L’anti-libéralisme, la source de l’autoritarisme d’Orbán
Lors d’un discours prononcé à l’université d’été de son parti, Orbán a clairement fustigé la démocratie libérale en adulant des régimes comme la Chine. Il estime en effet que démocratie et libéralisme ne sont pas forcément synonymes. Il faut dire qu’Orbán a déjà transformé son pays en la matière. La Cour constitutionnelle hongroise a quasiment été neutralisée. Celle-ci ne joue plus son rôle de contre-pouvoir, notamment vis-à-vis de l’exécutif. Le contrôle étatique sur les médias et la société civile a été renforcé. Cette situation est bien évidemment tragique mais n’est en rien étonnante. À l’heure où certains partis plus spécifiquement de gauche et de centre-gauche sont tentés par facilité populiste et démagogique d’accuser le « méchant libéralisme » responsable de tous nos maux, il peut être intéressant de mesurer les dangers d’une telle rhétorique, surtout quand elle constitue la matrice idéologique de mouvements étatistes, nationalistes et xénophobes dont la radicalité constitue une dangereuse menace pour les libertés individuelles et donc la démocratie. Car non, démocratie et libéralisme ne sont pas séparables en ce que le premier est le corollaire du second. Dans ces conditions, comment l’Europe peut-elle inciter l’État hongrois à respecter ses valeurs ?
Une solution coercitive difficilement envisageable
L’Europe n’est pas un État et n’a pas vocation à le devenir. La solution qui consiste à utiliser la coercition pour modifier dans l’ordre juridique hongrois toutes les dispositions, y compris constitutionnelles, qui violent manifestement les valeurs libérales inscrites dans l’ordre juridique européen est exclue. D’autant plus que l’on voit mal comment une solution coercitive pourrait fonctionner face à une forme radicalisée de nationalisme. Ce n’est pas avec la coercition supranationale que l’on apaise des nationalismes mais bel et bien en établissant des institutions démocratiques qui favorisent l’intériorisation d’une culture libérale, celle-ci ayant plus de chance d’aboutir en l’absence d’État en ce que cette démarche serait plus respectueuse de la proportionnalité de l’action politique nécessaire à l’épanouissement des libertés individuelles. Il reste donc à exploiter les voies diplomatiques et institutionnelles. Les citoyens européens constituent une tierce partie concernée par l’anti-libéralisme en Hongrie en ce qu’il s’attaque de front à la matrice du contrat social européen et donc à sa légitimité. Prendre position sur l’anti-libéralisme patent en Hongrie ne constitue donc pas une ingérence, surtout quand on partage une citoyenneté commune avec les individus qui s’y trouvent.
Des solutions diplomatiques et institutionnelles plus plausibles
La CJUE peut dans un premier temps utiliser l’astreinte à l’encontre de l’État hongrois jusqu’à ce que sa législation soit conforme aux traités qu’il a signés et ratifiés. Même si la portée juridique d’un tel acte est incertaine en l’absence de coercition, de culture constitutionnelle et face à un nationalisme qui méprise la primauté du droit, cet acte aura le mérite, par la symbolique, d’interroger nos concitoyens hongrois sur la gravité de la situation dans leur pays, celle-ci risquant d’être relativisée en l’absence de réaction forte. La seconde solution prévue par les traités sollicite le Parlement, la Commission ou le Conseil européen qui peuvent inviter le Conseil à prendre des mesures à l’encontre de l’État qui viole manifestement les règles européennes. Elles peuvent consister à lui retirer d’éventuels droits, y compris ses droits de vote au Conseil. On remarque ainsi que l’arsenal juridique de l’Union est très léger. Sans doute convient-il de l’alourdir pour renforcer son autorité morale dans les situations de ce genre. On peut très bien imaginer d’autres formes de mesures qui seraient employées selon une logique graduelle. Par exemple, étendre la suspension des droits de vote à toutes les instances au sein desquelles il existe une once d’inter-gouvernementalisme, exclure temporairement du marché intérieur, profiter des monopoles des liquidités de la BCE pour exercer des pressions économiques voire exclure tout simplement l’État de l’organisation européenne de manière définitive. Toutes ces sanctions seraient bien sûr employées conformément à la séparation des pouvoirs.
L’indifférence européenne ou l’absence de culture constitutionnelle
Les dérives autoritaires de Monsieur Orbán entrent en conflit avec les règles européennes. Ce dernier aspire pourtant à les enfreindre de manière totalement décomplexée. L’opinion publique européenne ne semble pas affectée par cette attitude. Les dirigeants européens sont indifférents et ne réagissent pas aux prises de paroles publiques du dirigeant hongrois. Les médias ne se sentent pas concernés non plus. Une telle insensibilité ne peut s’expliquer que par l’absence de culture libérale transnationale. Si la majorité des Européens reste attachée à la construction européenne, force est de constater que ces derniers n’ont pas encore intériorisé la culture constitutionnelle nécessaire à l’épanouissement d’une démocratie. Cela n’est pas étonnant. Lorsqu’une communauté est gouvernée selon des processus diplomatiques post-démocratiques, il est impossible que les individus qui la composent développent un sentiment d’appartenance libéral. Le droit européen souffre donc d’un déficit de légitimité constitutionnelle. C’est pour cela qu’il ne bénéficie pas de ce qu’on appelle en sociologie juridique « l’opinio juris », un état qui fait que les sujets sont convaincus du caractère juridiquement contraignant d’une norme. Pour s’assurer d’une plus grande incitation au respect des valeurs européennes, il est nécessaire de disposer d’institutions démocratiques qui aideraient à l’inculcation d’une culture constitutionnelle. Ces institutions seront fédérales ou ne seront pas.
1. Le 3 septembre 2014 à 10:27, par shaft En réponse à : Viktor Orbàn, un autocrate qui menace l’unité européenne
Mon cher Ferghane
Au vu de ce qui se passe en Ukraine ou en Hongrie comme le souligne votre article pourriez vous me dire où et dans quel domaine voys voyez une unité européenne ?
2. Le 3 septembre 2014 à 10:48, par Ferghane Azihari En réponse à : Viktor Orbàn, un autocrate qui menace l’unité européenne
Cher Cédric,
Cet article dénonce justement le nationalisme qui domine les affaires européennes, le même dont vous vous faites l’avocat. C’est donc en l’éradiquant que l’unité européenne sera confortée.
3. Le 4 septembre 2014 à 11:37, par shaft En réponse à : Viktor Orbán, un autocrate qui menace l’unité européenne
Je tiens à préciser que je ne suis pas nationaliste je suis patriote. Etre nationaliste c est croire a la supériorité de son pays sur tous les autres mais être patriote c est proteger les interets de son pays . L UE est contre le patriotisme ce qui pousse les pays comme la Hongrie vers le nationalisme CQFd
4. Le 4 septembre 2014 à 16:33, par Ferghane Azihari En réponse à : Viktor Orbán, un autocrate qui menace l’unité européenne
Au vu de nos échanges précédents, il est apparu que vous réfutiez la représentation démocratique tant qu’elle ne s’inscrivait dans une logique nationale. Il s’agit là d’une conception nationaliste de la société. Vous pouvez toujours essayer d’édulcorer votre nationalisme en pervertissant la notion de patriotisme, cela ne change rien aux faits.
5. Le 4 septembre 2014 à 21:43, par tnemessiacne En réponse à : Viktor Orbán, un autocrate qui menace l’unité européenne
@Shaft
L’Union contre le patriotisme des pays européens est une idée reçue. Mais dans les faits, l’UE renforce fortement l’identité régionale par ses programmes. Elle constitue également des listes par exemples des monuments constituant l’identé européenne.
http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20111116IPR31606/html/Un-label-europ%C3%A9en-du-patrimoine-commun-%C3%A0-partir-de-2013
Et depuis des siècles l’économie européenne est fortement interdépendante donc la politique exterieure commune de l’UE est à l’avantage de chacun des pays la constituant.
Mais je serais ravi de savoir en quoi l’UE agit contre le « patriotisme » de ses Etats.
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