Etat palestinien : de la cohérence, par souci de la paix !

, par Michael Theurer, traduit par Yohan Baril

Etat palestinien : de la cohérence, par souci de la paix !
Alberto Alvarez-Perea, certains droits réservés

Cinq députés européens de toutes tendances politiques, dont moi-même, ont envoyé à la Haute représentante Catherine Ashton une lettre ouverte dans laquelle nous exhortons la Vice-Présidente de la Commission européenne à demander aux Palestiniens de revenir sur leur plan de reconnaissance par l’ONU d’un Etat palestinien auto-proclamé.

Alejo Vidal-Quadras, Marek Siwiec, Richard Ashworth, Indrek Tarand et moi-même partageons la conviction que seule une solution négociée à deux Etats peut mettre un terme au conflit israélo-palestinien.

Ne pas vouloir aller trop vite

Calendriers et délais peuvent être une arme à double tranchant. D’un côté, ils poussent à être plus proactif afin d’atteindre ses objectifs. Mais d’un autre, ils risquent de créer une pression inutile pouvant mener à de mauvais jugements et de faux espoirs, tout particulièrement à mesure que la date limite approche et que l’on sent le temps manquer. Tel est le cas de l’échéance de Septembre pour la création d’un Etat palestinien.

En apparence, il paraissait sensé d’encourager les Palestiniens à construire enfin leur Etat. Après tout, le plan de partage adopté à l’ONU en Novembre 1947 appelait à la création de deux Etats sur le territoire alors sous mandat britannique. Un Etat juif et un Etat arabe. Soixante-trois ans après l’établissement de l’Etat hébreux, Israël, les Arabes palestiniens doivent encore établir le leur. La communauté internationale, lassée par un processus de paix toujours problématique, a embrassé l’idée d’une date limite pour la création d’un Etat palestinien.

Cette approche concordait avec le plan Fayyad, un plan présenté à l’été 2009 par le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, pour engager une accélération de la construction d’un Etat, afin que les institutions palestiniennes soient prêtes sous deux ans. Dans la mesure où cela attestait d’un pragmatisme bienvenu de la part du gouvernement palestinien, il faisait certainement sens de le soutenir.

Après des décennies à souffrir d’un régime corrompu, engagés dans de violentes campagnes, répétées et inutiles contre Israël, les Palestiniens méritaient assurément des perspectives plus prometteuses. Cependant, le plan Fayyad contenait aussi un élément dangereux – l’unilatéralisme.

L’échec de l’unilatéralisme

Les Palestiniens sont actuellement dans l’illusion qu’en faisant cavalier seul, ils pourront atteindre leurs objectifs politiques, sans avoir à prendre les décisions difficiles qui s’imposent. Dans une tribune publiée dans le New York Times, le Chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a même laissé entendre que l’Etat pourrait être un moyen de prolonger la lutte contre Israël.

Cette approche est vouée à l’échec, dès lors que les principales questions en souffrance du conflit israélo-palestinien ne peuvent être résolues que par les deux parties. Tôt ou tard (le plus tôt sera le mieux) les Palestiniens auront à négocier une solution avec leurs voisins israéliens avec lesquels ils partagent la même terre. Cela imposera de trouver une solution réaliste au problème des réfugiés, les installant hors des frontières israéliennes.

De plus, une déclaration d’indépendance unilatérale n’apporterait pas la paix, car elle ne permettrait pas une véritable réconciliation entre les peuples. Une telle réconciliation devrait être fondée sur une reconnaissance de part et d’autre du droit à l’autodétermination de deux Etats pour deux peuples.

Il faut apprendre à la jeunesse à rechercher la paix, et les incitations à la haine souvent présentes dans les manuels scolaires palestiniens doivent cesser. Or, en agissant unilatéralement, les Palestiniens démontrent un refus de reconnaître le droit d’Israël à exister en tant qu’Etat juif. Plutôt que de mettre un terme au conflit, une telle initiative pourrait signer la fin du processus de paix lui-même.

Si l’on ne tire pas la sonnette d’alarme maintenant, les parties courront le risque d’entrer dans un nouveau cycle de violences. Alors que l’échéance d’octobre approche, les aspirations palestiniennes vont sans aucun doute grandir. Ils pourraient même obtenir une majorité au vote de l’Assemblée générale de l’Onu, grâce à la traditionnelle « majorité automatique ». Mais le lendemain, les problèmes non résolus seront toujours là, provoquant des frustrations et, en retour, peut-être même une éruption de violence.

Les Etats-Unis ont déjà fait connaître de manière très claire leur position, le Président Obama appelant explicitement les Palestiniens à ne pas engager une telle démarche. George Mitchell, envoyé spécial des Etats-Unis pour le processus de paix, qui a démissionné le mois dernier, a déclaré dans une interview à Bloomberg que le vote des Nations Unies serait un développement dangereux, et que « la voie pour que les parties arrivent à un accord, la voie pour que les Palestiniens obtiennent un Etat, la voie pour que les Israéliens se sentent en sécurité, passe par un accord négocié ».

Maintenant, il revient aux autres acteurs de la communauté internationale d’intervenir de manière responsable et d’inciter les Palestiniens à ne pas agir unilatéralement. Ils devraient au contraire être convaincus de retourner à la table des négociations où les différents problèmes clés seront discutés. Tous les principaux acteurs du processus de paix, dont les Etats-Unis, l’UE et le Quartet, ont appelé de manière constante à une solution négociée du conflit. Ils devraient désormais être plus spécifiques et mettre en garde contre les dangers de l’approche unilatérale.

Augmenter les pressions sur Israël

Ce faisant, ils seront au moins cohérents avec leurs propres positions. Depuis la récente visite du Président du Parlement européen Buzek en Israël, nous savons que lui aussi, et avec un peu d’espoir la majorité du Parlement européen, regrette l’intention des Palestiniens d’avancer unilatéralement vers un Etat. Dans le même temps, nous devons dire très clairement que la pression sur Israël pour chercher une solution négociée avec son voisin palestinien doit être accrue.

Israël doit stopper la construction de colonies juives au cœur de ce qui sera la future Palestine et le Premier ministre Netanyahou doit s’abstenir d’une intransigeance par laquelle il exclut jusqu’aux Palestiniens modérés. Je ne comprends pas pourquoi M. Netanyahou est subitement si choqué par le dernier discours d’Obama, dans lequel celui-ci plaçait le retour aux frontières de 1967 au cœur de tout nouvel accord de paix. Cette demande a été répétée et acceptée, depuis des années, dans toutes les dernières négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Il est également regrettable que le Premier ministre israélien refuse ne serait-ce que de penser à un partage de Jérusalem en capitale de deux Etats. L’année dernière déjà, le Ministre de la Défense Ehud Barak avait justement fait preuve d’une volonté générale de discuter la question de Jérusalem dans un objectif de paix. Sans une telle volonté, toute tentative de négociation de paix est futile et perdue d’avance.

En particulier, le Ministre des Affaires étrangères israélien Avigdor Lieberman, d’extrême droite, a participé à ralentir tout effort de paix. Son parti Israel Beytenou (Israël notre Maison), qui appartient à la coalition gouvernementale, est un adepte de la ligne dure prônant l’expulsion de la population arabe de Cisjordanie et la création d’un « grand Israël ».

D’après de récents sondages, 67% de l’ensemble des Israéliens souhaitent le retrait de Cisjordanie et le partage de Jérusalem afin d’obtenir une paix durable. Il était temps que la population israélienne dise cela à ses leaders. Sans une paix durable et une solution à deux Etats, Israël perdra – à long terme – sa majorité juive et mettra à mal ce dont elle est à juste titre si fière : sa vibrante démocratie libérale.

En résumé, un accord de paix négocié, menant à une solution, à deux Etats, est incontournable. L’unilatéralisme ne peut être la solution, car il laissera toujours l’une des parties de côté.

L’insupportable situation à Gaza, de laquelle Israël s’est unilatéralement retiré à partir de 2005, est le meilleur exemple des risques concomitants à l’unilatéralisme. Aussi, la réticence du gouvernement israélien actuel à faire le moindre vrai compromis pour la paix ne peut mener à aucun des résultats souhaités.

Seuls des efforts réels et sincères des deux côtés, simultanément, peuvent avoir une chance de succès. L’UE devrait assurer activement qu’aucune des deux parties ne s’écarte de l’effort de recherche de la paix. Le Parlement européen pourrait jouer ici un rôle plus actif par le biais de contacts parlementaires officiels et interpersonnels afin de convaincre toutes les parties prenantes de venir à la table conjointe de négociation. La récente visite du Président du Parlement européen Jerzy Buzek dans la région est un signal fort lancé au bon moment.

Vos commentaires
  • Le 1er novembre 2011 à 16:08, par Julien En réponse à : Etat palestinien : de la cohérence, par souci de la paix !

    Merci beaucoup pour cette traduction.

    Beaucoup d’incohérence dans cette position :

     Sur l’adjectif « unilatéral », qui est asséné à longueur d’article, il faudrait peut-être sortir le Petit Larousse. Il me semble que la demande palestinienne s’inscrit dans le cadre de la communauté internationale ? Alors bien sûr, ils ont pris une initiative eux-mêmes, mais qu’est-ce qui empêche Israël de la soutenir ? Faudra-t-il désormais qualifier d’unilatéral toute initiative portée par Ramallah ? Aurait-il fallu refuser l’accession à l’ONU du Timor Oriental en 2002, ou condamner les velléités indépendantistes « unilatérales » qui s’expriment à travers le monde, du Sud-Soudan à la Flandres ?

     C’est bien la première fois que je vois quelqu’un défendre les frontières de 1967 tout en refusant la reconnaissance d’un Etat palestinien : si Israël et les États-Unis rejettent les demandes d’Abbas, c’est avant tout parce qu’elles font référence aux frontières de 1967. La position de Theurer est de ce point de vue totalement incohérente. Si en tout cas ils approuvent réellement ces frontières, ces cinq eurodéputés devraient non seulement appeler à « stopper la construction de colonies juives », mais aussi demander le démantèlement de toutes les colonies.

     Il y a dans cet article une certaine négation du conflit israélo-palestinien : tout se passe comme si la colonisation n’était qu’un détail. Or il n’y a pas un mois sans que le gouvernement Netanyahou n’annonce la poursuite de la colonisation, de manière totalement unilatérale –sans même le soutien de Washington- et contraire au droit international. Qu’a fait l’ONU jusqu’ici à part condamner verbalement ? Rien. Reconnaître la Palestine n’y mettrait pas fin, mais ce serait un juste retour des choses.

     « la traditionnelle « majorité automatique » ». Il est très difficile d’avoir raison tout seul, mais cela ne justifie pas d’employer des expressions qui fleurent bon la théorie du complot. Comment ne pas se rappeler qu’Israël a été créé grâce à l’ONU ? et soudain l’ONU serait un pantin à la solde de la Palestine ? Voyons…

     « Ne pas vouloir aller trop vite ». En effet, le conflit israélo-palestinien en est un cas d’école.

     Y a-t-il vraiment un risque à voir Israël perdre sa majorité juive ? En 2008, 20% des citoyens israéliens sont arabes ; sont-ils un risque pour Israël ? Je ne comprends pas cette approche confessionnelle.

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