Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

Analyse de son discours de Nîmes

, par Fabien Cazenave

Sarkozy veut l'Europe des Etats, pas des citoyens

Le discours de Nicolas Sarkozy à Nîmes « a lancé » la campagne de l’UMP. Le parti du Président de la République nous offre une vision de l’Europe où ce sont les chefs d’Etats et de Gouvernements qui décident. Dommage pour une élection où nous votons pour les représentants des citoyens au Parlement européen.

Sarkozy et l’Europe des Etats

La vision de l’Europe par Nicolas Sarkozy est fondée sur le prisme de l’intergouvernementalisme. Un lieu de rapports de force entre chefs d’Etats et de Gouvernements. Par exemple dans son discours : “Avec l’Allemagne nous avons convaincu tous les Chefs d’État et de Gouvernement” ou encore “Si la moralisation du capitalisme a été inscrite à l’ordre du jour des grandes négociations internationales, si le G20 s’est réuni à Washington, puis à Londres, c’est parce que la France l’a demandé au nom des 27 Européens unis.”

Tout passe par lui par ce prisme. La volonté politique y est donc primordiale… sinon “ce sont les autres qui nous imposeront leurs valeurs, leur modèle de société, leurs choix économiques”.

Cela explique d’autant plus sa proposition d’UPM : “C’est pourquoi la France a voulu avec tant de force l’Union pour la Méditerranée.” Sylvie Goulard dans son livre sur ce sujet nous l’a bien expliqué : Nicolas Sarkozy veut arrêter avec l’équilibre communautaire. Même s’il faut oublier de proposer ce projet à ses partenaires avant de le mettre sur la place publique.

Autres extraits du discours de Nîmes : “Si le Traité de Lisbonne entre en vigueur, l’Europe aura un président stable du Conseil européen”… et “une Commission qui, à sa place, sous le contrôle du Parlement et du Conseil”. Nous y voilà ! Il ne faut pas que la Commission soit trop forte, il ne faut pas qu’elle tire une légitimité pour agir. Non, il faut qu’elle demande la permission avant d’agir. On comprend pourquoi Sarkozy aime tant le président actuel, José Manuel Barroso.

Autre citation qui éclaire encore plus sa vision : “l’une des grandes faiblesses de l’Europe est venue de ce que les grands pays n’ont pas assumé suffisamment la part de devoir qui était la leur. Nous devons en tirer les leçons pour l’avenir.”

Un discours dans sa logique

Le volontarisme politique doit s’afficher avant tout : “Le rôle des responsables politiques c’est de travailler jour après jour à lever tous les obstacles à la croissance, à corriger tous les défauts qui empêchent notre pays de tirer le meilleur parti de ses ressources, du courage et de l’intelligence des Français. Voilà ce que l’on attend des responsables politiques.” C’est au chef de l’entreprise France de “sentir” ses employés (ou citoyens comme vous voulez).

Il tire donc gloire de sa présidence du Conseil de l’Union européenne où son volontarisme a permis à l’Europe d’être présente sur la scène internationale : “Si la Géorgie n’a pas été rayée de la carte, si un cessez-le-feu a pu intervenir à Gaza, si l’Europe n’a pas cédé au sauve qui peut et au chacun pour soi quand le système bancaire a menacé de s’effondrer, c’est parce que la France, alors qu’elle exerçait la Présidence de l’Union européenne, a pris ses responsabilité”. Mais, on en oublie que son Europe sarkozyste est tellement dépendante du Chef qu’avec un président tchèque eurofrileux, l’Union européenne n’existe plus sur la scène internationale, notamment au G20.

Or l’Europe intermittente ne peut pas être un projet politique. La stabilité doit donc venir du Parlement européen et non plus être dépendante des élections nationales. Mais on ne peut pas reprocher à Nicolas Sarkozy de se projeter jusqu’en 2017 et de ne pas voir cet aspect des choses.

Son “Europe des États” rend également logique qu’on parle des relations avec les autres États. Sa proposition d’ajouter la Russie à une coopération renforcée au même niveau que la Turquie peut être une bonne solution pour sortir par le haut pour ceux qui ne veulent pas d’Ankara dans l’Union. Il est aussi logique qu’il cherche à se démarquer de Barrack Obama qui commence à lui faire plus que de l’ombre…

Une Europe sarkozyste ?

Nicolas Sarkozy commençait son discours clairement dans la cité du Gard : “Nous avons le choix d’être le jouet des évènements ou d’être les acteurs de notre propre histoire. Ou nous nous battons pour les valeurs qui sont les nôtres, pour le modèle de société que nous voulons”. C’est effectivement une bataille électorale sur un modèle qui se joue. Nous pouvons voir ici se dessiner une opposition politique entre une Europe sarkozyste et une Europe fédérale. Celle-ci met au coeur le citoyen en tant qu’acteur de la construction européenne.

Un citoyen responsable qui ne se défausserait pas sur l’Europe comme l’a fait Nicolas Sarkozy : “On ne peut pas vouloir faire l’Europe et refuser le bouclier fiscal que l’Allemagne a inscrit dans sa Constitution. Quand on est en Europe, quand on a le niveau de prélèvement que nous avons atteint, on n’augmente pas les impôts, on les baisse !” Mais c’est bien sûr, c’est la faute à Bruxelles…

Tout le monde peut dire que l’Europe doit être politique (sauf les Souverainistes évidemment). Mais c’est aux citoyens européens de décider la politique de l’Europe et non pas des chefs d’Etats et de Gouvernements qui discutent dans des couloirs à l’abri des regards et des caméras.

Illustration : photographie de Nicolas Sarkozy issue du site de la présidence française.

Vos commentaires
  • Le 12 mai 2009 à 13:51, par sf En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    Le chef de l’État est dans la lignée de la présidence française de l’UE de l’année dernière.

    Décevant mais pas surprenant.

    amitiés,

    sf http://europeanelection2009.blog.lemonde.fr/

  • Le 12 mai 2009 à 15:50, par Le Touareg En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    L’Europe du seul Conseil des chefs de gouvernements a abouti à une Europe « gonflée » incapable de grandes décision au point que ce même Conseil a décidé la réunion d’une Convention pour élaborer une constitution. Constitution que les Conseils successifs n’ont eu de cesse depuis presque cinq ans d’édulcorer ! En outre les délibarations des Conseils ne sont pas portées à la connaissance des citoyens. Ou est la démocratie la dedans, Il ne faut pas oublier que, dans une démocratie, la première des institutions est constituée par l’ensemble des citoyens votant. Quel silence des politiques et des média sur tous ces points ! Il faudrait les rappeler aux citoyens en préambule à leurs attentes. L’Europe des Etats de Sarkozy ne sera jamais forte de la permanence de l’unité de ses citoyens. En outre elle aura plus de moments faibles que de moments forts. La seul solution viable passe par un Parlement aussi fort que le Conseil, et une Commission indépendante en charge de parler du bien commun de l’ensemble européen. La parole donnée aux Parlements Nationaux sur les questions de subsidiarité étant garante des écarts de subsidiarité aux yeux des etats.

  • Le 12 mai 2009 à 16:45, par gérard dupont En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    La ligne générale de politique énoncée par Sarkozy me semble en tous points excellente. Elle gagnera du temps. Faut-il essayer de freiner un pareil moteur ? Il tombe dans le travers de beaucoup de grands leaders : trop faire par lui-même, imposer pour gagner du temps ce qu’il pense être la meilleure idée pour le bien public,parfois jusqu’au delà des partis, y compris du sien Je fonde un grand espoir sur le pouvoir de codécision du futur parlement et sur le fait qu’en ce siècle, du moins en Europe,la démocratie a de plus en plus de possibilité de participer. C’est vrai qu’avec de tels hommes, il faut y veiller.

  • Le 12 mai 2009 à 17:57, par robert leleu En réponse à : Europe-Démocratie-Espéranto

    Votre conclusion est au coeur de la position de Europe-Démocratie-Espéranto, qui présente des candidats en France et en Allemagne, et qui, en outre, propose un outil pour que les citoyens européens puisent débattre de ce qu’ils veulent pour l’Europe, cet outil étant l’instauration de l’espéranto comme langue d’intercommunication entre européens.

    Comme disent les EDE allemands « Damit Europa sich versteht »

  • Le 13 mai 2009 à 00:34, par Laurent Nicolas En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    tout à fait d’accord ! à noter qu’avec le traité de Lisbonne, certaines discussions du conseil de l’Union européenne, le conseil qui regroupe les ministres de chaque Etat, seront rendues publiques. On est ici au coeur de la tension entre le souci de transparence, principe démocratique fondamental, et celui de l’efficacité de la prise de décision communautaire, qui ne se fait que par compromis parfois techniques et opaques sur des points de détails d’un acte.

  • Le 13 mai 2009 à 14:03, par beo En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    Bonjour,

    je souhaite utiliser la liberté d’expression que procure encore Internet pour réagir librement au commentaire de Fabien Cazenave sur l’Europe des Etats voulue par l’UMP.

    En fait, pour faire simple, je souhaite surtout répondre à la question : comment sortir de l’Europe des Etats ?

    Et toujours pour faire simple, je dirai : il suffit de changer les règles du jeu. Et où va t-on les écrire les règles du jeu ? Dans une constitution européenne, tout simplement. Vous pouvez appeler cela loi fondamentale, charte, pigeon voyageur, tout ce que vous voulez, mais je pense que « constitution » est le terme approprié.

    Alors me direz-vous, il y a déjà une constitution sur les rails, c’est le fameux traité de Lisbonne. Pourquoi aller chercher midi à quatorze heures, alors qu’une solution toute prête nous tend les bras ?

    Je vois deux raisons de s’opposer à ce traité.

    La première, c’est que, comme le suggère Fabien Cazenave dans son article, le traité de Lisbonne entérine une Europe des Etats. Peut-être moins nationaliste que le traité de Nice, mais on reste toujours dans l’Europe des Etats. Et le pire, c’est que comme le processus de modification du traité est vérouillé par les états, on le voit mal évoluer vers une Europe fédérale. Comme le disait Giscard au sujet du défunt TCE, on en a pour cinquante ans. Cinquante ans pour attendre un nouveau pas de fourmi, c’est long.

    La seconde raison de s’opposer à ce traité est que son éventelle ratification serait un affront aux droits de l’homme.

    Je m’explique.

    On a déjà deux peuples qui ont dit non au TCE, dont le traité e Lisbonne n’est qu’un subtil toilettage ; et voilà que les irlandais ont dit clairement non à leur tour. Je n’irai pas par quatre chemins. Ratifier Lisbonne c’est piétiner l’article 21.3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme selon lequel la volonté populaire est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics. Bref, si le peuple dit non, c’est non. C’est pas oui.

    Ben oui mais alors comment on fait ? Comment écrire un texte que la majorité des peuples européens pouraient approuver ? Je parle de la majorité des peuples et je ne dis pas tous les peuples, car après tout si certains peuples veulent que leur pays sorte de l’Union, pourquoi pas. Après tout, si l’Europe forteresse ne fait pas l’unanimité, que dire de l’Europe prison !D’autre part, l’Union économique ne s’est pas tout de suite faite avec 27 pays, pourquoi imaginer qu’il en sera autrement avec l’Europe politique, ou l’Europe des citoyens si vous voulez ?

    Mais cela ne répond pas à la question épineuse, comment pondre un texte que des peuples approuveraient ?

    Cela devrait être la question centrale de cette élection européenne. Et elle ne l’est pas parce que les politiques professionels n’ont aucune solution.

    Je propose de pousser plus loin la réflexion. Pourquoi n’ont-ils aucune solution ?

    Parce que les seules solutions qu’ils peuvent imaginer sont des solutions où ce sont eux qui écrivent la constitution. Eux ou leurs copains juristes. Ils veulent écrire la constitution car comme ça ils sont sûrs de garder leur pouvoir et les avantages que cela comporte.

    Les politiciens professionels écrivent les règles pour eux, logique. Et quand on demande l’avis aux peuples sur le résulat, certains disent non, logique.

    En fait, le seul truc dont on est sûr, c’est que ceux qui écriront la constitution l’écriront pour eux.

    Donc, la question « qui doit écrire la constitution ? » a la même réponse que la question « pour qui voulons nous l’Europe ? ». Pour nos enfants ? Peut-être, mais je ne voudrais pas que la constitution soit écrite uniquement par des enfants... d’autre part, pour parler franchement, assumons le fait que nous, citoyens européens, nous voulons l’Europe pour nous. Nous voulons l’Europe du citoyen !

    Oui, mais, de même qu’il est impossible de rassembler tous les peuples autour d’une table, on imagine mal tous les citoyens voulant faire progresser l’Europe se réunir pour écrire un texte, si consensuel soit-il.

    Alors que fait-on ? On organise une élection ? Une election pour une assemblée constituante, c’est vrai que cela sonne bien. Mais le problème d’une élection, c’est que ce sont les politiciens professionels qui la gagnent. Normal, c’est leur métier. Et nous on veut des citoyens.

    Comment faire ? Organiser des élections auquelles les politiciens professionels n’auront pas de droit de participer ? Hors de question. On ne peut pas les discriminer là dessus, ou alors on piétine comme eux, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui les protège, eux aussi, contre les discriminations...

    Le problème semble insoluble.

    Mais il ne l’est pas.

    Les grecs anciens, inventeurs de la démocratie, connaissaient la solution, et ils l’ont mise en oeuvre dans de nombreux domaines.

    La solution, c’est le tirage au sort. C’est le seul moyen de choisir sans discriminer.

    Certains feront peut-être remarquer que le même article 21.3 de la DUDH que je mentionnais plus haut garantit à chaque être humain le droit de choisir ses représentants, ce qui exclut le tirage au sort. Oui, mais rien ne dit que ce sont des représentants qui doivent écrire la constitution. A la rigueur, même si c’étaient des extra-terrestres qui l’écrivaient, pourquoi pas, du moment que le texte est bon et n’offense aucun peuple.

    A partir du moment où la constitution est simple, où elle n’est contraignante que dans les domaines où cela est vraiment nécessaire, comme la préservation de l’environnement, où elle donne plus de liberté d’action aux citoyens, comme le référendum d’initiative citoyenne, les peuples se foutent de qui l’a écrite. L’important pour eux - et pour les droits de l’homme - est qu’ils puissent dire souverainement si la constitution leur plait ou pas, s’ils l’acceptent ou non. Ca c’est très important.

    J’aurai sans doute d’autres choses très importantes à écrire mais le mieux est de regarder en détail les propositions du RIC (Rassemblement pour l’Initiative Citoyenne) à ce sujet.

    Pour le RIC, Bertrand Hugon

  • Le 13 mai 2009 à 20:51, par Laurent Nicolas En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    Voilà une argumentation originale, attrayante, mais à prendre avec précaution. Commençons par votre opposition au traité de Lisbonne.

    Ce traité n’est pas le traité de 2005 (TCE) et pourtant il entérine plusieurs évolutions fondamentales qui consacrent la nature quasi constitutionnelle des traités européens : extension des votes à la majorité au sein du conseil des ministres de l’Union, extension des procédures de codécision avec le Parlement européen pour les procédures législatives, extension des droits du Parlement également dans le vote du budget ; charte des droits fondamentaux etc. Bref, Lisbonne consacre les évolutions de Maastricht et fait passer définitivement l’Union au delà d’une simple organisation internationale.

    Pour autant ce traité est très imparfait : fruit de nombreux consensus, retouchés et amoindris par le Conseil des ministres (donc par la voie intergouvernementale, au détriment des citoyens, et des prérogatives de la Commission qui est dépositaire de l’intérêt général communautaire), il a perdu de sa dimension symbolique, il est moins ambitieux.

    Malgré tout, je ne partage pas votre vision quand vous le qualifiez de « pas de fourmi ». Et pour vous contredire, en contredisant Giscard : il n’a pas fallu 50 ans avant cette nouvelle renégociation, mais deux ans pour aboutir au nouveau texte. Et 5 à 6 ans entre les deux « non » et l’entrée en vigueur de Lisbonne à l’horizon 2012. C’est bien la preuve que tout processus de modification des traités est soutenable même à 27. C’est très long, le résultat est le fruit d’une négociation, mais c’est déjà faisable en l’état.

    Ce « en l’état » n’est pas satisfaisant, je vous rejoins sur ce point. Car ce sont les Etats qui ont l’initiative de la réforme des traités (la Commission pourrait s’en servir si elle venait à peser politiquement, nous n’en sommes pas là), et c’est par la voie d’une commission intergouvernementale (CIG) que s’élabore les modifications institutionnelles. Où est la transparence ? Où est la démocratie ? L’ambition du projet européen se dilue dans les négociations entre souverainetés nationales.

    Vous vous demandez comment faire pour rédiger un texte que les peuples pourraient approuver ? Cette question est véritablement fondamentale pour l’avenir de l’Union. Doit-elle être la question centrale des élections européennes ? Je ne le crois pas. A quoi servent les députés ? Aujourd’hui, pas à rédiger les modifications des traités ! Ils participent à la production législative avec le conseil des ministres, ils votent les dépenses de l’Union, produisent des rapports à destination des institutions pour orienter les politiques menées etc.

    La question centrale de cette élection, c’est déjà arriver à faire comprendre aux citoyens à quoi servent les députés, qu’est-ce qu’ils décident, et enfin quelles sont les positions différentes entre les partis sur les grands sujets européens que ces députés auraient à gérer une fois élu. Si le débat public, avec des médias faisant leur travail, pouvait déjà apporter quelques éléments pour éclairer les votes…et inciter à voter, on aurait déjà fait un grand pas. Centrer le débat des européennes sur les questions institutionnelles, c’est tuer dans l’œuf l’Europe politique et en faire une omelette.

    Les candidats et les partis en sont conscients (demandez à Michel Barnier ce qu’il en pense !), et s’ils ne parlent pas d’institutions, ce n’est pas parce qu’ils n’ont aucune solution, comme vous l’affirmez, mais parce que ces thèmes ne cadrent pas avec le contexte de l’élection européenne. Ou si vous préférez, pour formuler ça de manière plus cynique, ce n’est pas vendeur auprès de l’électeur de parler d’institutions au moment des européennes. Et c’est normal, chaque chose en son temps.

    Vous avez du sentir que je n’étais pas sur la même longueur d’onde que vous, mais alors je vous suis encore moins lorsque vous défendez le tirage au sort, comme moyen de sélectionner les personnes qui rédigeraient la future constitution européenne. Vous justifiez ce choix par une crainte des « professionnels » de la politique, qui auraient tendance à écrire cette constitution pour eux. Mais avez-vous idée de ce que peut bien vouloir dire « professionnel » de la politique au Parlement européen ? Pensez-vous que l’ensemble des députés du PE forment une espèce de caste qui défendrait ses intérêts de manière corporatiste au point de rédiger consciemment une constitution juste pour servir leur intérêt, pour leur permettre de se maintenir au pouvoir ? Avez-vous déjà parlé à des députés européens qui font consciencieusement leur travail (et il peut y’en a beaucoup dans les autres délégations que la France) ?

    Il n’existe pas une telle unité, une telle homogénéité dans le groupe ce que vous appelez les professionnels de la politique lorsqu’il s’agit du Parlement européen : 27 cultures politiques différentes, 27 manières de travailler, de voir les choses.

    D’après vous, pourquoi est-ce que la méthode du tirage au sort, parmi tous les modes de désignation qui existent dans tous les systèmes politiques du monde, ou réduisons à l’Occident, pourquoi celle-ci n’est pas devenue LA méthode, la voie de la démocratie ? Il doit bien avoir quelques justifications rationnelles, ou alors l’ensemble des démocraties ne sont constituées que de fous qui choisissent volontairement un mode de gouvernement qu’ils savent ne pas être le plus démocratique.

    Vous affirmez « nous voulons l’Europe des citoyens ». Soyons bien d’accord sur ce que cela signifie. Une Europe démocratique, dans laquelle le citoyen a les moyens de participer aux affaires publiques européennes : droit de vote aux élections européennes, droit d’être élu, droit de sanctionner son gouvernement national aux élections nationales s’il ya un désaccord sur la politique menée au niveau européen, et avec Lisbonne droit de s’adresser au médiateur européen, droit de pétition. Voilà quelques éléments fondamentaux qui font que oui, nous voulons l’Europe des citoyens. Nous voudrions même que de notre vote aux européennes découle le président de la Commission européenne. Il ou elle serait issu de la majorité du Parlement. Ca, ça donnerait vraiment du poids à une Europe des citoyens.

    Mais si par Europe des citoyens, vous entendez une démocratie directe, la rédaction de la constitution européenne par des citoyens tirés au sort, là, je ne veux pas parler au nom de tous les membres des Jeunes Européens, mais je pense qu’on serait très nombreux à ne plus vous suivre.

    Le tirage au sort n’est pas un gage de démocratie. Ecrire une constitution, de manière à ce qu’elle soit un texte qui permette aux institutions européennes de vivre et de fonctionner correctement et surtout durablement, tout en ménageant les 27 pays d’Europe… il ne me semble pas que réaliser cela soit à la portée de n’importe quel citoyen, tiré au sort. L’histoire plaide pour l’assemblée constituante, utilisée aux Etats-Unis ou en France notamment.

    C’est le système d’une assemblée constituante, élue au suffrage universel direct le même jour dans les 27 pays de l’Union européenne, permettant à des députés, dont une grande majorité d’entre eux seraient des personnalités politiques compétentes, ou plus compétentes que la moyenne (nuance nécessaire quand on voit la « compétence » de certains candidats), qui aurait la plus grande légitimité, celle du peuple d’Europe, pour rédiger la Constitution.

    Pour finir, pensez à George Washington ou Benjamin Franklin en 1787, pensez à Michel Debré et Charles de Gaulle en 1958 : ces grands hommes qui ont écrit des constitutions, ont laissé une emprunte dans l’histoire, ils ont marqué de leur vision, de leur compétence, de leur sens politique aussi, le texte fondateur d’une communauté politique. Voyez maintenant l’écho que ces noms ont toujours (bon, à l’exception de Michel Debré) dans les démocraties française et américaine : et dites moi, maintenant, si les peuples se foutent vraiment de ceux qui ont écrit leur constitution !

    Laurent Nicolas, rédacteur en chef du Taurillon.org

  • Le 14 mai 2009 à 14:01, par Zolko En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    Monsieur Nicolas,

    votre vision des hommes politiques est pour le moins romantique : « des députés, dont une grande majorité d’entre eux seraient des personnalités politiques compétentes »... la situation récente dément franchement la compétence des hommes politiques actuels, mais même si, en admettant, compétents de quoi ? Quelle est la compétence d’un homme politique ? C’est celle de se faire élire, tout simplement. Et se faire ré-élire, encore et encore. Et pour ce faire, promettre, promettre encore, et surtout trouver des excuses pourquoi les promesses non-tenues des élection passées ne sont pas leur faute mais de _______ (insérer ici : 35-heures, crise mondiale, les Chinois, les Américains, le patronat...). Non, ce qu’on demande en premier à des hommes politiques n’est pas une compétence, mais de l’honnêteté, de l’impartialité.

    Vous dites que le tirage au sort ne s’est pas imposé dans le paysage politique, et c’est la preuve que « c’est pas bon » ? La bonne blague. C’est certainement pas bon pour les élus professionnels, qui auraient à répondre à des gens du peuple et pas à des gens triés par les plateaux télé. Mais là où vous vous trompez encore plus, c’est que si, le tirage au sort fait déjà parti du paysage politique français ! Vous connaissez les 3 piliers du pouvoir que sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire ? Eh bien, dans le judiciaire, les jurés sont tirés au sort dans la population pour justement s’assurer de leur impartialité ! Comment expliquez-vous ça ?

    Et puis, le rôle d’une constitution n’est pas seulement d’assurer l’efficacité des institutions, car alors, c’est la dictature qui est le système le plus efficace ; un peu gênant, n’est-ce pas ? Non, le rôle d’une constitution est plus subtil, car elle doit, en plus d’assurer des institutions qui fonctionnent, garantir des règles de base que la société en question veut pour elle-même. Et pour ce faire, elle doit éviter que des hommes à qui des pouvoirs ont été confiés par la société ne puissent en abuser ! Et le seul moyen de s’assurer de cela est que les règles du pouvoir ne soient justement pas écrites par ceux qui sont déjà au pouvoir. Et pour cela, le tirage au sort est parfait. Ce n’est pas nécessairement la seule solution, mais c’en est une.

    Quant-à savoir si on veut une Europe fédérale - avec un gouvernement supra-national - ou une Europe confédérale - compose d’états souverains qui coopèrent - laissons les peuples en décider, par référendum, non ? Voire, écrivons plusieurs constitutions que l’on soumettra à référendum, et laissons les citoyens européens en décider !

  • Le 14 mai 2009 à 14:39, par Martina Latina En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    A mon humble avis qui se voudrait eurocitoyen, « l’Europe des citoyens » ne se fera ni sans transition, ni sans douleurs, ni sans nous, à travers une mue qui promet d’être aussi profonde que longue, qui se poursuit dans les turbulences actuelles touchant tous et chacun, mais semblables à toutes les crises de croissance : à nous de les accompagner pour les contrôler démocratiquement là où nous agissons quotidiennement, donc d’exercer notre droit de vote à tous les niveaux d’élection ; à nous de contribuer à la culture de « notre jardin européen » - pour reprendre l’excellente formule de Sylvie Goulard ; à nous enfin d’inventer et d’atteindre les étapes de l’harmonisation nécessaire à l’échelle européenne, méditerranéenne et globale...

    Nul n’est de trop sur ces chantiers immenses ; seules la peur et l’indifférence sont contraires, ou plutôt néfastes, au mouvement que lança voilà des millénaires, à l’est de la Méditerranée, une certaine princesse EUROPE. Nous le savons et devons le prouver : c’est avec la même énergie que la jeune EUROPE fut portée par un TAURILLON et qu’elle-même apporta des trésors révolutionnaires d’HUMANITE sous la forme des savoir-faire phéniciens en matière de COMMUNICATION comme de NOTATION. Or ces savoir-faire diffusés dans une EUROPE naissant à chacun de leurs pas sont résumés par son NOM qui est aussi le nôtre, qui énonce également notre mission personnelle et collective, pour aujourd’hui, pour l’avenir : EUROPE ou le peuple à la Vaste-Vue.

  • Le 25 mai 2009 à 14:54, par Laurent Nicolas En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    Je n’ai pas une vision romantique du personnel politique et je vous invite à lire mon carton rouge adressé à Rachida Dati pour vous en convaincre. Si il est dans l’intérêt d’un homme politique de se faire élire et ré-élire, cela nécessite pour autant de mobiliser un certain nombre de ressources : l’honnêté en est une, certainement, je suis d’accord avec vous sur ce point ; mais la compétence, ou la compétence supposée par l’électeur, en est une autrement plus déterminante. Vous demandez quelle est cette compétence ? C’est la capacité à comprendre le fonctionnement des institutions, à savoir rédiger une loi, des amendements, c’est la capacité à participer au débat public en fonction de positions reposant sur des convictions, des idéologies parfois, des intérêts divers (intérêts de la circonscription représentée, intérêts corporatistes, et, cela peut arriver, intérêts personnels).

    La constitution devant assurer le bon fonctionnement des institutions et, comme vous le faites justement remarquer, devant également refléter les principes fondamentaux de la communauté politique (charte des droits fondamentaux etc.), il ne me semble pas opportun de désigner les personnes en charge de cette rédaction par tirage au sort : ce procédé n’assure ni la qualité du résultat, ni que les rédacteurs tirés au sort soient plus vertueux que des hommes politiques professionnels.

    Ecrire plusieurs constitutions pour laisser le choix au citoyen… Pourquoi pas. On peut aussi vouloir la paix dans le monde et l’éradication du SIDA. Ou on peut essayer de regarder les difficultés et d’y apporter des solutions. Commençons par rédiger une constitution digne de ce nom et portons la au vote des citoyens.

  • Le 25 mai 2009 à 14:59, par Zolko En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    Si il est dans l’intérêt d’un homme politique de se faire élire et ré-élire, cela nécessite pour autant de mobiliser un certain nombre de ressources : l’honnêté en est une, certainement

    Vous dites que pour se faire élire et ré-élire, l’honnêteté d’une homme politique est nécessaire ? Et vous niez avoir une vision romantique des hommes politiques ? Mais l’honnêteté est la dernière des préoccupations pour se faire élire et ré-élire, au contraire, c’est un frein : aucune personne honnête ne pourrait raconter autant de mensonges - pardon : promesses - qu’un homme politique professionnel, dont les revenus mirobolants, inaccessibles à 99% de la population qu’ils sont pourtant censés représenter, dépendent de leur élection. Et de leurs promesses, donc.

    Ecrire une constitution est certes difficile, mais que doit comporter une constitution : des règles de « vivre-ensemble », les rôles de désignation des pouvoirs, leur révocation… c’est certes compliqué, mais plus c’est compliqué moins ça marche : en effet, une constitution, étant la loi des lois, ne doit pas présenter matière à contournement, et doit donc, par essence et par principe, être le moins possible sujet à interprétation. Une constitution doit donc être simple et pratique. Vous confondez avec les lois, qui sont nécessairement complexes.

    Mais avant toute chose, une constitution doit être approuvée par référendum, et comment écrire un texte pour des citoyens en excluant ces citoyens de la procédure d’écriture ? Une constitution doit aussi être impartiale ! Et seul le tirage au sort permet de satisfaire ces critères primordiaux. Si des élus - ou n’importe quel groupe déjà au pouvoir - écrit une constitution, le peuple le refusera et le pouvoir devra l’imposer par la force (=dictature) ou la ruse (=traité de Lisbonne).

  • Le 25 mai 2009 à 15:44, par Laurent Nicolas En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    Tous les hommes politiques ne sont pas vertueux, je vous rejoins sur ce point. Mais être honnête serait selon vous un frein en politique ? Je ne souscris en rien à cette vision qui est celle du complot contre des entités abstraites « les élites » ; « les politiques » ; « ceux qui gouvernent ». La paranoïa n’a jamais aidé à comprendre le fonctionnement d’une société. Je ne vois pas bien où peut vous mener un tel raisonnement. Oui, l’exercice d’une carrière, dans n’importe quel domaine, est fait d’arrangements, de concessions, parfois de coup bas... que doit on en conclure ? Que la morale conditionne la réussite ? Vous tombez dans le piège de l’assimilation de la morale et de la compétence et ce biais conditionne toute votre argumentation.

    Le débat sur les revenus des hommes politiques jalonne l’histoire de la République : c’est un vieux thème qui servait l’antiparlementarisme au début de la IIIème République et qui resurgit à chaque fois que l’on touche aux rémunérations des élus. Certes la plupart d’entre eux vivent bien mieux que la majorité des citoyens français, c’est un fait absolument incontestable. Aujourd’hui, l’indemnité mensuelle d’un député est (en net) 5219, 17€. C’est pas mal, mais c’est tout à fait dans la moyenne des salaires des cadres du privé en fin de carrière.

    Ce genre de comparaison est bancale, je vous l’accorde, car les députés en France sont souvent des cumulards, et bénéficient d’autres avantages en nature. Mais si vous voulez pousser la comparaison avec des cadres supérieurs du privé, ce qui serait plus approprié, votre argument ne tiendra pas longtemps. (Pour plus d’infos voir cet article sur le site de l’IFRAP)

    Je ne partage pas non plus votre conception du rôle d’une constitution. L’histoire de la Vème République, au moins, montre à quel point une constitution est sujette à interprétation ! Ce n’est peut être pas le but recherché ; ce n’est peut être pas souhaitable. En revanche il me semble très difficile d’empêcher qu’elle le soit : la pratique des textes est nécessairement liée aux personnes en charge du pouvoir, il ne peut y avoir de pratique des institutions qui soit totalement objective. Regardez les différences de style entre la présidence Sarkozy et Chirac ; regardez les différences de style entre Barroso et Delors !

    Je ne sais pas si Jean-Pierre Soisson fut le premier à dire « Une bonne loi est une loi simple », en tout cas il n’est certainement pas le seul à le penser. Non, une loi n’est pas « nécessairement complexe » : la loi doit être applicable, claire, précise et lisible !

    Je reviens sur votre dernier argument qui me semble le plus mince : vous voulez que les citoyens soient impliqués dans la rédaction de ce que serait une constitution européenne. Oui, très bien ; mais vous souhaitez cela car selon vous les citoyens sont plus impartiaux que les politiques. Je pense que c’est totalement faux.

    Voyez votre association, le Front du Plan C : les citoyens émettent des propositions, en débattent sur des forums. Très bien, c’est un beau projet, et me vous méprenez pas je n’y mets pas d’ironie. Mais les propositions et les débats que vous entreprenez, vont-ils être repris dans leur intégralité, mot pour mot ? Non, il y aura un tri, une synthèse. Et là intervient la structure de votre association qui définit qui fait ce tri, en fonction de certains critères certainement prévus par vos statuts. Les Jeunes Européens - France, à leur manière, ont aussi contribué à la réflexion sur le futur des institutions européennes en ayant été interrogé par la commission parlementaire des affaires constitutionnelles du Parlement européen, dirigée par Jo Leinen.

    Une structure intervient à un moment où à un autre. La société est organisée, par des groupes d’intérêts qui portent leurs revendications, comme le votre, comme les Jeunes Européens. J’ai la conviction qu’au milieux de l’expression de ces intérêts et revendications, les mieux à même d’arbitrer et de décider sont celles et ceux qui ont obtenu la légitimité démocratique par le suffrage universel. C’est votre droit de vouloir un autre système politique, mais il va falloir trouver un autre fondement que celui du principe « un homme = une voix ». Bonne chance.

  • Le 2 juin 2009 à 11:06, par Gérard Dupont En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    A l’intention de Fabien Cazenave Je relis votre analyse fort pertinente. En attendant que les citoyens se réveillent et murissent, ne vaut-il pas faute de mieux laisser avancer le Sarko. volontariste. Je suis un senior et souhaite que l’on avance vite pour avoir une chance de voir se concrétiser cette Europe ; Tous aux urnes dimanche prochain, quels que soient nos choix (sauf les nonistes)

  • Le 2 juin 2009 à 16:07, par Fabien En réponse à : Sarkozy veut l’Europe des Etats, pas des citoyens

    Merci Gérard. Je suis en désaccord avec vous cependant sur le choix de laisser aller Sarkozy à sa guise. En effet, si nous ne voulons plus de « 29 mai 2005 », il faut rassembler les citoyens vers la construction communautaire et qu’ils en soient les acteurs.

    Or, avec une Europe des Etats, ce serait justement le meilleur moyen pour augmenter le fossé.

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