Vers un nouveau Brexit ?

Le Courrier d’Europe

, par Wiam Bousalham, Le Courrier d’Europe

Vers un nouveau Brexit ?

Ces dernières semaines, Bruxelles et Londres ont entamé des discussions dont le but serait de redéfinir la relation entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, sans pour autant revenir sur les termes fondamentaux du Brexit. Ce « reset » diplomatique devrait faire l’objet d’une rencontre à Londres entre les responsables britanniques et européens, au cours de laquelle plusieurs dossiers sensibles seront abordés : mobilité des jeunes, coopération sécuritaire, commerce alimentaire, droits de pêche ainsi que la réadmission partielle du Royaume-Uni à certains programmes européens. Nick Thomas-Symonds, ministre anglais des relations avec l’UE, a affirmé être confiant quant à l’aboutissement d’un accord qui conviendrait aux deux partis.

Mobilité, jeunesse et marché du travail

L’un des points les plus significatifs abordés pendant ces discussions concerne la mise en place d’un programme de mobilité destiné aux jeunes adultes de 18 à 30 ans. Ce dispositif permettrait aux jeunes britanniques et européens de partir vivre, travailler ou encore étudier de part et d’autre de la Manche, pendant une période pouvant aller jusqu’à quatre ans. Il ne s’agirait pas, selon Londres, d’un retour à la liberté de circulation telle qu’elle existait avant le Brexit, mais d’un cadre bilatéral, limité et encadré, conçu pour faciliter les échanges tout en respectant les lignes rouges politiques des deux parties. Cette initiative s’inscrit dans une volonté de répondre aux critiques selon lesquelles le Brexit a isolé une génération de Britanniques, désormais privés des nombreuses opportunités d’études, de mobilité et d’intégration culturelle qu’offre le programme Erasmus+. Certes, le Royaume-Uni a lancé le Turing Scheme en 2021 pour pallier cette absence, mais ce programme unilatéral n’a jamais réellement comblé le vide laissé. Il repose sur des financements incertains et n’offre pas la même visibilité ni le même réseau institutionnel que le programme européen.

Mais cette nouvelle proposition va au-delà des enjeux culturels ou éducatifs pour répondre à une pression économique croissante. Depuis la sortie de l’Union européenne, plusieurs secteurs clés de l’économie britannique comme la restauration, les services de santé ou encore les transports peinent à recruter du personnel qualifié. Ces tensions sont principalement dues au recul de l’immigration européenne et à des règles d’entrée plus strictes. En permettant à de jeunes Européens de travailler temporairement au Royaume-Uni, ce programme pourrait être un levier important pour le marché du travail britannique, tout en garantissant à la jeunesse l’opportunité d’acquérir une expérience professionnelle.

Entre accords commerciaux et tensions sur la pêche

Sur le plan commercial, Londres et Bruxelles envisagent un accord vétérinaire simplifié permettant de réduire les contrôles douaniers et sanitaires sur les produits alimentaires transitant entre les deux parties. Cela concerne notamment les viandes, les produits laitiers, les fruits et légumes, aujourd’hui soumis à des procédures complexes. Depuis la sortie du Royaume-Uni du marché unique, selon le Centre pour une politique commerciale inclusive (CITP), les exportations de produits agroalimentaires vers l’UE ont chuté de 16 %, soit une perte annuelle estimée à 2,8 milliards de livres sterling. Un tel accord a pour effet direct de diminuer les coûts logistiques, de raccourcir les délais de livraison qui atteignent actuellement jusqu’à 21 jours et de réduire l’inflation alimentaire, tant pour les consommateurs que pour les entreprises.

Les droits de pêche, quant à eux, restent un sujet politiquement sensible. Les discussions portent sur un possible assouplissement de l’accès des navires européens aux eaux britanniques, en échange d’un accès élargi des produits de la pêche britannique au marché de l’UE. Ce compromis est politiquement risqué pour le gouvernement Starmer, car la pêche, bien qu’elle ne représente que 0,4% du PIB (Office for National Statistics, 2021), a une importance symbolique liée à la souveraineté retrouvée après le Brexit. Toute concession dans ce domaine pourrait raviver les tensions avec les communautés de pêcheurs et les électeurs pro-Brexit.

Une nouvelle phase post-Brexit

Sans surprise, ce rapprochement avec Bruxelles suscite de vives critiques. Les partisans d’un Brexit plus dur, comme Nigel Farage, dénoncent une trahison des promesses faites lors du référendum de 2016. Ils craignent une dilution de la souveraineté nationale et accusent le gouvernement travailliste de vouloir réintégrer certaines structures européennes. De son côté, le Premier ministre, Keir Starmer, affirme que le Brexit est acté et insiste sur une coopération plus efficace avec l’UE. Pour le Royaume-Uni, ce « reset » post-Brexit signifie la réparation de certains dommages collatéraux causés par la sortie de l’UE, tout en préservant l’essentiel de son autonomie décisionnelle, à l’image du modèle suisse ou norvégien, basé sur des accords purement économiques.

Le sommet à venir pourrait donc marquer un tournant dans les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Loin de signer une réintégration, il pourrait sceller l’émergence d’un Brexit plus souple, plus coopératif et mieux adapté aux défis communs. Ce nouveau chapitre reste cependant à écrire et tout dépendra de la capacité des deux parties à trouver un compromis entre souveraineté nationale et interdépendance économique.

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