoup, beaucoup de chiffres - la plupart d’entre vous les connaissent - qui nous montrent l’ampleur de cette crise ; une crise qui prive 70% des enfants d’éducation”. C’est avec ces données chocs que Josep Borrell Fontelles a interpellé les députés européens mercredi 18 décembre, ouvrant ainsi le débat sur la situation humanitaire au Venezuela.

Le vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères a également rappelé l’aide humanitaire apportée au Venezuela, d’un montant de 170 millions d’euros, ou 320 millions en prenant en compte les sommes versées par les États membres. De même, il a rappelé la présence permanente de l’Union sur place dans le but de mieux gérer la crise. Mais les députés européens n’ont pas semblé convaincus.

Les droits de l’homme menacés

De nombreux eurodéputés ont évoqué le caractère dramatique de la situation, dont Leopoldo López Gil, du Parti Populaire Européen (PPE), reprenant les données relayées par l’ONU, qui indique un nombre de 4,5 millions de Vénézuéliens déplacés dans le monde. Dita Charanzová, du groupe Renew, a ajouté que selon certaines estimations, ce chiffre pourrait atteindre les 8 millions en 2020, dépassant ainsi le nombre de personnes déplacées en raison du conflit en Syrie. Les conditions de vie sur place sont semblables, mais l’eurodéputée tchèque a souligné la différence entre la guerre en Syrie et le conflit évitable au Venezuela, qui est selon elle le résultat des politiques du régime Maduro.

Antonio Tajani (PPE) quant à lui a rappelé que depuis 2012, ce sont environ 12 000 personnes qui ont été arrêtées pour des motifs politiques, et 5 287 qui ont été tuées en 2018 par les escadrons de la mort, “Las Fuerzas de Acciones Especiales”. L’ancien président du Parlement européen a poursuivi sa prise de parole en critiquant ce manque cruel de liberté et de démocratie, et a exhorté la Commission à “intervenir fermement contre un dictateur qui continue de massacrer son peuple et de l’affamer”. Selon lui, le Parlement a été la seule institution ayant agi de manière courageuse à l’encontre de Nicolás Maduro.

Une Union européenne inefficace

La question des aides humanitaires versées au Venezuela joue un rôle central dans le débat. Pour certains, comme le socio-démocrate Javi López, les aides sont insuffisantes. En effet, l’eurodéputé a rappelé que selon les estimations de l’ONU, il faudrait environ deux milliards de dollars pour subvenir aux besoins des Vénézuéliens. Or, la somme récoltée à ce jour ne représente qu’un petit quart de ce chiffre. D’autres députés remettent en cause l’utilité de ces aides, et critiquent le manque de transparence concernant leur utilisation. Antonio Tajani, par exemple, s’est demandé où les sommes versées arrivaient réellement, puisque c’est le régime de Maduro qui les reçoit et les filtre.

Alice Kuhnke, du groupe Verts/ALE, a critiqué la position de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés qui avait, avec l’Union européenne, appelé les pays voisins du Venezuela à faire preuve de solidarité. Insuffisant, selon elle, car l’Europe doit montrer l’exemple et démontrer, elle aussi, sa solidarité envers le Venezuela.

Thierry Mariani, au nom du groupe Identité et Démocratie (ID), a insisté sur le fait que l’UE pourrait avoir une influence directe sur cette crise, notamment grâce au pouvoir qu’ont certains États membres comme l’Espagne, le Portugal ou la France, mais qu’une fois de plus, « l’Europe est dans l’incantation, et nous sommes spectateurs ».

Les sanctions imposées au Venezuela, dans le but de rétablir une certaine stabilité, ont largement été jugées inefficaces. C’est l’avis d’Idoia Villanueva Ruiz (GUE/NGL), qui a expliqué que les sanctions touchent bien plus la population, qui souffre déjà assez, que le régime de Nicolás Maduro. L’Union européenne a un rôle clé à endosser, celui de médiateur dans ce conflit.

L’eurodéputée a également critiqué le fait que l’Union ait aveuglément suivi la politique de Donald Trump en reconnaissant Juan Guaidó comme président par intérim du Venezuela, alors que le droit international prévoit la reconnaissance d’États, et non de gouvernements.

« Les dictatures ne partent pas d’elles-même »

Comme l’a rappelé Ryszard Czarnecki (ECR), il ne faut pas se faire d’illusions, car les dictatures ne partent pas d’elles-même, et il est nécessaire de contrer ce pouvoir basé sur la violence pour permettre au Vénézuéliens la tenue d’élections libres. C’est également l’avis Evin Incir (S&D), selon qui une société libre et juste ne peut être garantie sans des droits démocratiques et sociaux, et donc sans des élections libres.

Son collègue Jordi Cañas (Renew) a rappelé la cause de cette crise, à savoir Nicolás Maduro et son régime, et a appelé à un message clair de la part de l’Union européenne. Le groupe des Conservateurs et Réformateurs (ECR) a soutenu cette position, et voit le rétablissement de la démocratie comme seule solution à la stabilisation de la situation.

Željana Zovko (PPE) a estimé qu’un signal clair avait déjà été envoyé en 2017 avec l’attribution du prix Sakharov à l’opposition démocratique vénézuélienne, et a incité la Commission à agir dans ce sens. Mais cette position ne fait pas l’unanimité, puisque le groupe GUE/NGL a condamné l’action « hypocrite » du Parlement, que le groupe a accusé de tentative d’ingérence et de déstabilisation au Venezuela.

De nouvelles solutions ?

Face à l’impasse que représente cette crise, de nouvelles solutions ont été apportées par les eurodéputés afin de rétablir la démocratie, ainsi qu’une certaine stabilité économique. Le socio-démocrate Javi López a par exemple avancé la possibilité d’un programme “pétrole contre nourriture”, qui permettrait au Venezuela de vendre son pétrole et d’obtenir en échange de la nourriture pour la population. Ce programme pourrait ainsi appuyer les autres aides accordées au pays. Hermann Tertsch (ECR) souhaite quant à lui que les sanctions soient modifiées, de telle manière à ce qu’elles touchent directement Nicolás Maduro et son régime, sans impacter la population.

L’équilibre entre les sanctions et l’amélioration du niveau de vie de la population semble encore bien difficile à trouver, et cela entre autres en raison des nombreux désaccords qui animent les débats au Parlement européen. Les élections législatives au Venezuela en 2020 pourraient être l’occasion pour l’Union européenne d’y assurer une liberté de vote, et ainsi peut-être de provoquer un changement de régime.

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