Vers une standardisation des rythmes scolaires européens ?

, par Marine Denis

Vers une standardisation des rythmes scolaires européens ?

La question des rythmes scolaires a ébranlé le milieu politique et éducatif en France à la rentrée de Septembre 2012. La réforme mise en place par Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale français, visait à réduire le temps de l’enfant passé en classe en organisant les cours le matin et en libérant l’après-midi pour des activités culturelles et sportives. Cette nouvelle conception de l’emploi du temps des élèves scolarisés en primaire et maternelle s’inspire fortement de nos voisins outre-rhin.

Mais ce sont ces mêmes voisins dont on a chanté les louanges quant à leur bon équilibre de répartition entre temps de classe et temps de loisirs qui lorgnent désormais notre système scolaire. Si le modèle scolaire allemand est depuis longtemps admiré à l’étranger comme étant l’incarnation du « mens sana in corpore sano (un esprit sain dans un corps sain) », la concentration des cours sur la matinée qui était une des caractéristiques majeures du modèle allemand a fait ces dernières années l’objet de critiques : inadaptation au travail des femmes, corrélation entre l’origine sociale et la réussite scolaire, échec et exclusion scolaire des enfants en difficulté.

Si cette inspiration réciproque entre la France et l’Allemagne n’a pas été toujours bien reçue en France, elle témoigne toutefois d’une volonté de lever un peu la tête au-dessus du cadre national pour regarder ce qu’il se passe chez son voisin européen. A plus long terme, pourrait-on envisager une coordination voire une uniformisation des rythmes scolaires européens ? Et si oui, quel en serait l’intérêt ?

Le premier réside dans la création d’une unité structurelle scolaire commune afin de limiter les différences d’emploi du temps et de calendrier chez les jeunes enfants européens. Bien que la publication annuelle du rapport « Regards sur l’éducation » par l’OCDE pointe une grande variabilité sur les rythmes scolaires entre les pays de l’Union européenne, quelques tendances communes commencent à se dégager. Afin de réduire le taux d’abandon précoce et s’assurer que tous les élèves puissent obtenir un certificat d’enseignement de base, l’allongement de la durée de scolarité obligatoire commence nettement à se dessiner dans les systèmes éducatifs européens. Dans dix pays, le début de la scolarité obligatoire a été avancé d’une année, de trois années pour le Portugal. On note également un allongement du calendrier scolaire pour atteindre 38 à 40 semaines, visant à assurer un meilleur étalement de l’année scolaire sans que cela ne s’accompagne d’une augmentation de l’horaire annuel. Parallèlement, on assiste en Europe à une généralisation de la semaine de 5 jours pleins comme modèle dominant. Au-dessous de cette moyenne se trouve la Belgique et la France tandis qu’à l’autre extrême, la semaine de 5,5 jours est pratiquée dans certains Länder d’Allemagne et d’Autriche.

Le second enjeu majeur est celui de l’éducation « préprimaire » ou « préscolaire ». En Europe, les systèmes d’éducation pour les enfants qui n’ont pas atteint l’âge de la scolarité obligatoire varient encore beaucoup selon les pays. L’éducation « préprimaire » ou « préscolaire » est cruciale, lorsque l’on sait à quel point de nombreux pays en sont démunis, tel que l’Allemagne où le système de « Kitta » privées introduit dès le plus jeune âge des inégalités sociales et scolaires. Les ministres européens de l’éducation se sont fixés comme objectif d’ici 2020 de voir bénéficier d’un enseignement préscolaire au moins 95 % des enfants de quatre ans et plus n’ayant pas encore atteint l’âge de l’enseignement primaire obligatoire. Là encore, si les initiatives nationales restent minces, l’Union Européenne pourrait-elle jouer un vrai rôle en lançant un programme d’éducation « préprimaire » européen ?

Si chaque Etat membre de l’Union Européenne est responsable de ses propres systèmes d’éducation et de formation, il serait toutefois regrettable de rester campé sur ses positions et de ne pas s’ouvrir aux autres modèles scolaires européens. En effet, nos voisins finlandais demeurent toujours les champions d’Europe en termes d’éducation et de rythme scolaire selon le dernier classement Pisa de l’OCDE et les ministres européens de l’éducation n’ont pas encore pris leur chemin. A quand le déclic ?

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Vos commentaires
  • Le 4 décembre 2013 à 17:18, par ChristianPascal En réponse à : Vers une standardisation des rythmes scolaires européens ?

    Pourquoi vouloir aller vers une harmonisation, comme si c’était un but ? Pays différents, systèmes différents. et pourquoi pas harmoniser la taille des cages des poulets élevés en batterie ? (mais c’est pour le bien des poulets, bien sûr !) ou la façon de présenter l’huile d’olive sur les tables de restaurant, et pourquoi pas le volume des chasses d’eau, etc... Et si on veut aller au bout du geste, il faudrait fabriquer des nuages au dessus de l’Espagne pour que les nombres d’heures d’ensoleillement soit le même à Madrid et à Amsterdam et ainsi ne pas fausser la concurrence entre les tomates espagnole et hollandaises... pour le bien des producteurs de tomates.

    Les pays d’Europe sont tout autant différents par leur histoire, leur culture que par leur climat. C’est à chacun de choisir son système éducatif. Charge à chacun, selon sa culture, de choisir celui qui lui va le mieux, cela suppose donc un exercice efficace de la démocratie. Et l’on voit en France par le peu de référendum, et l’impopularité de l’Executif, qu’il y a encore du chemin.

    Présenter l’harmonisation comme un bien en soit, me semble être contre-nature.

    « Dante, Goethe, Chateaubriand, appartiennent à toute l’Europe dans la mesure même où ils étaient respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et s’ils avaient pensé, écrit, en quelque »espéranto« ou »volapük« intégrés... »

  • Le 5 décembre 2013 à 12:55, par Aurélien Brouillet En réponse à : Vers une standardisation des rythmes scolaires européens ?

    Bonjour,

    Seul ce commentaire a été publié car il est le seul réellement en lien avec l’article qu’il commente. A l’avenir, si vous voulez partir dans de grandes diatribes anti euro bourré d’arguments d’autorités, faites le aux bons endroits.

    Pour apporter quelques éléments de réponse. Au delà des arguments démagogiques que vous évoquez se pose réellement la question de l’opportunité d’une harmonisation.

    La donnée essentielle de tout fédéralisme est la subsidiarité. Chaque niveau doit exercer ce pour quoi il est le plus compétent. Ainsi, les Allemands, tout comme les Américains ont estimés que l’éducation devrait rester une compétence nationale.

    Il serait peut être intéressant d’avoir des outils de transposition des diplômes, de reconnaissance, plutôt qu’un système harmonisé qui perdrait à mon sens de sa saveur. L’Europe est unie dans la diversité et nous ne répéterons jamais assez que le but des fédéralistes n’est pas de détruire cette diversité mais bel et bien de la protéger.

  • Le 22 janvier 2014 à 21:34, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : Vers une standardisation des rythmes scolaires européens ?

    La subsidiarité, pierre angulaire du fédéralisme ? La subsidiarité, clé de voûte de l’éducation en Europe ?Je ne le crois pas. Pourquoi ?

    D’abord, parce que, dans les faits, ce n’est pas le cas ! Comment expliquer le succès médiatique des enquêtes Pisa, leur mode, même, autrement que par l’adhésion implicite à un ensemble de compétences éducatives planétaires ?

    Ensuite parce que, qu’on le veuille ou non, les programmes scolaires et les méthodologies éducatives renvoient toujours à une conception de l’homme et à des valeurs partagées. Qu’est-ce qui empêcherait demain la définition de ce corpus de valeurs à l’échelle européenne, la définition d’un citoyen européen capable d’apprendre tout au long de sa vie, autonome et responsable donc, tout en laissant à chacun des états le soin de définir les normes d’organisation et de fonctionnement de leurs écoles, les moyens matériels et humains pour atteindre cet objectif en termes de citoyenneté ???

    Refuser aussi à l’Union le soin de définir ce profil de citoyen sous prétexte de subsidiarité, c’est lui refuser d’être en tant que collection d’individus prétendant à un même destin.

    Cela me paraît plus crucial que la détermination d’une standardisation des rythmes scolaires car il y va de la personnalité de ce citoyen que nous prétendons devenir.

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