Une alliance stratégique
Dès le début de son mandat, Ursula von der Leyen a cherché à établir des relations avec des dirigeants européens susceptibles de jouer un rôle clé dans l’arène politique continentale. Giorgia Meloni, à la tête d’un gouvernement italien de droite radicale, représentait un partenaire potentiel stratégique. Von der Leyen, en tant que présidente de la Commission européenne, avait tout intérêt à s’assurer du soutien des principales puissances européennes, y compris l’Italie, pour renforcer sa position à Bruxelles et éviter une dépendance excessive à l’égard de ses partenaires politiques traditionnels, comme les socialistes et les libéraux. Meloni, en retour, voyait dans cette proximité une opportunité d’influencer les politiques européennes et d’obtenir des concessions sur des sujets cruciaux pour son agenda national, comme l’immigration et les politiques économiques. Cependant, cette relation n’était pas sans risques. En effet, Meloni, présidente du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, est perçue comme une figure radicale par les partenaires européens de von der Leyen, notamment les socialistes et les libéraux, ce qui complique un peu plus la position de la présidente de la Commission.
Une relation sous tension
Les premiers signes de friction sont apparus lorsque von der Leyen et Meloni ont tenté de trouver un terrain d’entente sur des questions controversées comme le Green Deal européen et la gestion des flux migratoires. Von der Leyen a, par exemple, proposé des mesures pour renforcer les contrôles aux frontières et intensifier les partenariats avec certains des pays d’origine des migrants, ce qui semblait aligné sur les priorités de Giorgia Meloni. Cependant, les tensions sont devenues palpables lorsque la présidente de la Commission européenne a maintenu des positions jugées trop rigides sur le Green Deal, une politique désormais fondamentale de l’Union européenne mais perçue comme une contrainte par Meloni et sa coalition. En mai 2024, les tensions au sein du Parti populaire européen (PPE, centre-droit) sont devenues plus apparentes lorsqu’Ursula von der Leyen a tenté de nouer des alliances avec les partis de droite radicale européens, y compris Frères d’Italie (Fratelli d’Italia) ; ceci en affrontant des critiques croissantes de la part de ses alliés de gauche. Les socialistes et les libéraux ont ainsi exprimé leur mécontentement face à ce qu’ils ont perçu comme un rapprochement politiquement dangereux avec Meloni, le qualifiant de tentative d’alignement sur les forces de droite radicale, allant jusqu’à riquer de compromettre la stabilité de la coalition de von der Leyen au sein de la Commission européenne.
Les élections européennes
La situation a atteint son paroxysme en juillet 2024, alors que la réélection de von der Leyen était en jeu. La campagne pour le vote d’investiture de von der Leyen a été marquée par des manœuvres politiques intenses. Meloni et ses Frères d’Italie ont finalement décidé de ne pas soutenir la présidente de la Commission lors du vote crucial au Parlement européen, malgré les efforts répétés de celle-ci pour obtenir leur soutien : certains s’abstenant, tandis que d’autres ont préféré voter contre.
L’abstention de Meloni a été perçu comme une décision stratégique. En s’opposant à la réélection de von der Leyen, Meloni a montré qu’elle n’était pas prête à compromettre les intérêts de son parti et de ses alliés sur les questions fondamentales comme le Green Deal, qui étaient vues par ailleurs comme une contrainte excessive pour l’économie italienne. Meloni a également cherché à se distancer des choix politiques européens qu’elle jugeait défavorables pour l’Italie, tout en tentant de s’assurer une certaine marge de manœuvre pour ses futures négociations avec la Commission.
Conséquences et perspectives d’avenir
Malgré le vote défavorable de certains de ses supposés alliés, Ursula von der Leyen est réélue le 18 juillet 2024, confirmant ainsi son second mandat à la tête de la Commission européenne. Toutefois, cette victoire est venue avec une reconnaissance des tensions persistantes entre elle et Meloni. Von der Leyen devra naviguer avec prudence pour maintenir une coopération fonctionnelle avec l’Italie de Meloni, tout en équilibrant les attentes et les pressions des autres États membres et des groupes politiques au sein de l’Union européenne.
Pour Meloni, la décision de vote relative à la réelection de von der Leyen pourrait avoir des répercussions sur la capacité de l’Italie à obtenir des positions influentes au sein de la Commission. Bien que Meloni ait tenté de minimiser les impacts de cette décision sur les relations futures avec von der Leyen, il est clair que cette fracture pourrait affaiblir la position de l’Italie dans les négociations européennes à venir. Les tensions persistantes sur des questions telles que le Green Deal et la gestion de la dette publique italienne continueront probablement à peser dans les relations entre Rome et Bruxelles.
En somme, la relation entre Ursula von der Leyen et Giorgia Meloni est un exemple complexe de la manière dont les alliances politiques peuvent évoluer dans le cadre de la politique européenne. Leur interaction souligne les défis inhérents à la gestion des alliances au sein d’une Union européenne en perpétuel mouvement, où les intérêts nationaux et les dynamiques politiques peuvent souvent entrer en conflit avec les objectifs communs.
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